Démantèlement de la "Jungle", incitation à l'asile en France... pour les associations, il manque une pièce pivot dans la politique migratoire menée à Calais : obtenir des Britanniques qu'ils prennent en charge plus de réfugiés ayant de la famille sur place.
Alors que la crise des migrants s'invite au sommet franco-britannique jeudi à Amiens, la question monte dans les demandes des acteurs de terrain qui soulignent le nombre considérable de migrants bloqués à Calais dans l'espoir de rejoindre des proches au Royaume-Uni, et notamment des mineurs.
Il y avait, selon le décompte de France Terre d'asile, 326 mineurs sur la "Jungle" de Calais dont "57 de moins de 15 ans", avant le début du démantèlement.
"Il faut impérativement que la France et la Grande-Bretagne discutent du fait qu'il y a des personnes fondées à franchir légalement la Manche, au nom du respect du droit à vivre en famille", et "qu'elles fassent état de ces discussions", estime Jean-François Dubost, responsable du programme réfugiés à Amnesty international France.
Le 26 février, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve avait insisté sur le fait que les Britanniques "doivent prendre leur part" dans l'accueil des mineurs isolés ayant des parents en Grande-Bretagne. "J'ai évoqué le sujet avec ma collègue (britannique) Theresa May et je suis très déterminé à faire en sorte que cela se fasse conformément à ce que sont les usages et les principes", a-t-il déclaré. Les deux ministres devaient de nouveau évoquer la question des mineurs en marge du sommet.
Sur ce sujet sensible, plusieurs dispositifs peuvent, selon les associations, être invoqués. "Certains cas s'inscrivent très clairement dans le cadre de la législation britannique sur le regroupement familial", explique M. Dubost. D'autres pourraient jouer sur les marges de manoeuvre des textes européens. Aux termes du règlement de Dublin, les demandes d'asile doivent être traitées par le premier pays dans lequel le migrant a laissé des empreintes. Mais plusieurs clauses viennent nuancer cette règle.
Ainsi l'article 8 du règlement affirme que, "si le demandeur est un mineur non accompagné, l'État membre responsable est celui dans lequel un membre de la famille ou les frères ou soeurs (...) se trouvent légalement".
"Prendre sa part"
A l'heure de la crise migratoire, les capitales cherchent plus à réduire les flux qu'à repêcher des dossiers au-delà de leurs frontières. Mais "le Royaume-Uni doit donner un signal de bonne volonté", estime M. Dubost. Dans ce dispositif, la preuve du lien familial est cruciale. "La Grande-Bretagne ne se déclare pas hostile sur le principe, mais dans les faits il y a toujours une tracasserie administrative", soupire Pierre Henry, le directeur général de France terre d'asile. "On vous demande un certificat d'état civil, autant dire que le dossier ne peut pas aboutir", ajoute-t-il, en déplorant des "demandesdilatoires".
Mais la question devra être résolue, car "au-delà des postures, Calais va perdurer", avertit-il. La revendication est, en attendant, de plus en plus partagée: "Messieurs Hollande et Cameron, réunissez les familles séparées", affirme jeudi une pétition signée par plusieurs personnalités, dont l'ancien maire de Paris Bertrand Delanoë, la présidente d'Amnesty international France Geneviève Garrigos, celle de Médecins du monde Françoise Sivignon, ou encore les artistes Bernard Lavilliers ou Lambert Wilson.
Et les associations jugent qu'il faudrait aller beaucoup plus loin. Elargir la notion de famille proche, assouplir les critères de l'asile... Alors que la Grande-Bretagne a négocié une gestion de la frontière côté français aux termes de l'accord du Touquet, "il y a un rapport de force entre les deux pays, c'est évident", estime Laurent Giovannoni, responsable du département accueil des étrangers au Secours catholique.
"Le jour où cette relation sera rompue, les migrants ne seront plus à Calais", a averti le ministre de l'Economie Emmanuel Macron au Financial Times.
Pour M. Giovannoni, il faudrait mettre en place un "groupe de travail mixte entre parlementaires et élus français et britanniques" pour sortir des "discussions confidentielles" entre gouvernements.
Et la menace d'un "Brexit" n'y change rien. "Que la Grande Bretagne reste ou non dans l'Union européenne, il faut qu'elle prenne sa part dans l'accueil des réfugiés", estime-t-il.