C'est avec pour seul bagage un sac à dos que des milliers de migrants souhaitent rejoindre chaque année les côtes anglaises. Ce matin, au large de Wimereux, l'un des hommes présent sur une embarcation a abandonné le sien. Notre équipe a pu le récupérer.
C’est une scène qui est devenue banale sur ces plages de la Côte d’Opale. A 6h du matin ce vendredi, près de 100 migrants d'origine irakienne et kurde ont pris la mer à bord de deux embarcations de fortune, entre Wimereux et Ambleteuse. L’objectif, atteindre l’Angleterre, située à 30 km à peine.
Parmi eux, des familles avec enfants, prêts à mettre en péril leur vie pour rejoindre les côtes anglaises car les embarcations, surchargées, risquent de couler. L’an dernier, 9 personnes seraient décédées en tentant de rejoindre l’Angleterre.
Les candidats à l’exil doivent donc se munir du strict minimum pour ne pas alourdir le bateau lors de la traversée. Désormais, toute leur vie tient dans un simple sac à dos.
Ce matin, l’un de ces sacs s’est retrouvé à l’eau, abandonné ou laissé tomber accidentellement par l’un des migrants sur le bateau. Notre journaliste l’a récupéré. Cet objet retrace la vie passée d'une famille et son périple. Soudain, elle ne peut plus être seulement considérée comme une statistique migratoire. Avec ce sac, elle prend vie et reprend son identité.
Un parcours migratoire retracé
L’homme qui détenait le sac était accompagné de sa femme et de ses trois enfants, âgés semble-t-il de 3 à 14 ans. Les objets permettent de retracer le parcours migratoire de la famille. Le point de départ, c’est l’Irak : dans le sac, on découvre une carte professionnelle du ministère de l’intérieur irakien appartenant au père âgé d’une quarantaine d’années. Il y a ensuite des parfums, visiblement achetés en Turquie ou encore ces médicaments venant d’Allemagne…La famille y a vécu plusieurs années, leur titre de séjour n'a vraisemblablement pas été renouvelé. Ils ont donc fait le choix de partir.
Mais ce qui saute aux yeux, ce sont ces photos de famille, vestiges d’une vie passée, d’une vie normale : on distingue les enfants souriants, dans une piscine, à la neige, des photos de classe et d’identité. Ils semblent heureux, épanouis. Difficile d’imaginer que ce sont ces mêmes enfants qui, ce matin, étaient agglutinés sur une embarcation pour l’Angleterre.
Kit de survie
La famille se préparait semble-t-il à toute éventualité : plusieurs paires de ciseaux, des cordelettes, du gros ruban adhésif, des gants de toutes tailles, des briquets… Les appareils électroniques (tablette, téléphone, batterie) leur permettaient sans doute de rester connecter au monde extérieur, ces objets sont une fenêtre sur une nouvelle vie possible.
D'autres objets renvoient au contraire à un quotidien banal : un nécessaire de couture, des lingettes pour laver des lunettes, un peigne, une brosse, un rasoir, une crème hydratante, des huiles... Survivre oui, mais en gardant un lien avec une certaine normalité. Celle-ci destabilise : elle nous renvoie au fait que cette famille pourrait être n'importe qui, dans n'importe quel pays.
Selon l'agence de presse PA, plus de 14 000 migrants sont arrivés sur les côtes du sud de l'Angleterre par embarcation depuis le début de l'année, soit bien plus que sur toute l'année dernière (plus de 8 000). Il est souvent difficile de s'imaginer les vies derrière ces milliers de personnes qui migrent chaque année. Pourtant, le contenu de ce sac nous rappelle que derrière les chiffres impressionnants du phénomène migratoire, il y a des vies, des histoires.