Il y a 184 ans, le 2 avril 1840 naissait Émile Zola. Auteur de la fameuse saga familiale des Rougon-Macquart, mais aussi journaliste, il était enclin à raconter le réel et c'est ce qu'il a fait. Retour sur les inspirations de Zola dans les Hauts-de-France.
Plus de 100 ans après la mort d'Émile Zola, son œuvre reste un incontournable de la littérature française. Et pour cause, tel un médecin légiste, il décortique attentivement les plaies encore béantes de sociétés impériale et minière pourtant disparues.
Chef de file du naturalisme, Émile Zola a toujours donné à voir avec précision ce qu'il rencontrait et ce qu'il ressentait. Les Hauts-de-France ont été l'un de ces terrains de jeux les plus inspirants. Germinal par exemple, 13ᵉ de la série des Rougon-Macquart, se déroule dans le bassin minier du Nord. Le romancier s'est aussi intéressé à Compiègne, dans l'Oise, à travers une "causerie" écrite dans un journal de l'époque, La tribune française. C'est un pamphlet en somme.
Un séjour dans les mines du Valenciennois pour écrire Germinal
Adapté au moins six fois pour le grand écran, Germinal n'a jamais cessé d'intéresser le public. Dans le village de Montsou dans le département du Nord, on découvre la vie des mineurs, victimes de leurs conditions de travail. Au-delà des coups de grisou, c'est la diminution de leurs salaires qui forme l'événement perturbateur de l'histoire, puisque les mineurs se mettent en grève.
Malgré une vraisemblance troublante, Montsou n'existe pas. On peut en revanche y voir une analogie entre ce village fictif et celui d'Anzin, proche de Valenciennes, qui a connu des grèves dans l'année précédent la parution de Germinal.
Zola ne s'est pas contenté de s'y balader. Il est allé au fond des mines et même chez les mineurs.
Virginie Malolepszy, centre historique minier de Lewarde dans le Nord.
Et pour cause, Zola y a passé quelques jours dès le début des contestations sociales, le 23 février 1884, sur invitation d'Alfred Giard, député de Valenciennes, bien décidé à dédier son prochain roman aux ouvriers. "Il ne s'est pas contenté de s'y balader. Il est allé au fond des mines et même chez les mineurs", raconte Virginie Malolepszy, conservatrice de l'exposition "Sur les pas de Zola" organisée en 2016 au centre historique minier de Lewarde dans le Nord.
"Sa visite de la fosse Renard, à Denain, permet à Zola de découvrir l'ensemble des installations et leur rôle sur le carreau de mine : les puits, les machines d'extraction, le clichage et le criblage. L'ingénieur Mercier lui explique l'organisation du travail et les différents postes ; autant d'éléments qui permettront à l'auteur de se familiariser avec le fonctionnement de l'exploitation au jour", rapporte la chercheuse dans un communiqué.
Très proche des mineurs qu'il avait rencontrés, Zola essuyait pourtant régulièrement le reproche de trop noircir la réalité des mines. "Germinal a une partie réaliste sur l'atmosphère, le travail (...) mais bien évidemment il a une histoire à raconter et pour pouvoir rendre son récit haletant, il a besoin de noircir les choses", explique Virginie Malolepszy.
"Paradoxalement, les compagnies minières, notamment celles du nord de la France, sont pourtant très en avance sur leur temps en matière d'habitat ouvrier. Dès 1825, la Compagnie des mines d'Anzin construit des maisons et le logement devient même l'un de ses éléments clés pour attirer et fidéliser les meilleurs ouvriers. Lors de l'Exposition universelle de Paris en 1867, le coron des 120 à Anzin est d'ailleurs présenté comme un modèle de salubrité et de confort", pouvait-on lire dans la présentation de l'exposition.
Reconnaissante, malgré tout, pour cet hommage et ce soutien dans la lutte pour leurs droits, une délégation de "gueules noires" de Denain dans le Valenciennois s'est rendue à son enterrement pour accompagner le cortège d'Émile Zola en scandant : "Germinal ! Germinal !".
La critique du faste impérial à Compiègne
Outre les classes populaires décrites par Zola à travers les descriptions du bassin minier, les plus hautes sphères de la société sont aussi une source d'inspiration pour l'auteur et pour le journaliste. À Compiègne, dans l'Oise, le palais impérial recevait Napoléon III et son épouse Eugénie régulièrement.
En tant que journaliste, Zola publie en novembre 1868 une "causerie" dans La tribune française. L'article qui prend la forme d'un pamphlet, s'attaque aux "séries de Compiègne" organisées par l'empereur. Le romancier y critique allègrement ces cérémonies impériales. "Le génie de la France, n'est pas là", commente-t-il.
Ces événements d'ampleur dévoilent l'influence et les richesses de l'empire à ce moment-là : "Ce sont des séries d'invitations de personnalités de l'époque qui ont lieu à l'automne lorsque l'empereur et Eugénie sont en résidence à Compiègne", raconte Marc Desti, président de la société historique de Compiègne.
Zola les décrit, mais ne semble pas y être : "Il ne s'est pas rendu en Picardie semble-t-il, pas plus à Compiègne qu'à Coucy-le-château ou Pierrefonds dont il s'inspire pourtant dans son roman Le Rêve paru en 1888.", commentait Eric Georgin, vice-président de la Société historique de Compiègne dans un article du 5 mars 2005.
Des romans qui dépeignent le faste de l'Oise, il y en a eu d'autres. Il dénonçait "les fêtes impériales" du Second Empire dans Son excellence Eugène Rougon, publié en 1876. Le sixième livre des Rougon-Macquart était tellement vraisemblant que les frères Goncourt en auraient témoigné dans leur "Journal" en date du 7 mars 1875, soulignant : "l’effort de documentation et de rédaction que le chapitre VII du roman, consacré à Compiègne".