La brasserie André est l'un des établissements les plus emblématiques de la capitale des Flandres. Pour fêter son premier centenaire, l'institution lilloise située rue de Béthune a fait l'objet d'un roman fiction écrit par Michel Quint et Sam Bellet, publié en novembre 2023.
Au milieu des chaînes de restauration et des boutiques de fast fashion de la rue de Béthune, une irréductible institution lilloise perdure. Depuis 1924, la brasserie André voit la ville évoluer en même temps que ses habitants. Du passage du tramway à l'ouverture de la rue aux voitures et jusqu’au départ progressif des boutiques de luxe vers le Vieux-Lille, le restaurant a été témoin des évolutions de ce siècle dernier.
Un roman qui mêle fiction et réalité
En 100 ans d'existence, le restaurant et ceux qui l'ont occupé pourraient raconter des anecdotes à n'en plus finir. À l'occasion de cet anniversaire exceptionnel, le patron de la brasserie Antoine Proye s'est allié à l'auteur Michel Quint et au photographe Sam Bellet, pour compiler certaines des histoires qui ont habité le lieu dans un roman mi-fictif, mi-véritable, intitulé très simplement Brasserie André, publié en novembre 2023.
Contacté par l'actuel propriétaire du restaurant, l'écrivain Michel Quint, Lillois pure souche connu pour son ouvrage Effroyables Jardins (2000), a tout de suite adhéré au projet. "Pour accepter une commande, il faut que j'aie l'idée dans les cinq minutes. Et là je me suis dit tout de suite : « Et si j'écrivais la légende du lieu ? Si j'ajoutais de la fiction à des éléments historiques de la vie de la brasserie ? »... C'est comme ça que l'histoire a commencé."
En ce qui concerne le récit justement, l'auteur a imaginé l'histoire d'amitié entre une commerçante de la rue de Béthune, Nelly (qui n'a pas vraiment existé), et son fils, qui venaient manger à la brasserie chaque jeudi, lorsqu'il n'y avait pas école.
La véritable institution de Lille
Depuis 74 ans, Michel Quint passe devant la façade de la brasserie André, qu'il qualifie désormais de "point de repère" : "Ça fait partie des endroits dans Lille qui peuvent servir de boussole. C'est dur pour les autres commerces, mais je ne vois pas d'autre établissement qui soit aussi représentatif de l'esprit lillois."
Un point de repère qui n'a presque pas bougé depuis un siècle, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur. Antoine Proye, propriétaire de l'établissement, l'affirme : "la carte n'a pas changé non plus. D'ailleurs une grande partie des clients ne l'ouvre pas, ils savent ce qu'ils viennent manger." Et la plupart du temps la commande est la même : un filet américain, spécialité de la brasserie André depuis 1924. Des recettes qui ont d'ailleurs été écrites et détaillées pour la première fois dans le livre de Michel Quint et Sam Bellet.
Ça fait partie des endroits dans Lille qui peuvent servir de boussole. C'est dur pour les autres commerces, mais je ne vois pas d'autre établissement qui soit aussi représentatif de l'esprit lillois.
Michel Quint, écrivain
Antoine Proye s'est parfois essayé à de petites modifications, à la demande de certains habitués. Résultat : "ça marche moyennement", avoue le patron, en riant. "Le changement oui mais tout doucement et tout légèrement." Même pour rénover son mobilier, le propriétaire doit rester fidèle au lieu d'origine. "Il ne faudrait pas que les clients, surtout les habitués, voient une différence !" Un défi qui, pour ce fils de restaurateurs, traduit la véritable institution qu'est sa brasserie.
Une brasserie intergénérationnelle
Lorsqu’il acquiert l'établissement en 2011, Antoine Proye n'en revient pas. "C'est ici que j'ai mangé mon premier welsh et mon premier filet américain. J'ai connu la brasserie en tant que client et je suis aujourd'hui le chef d'orchestre", sourit-il. "Vraiment, c'est un restaurant où l'on vient de génération en génération."
Certains collaborateurs de la brasserie André ont d'ailleurs servi dans le restaurant, avant de laisser la place à leurs enfants, eux-mêmes parfois suivis de leur propre descendance. "Incroyable mais vrai : je suis né en 1969 et il y a des collaborateurs qui sont rentrés en 1981 et 1985, que j'ai connus tout petit, qui sont encore là."
À l'époque j'ai connu les enfants des clients, qui sont devenus adultes maintenant et qui ont eux-mêmes des enfants. Donc quelque part ce sont mes petits-enfants qui viennent ici.
Franck Dinielle, barman
Une légende que Franck Dinielle confirme, puisqu'il se tient derrière le bar du restaurant depuis maintenant 42 ans. Après quatre décennies passées au sein de la brasserie André, le barman témoigne du passage de ces différentes générations : "À l'époque j'ai connu les enfants des clients, qui sont devenus adultes maintenant et qui ont eux-mêmes des enfants. Donc quelque part ce sont mes petits-enfants qui viennent ici."