Face à une frontière avec l'Angleterre de plus en plus hermétique, les poids lourds deviennent la cible de projectiles lancés par certains migrants. Entre le désespoir des exilés bloqués d'un côté, et les nerfs des routiers qui commencent à lâcher de l'autre, certains redoutent un drame.
"Ça va mal finir tout ça", sont des mots qui reviennent de plus en plus à Calais ces derniers temps. Dans la bouche des chauffeurs et transporteurs routiers en particulier. Ils sont en première ligne d'une situation de plus en plus tendue. Le renforcement spectaculaire de la sécurité au port et au tunnel sous la Manche a pour conséquence que le passage vers l'Angleterre est devenu quasiment impossible, pour les 4 500 migrants bloqués dans la "jungle" de Calais. Certains parmi eux s'en prennent alors de manière de plus en plus violente aux forces de l'ordre, mais aussi aux chauffeurs routiers.Depuis 4 ans, Benjamin De Costa est l'un d'eux. Il avait presque fini son service lorsqu'il s'est fait caillasser sur la rocade. Trois jours plus tard, il est encore choqué.
"Ça s'est passé au niveau de la porte. J'ai entendu un gros boom, et quand j'ai vu toute la pluie de cailloux qui tombait, je me suis dit je vais m'en prendre un, c'est obligé", confie-t-il à notre caméra. "J'ai eu peur d'être blessé. Ça fait drôle. Moi qui suis un ancien militaire, je ne pensais pas avoir ça en France. Je me demande si c'est normal de se faire caillasser comme ça en faisant son boulot". Beaucoup de chauffeurs routiers partagent aujourd'hui son inquiétude.
"Nous perdons des clients"
"Franchement oui on a peur", confirme Lionel Péridon, chauffeur depuis 27 ans. "Vous commencez à les taper, c'est vous qui prenez. Ça va mal finir ici à Calais. Mais tant qu'il n'y aura pas de morts, ça bougera pas". 6000 camions passent quotidiennement à Calais, mais certains jours, le trafic devient quasi impossible. C'est difficile à supporter pour les transporteurs. "Nous sommes à bout économiquement, se désole Jean-Pierre Devigne, gérant d'une société de transport routier. "Nous perdons des clients de jour en jour. Nos clients nous demandent de ne plus passer par Calais, ou nous abandonnent complètement".La Fédération nationale des transporteurs routiers du Pas-de-Calais vient d'adresser une lettre à la préfète du Pas-de-Calais, un véritable cri d'alarme. "Faudra-t-il attendre qu'un drame se produisent à Calais pour prendre la mesure des difficultés de la profession ?", interroge le président des routiers David Sagnard. "Aujourd'hui, on se rend compte que tous les investissements qui ont été faits sur le port de Calais pour assurer la sécurité avec les grillages ne servent plus à grand chose, puisqu'en fait les migrants viennent avec de l'outillage professionnel et démontent les grillages." Ce chef d'entreprise a d'ailleurs chiffré ses pertes : elles s'élèveraient à près de 300 000 euros depuis le début de l'année.