Prix Goncourt des détenus à la prison de Liancourt : "Ces rencontres, c'est une oasis dans un désert pour moi”

Ce lundi 13 novembre, le centre pénitentiaire de Liancourt a accueilli, Léonor De Récondo, autrice de "Le Grand Feu", en lice pour le prix du Goncourt des détenus. L'occasion pour les personnes incarcérées d'assister à des ateliers de lecture autour des 16 ouvrages en compétition. Un moment d'échange privilégié, entre les murs.

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La prison de Liancourt est un des 40 centres pénitentiaires choisi pour participer à cette deuxième édition du prix Goncourt des détenus. Une occasion singulière pour ces personnes incarcérées, qui doivent choisir leur ouvrage favori parmi les 16 livres en compétition.

Ils étaient 17 à rencontrer ce lundi Léonor De Récondo, autrice de Le Grand Feu, qui a répondu aux questions sur l'intrigue de son livre, sur ses personnages mais aussi sur son métier pour le plus grand plaisir de son audience.

La rencontre s'est déroulée au sein du bâtiment "socio", loin de l'austérité du reste de la prison. "Vous savez le bâtiment socio, c'est un autre monde. Le reste c'est pas pareil." commente une gardienne. Le bâtiment "socio", c'est l'endroit qui accueille les enseignements et activités ludiques des détenus. Pour accéder à la salle de rencontre, il faut passer 7 portes sécurisées, avec derrière nous l'interminable claquement des serrures, puis un long couloir de salles de classes, et enfin un bureau des professeurs.

"Avant, je ne lisais pas. Je survolais rapidement si besoin."

Rachid*, détenu de la prison de Liancourt

Ici, toutes les salles sont ouvertes et les détenus passent dans le bureau librement pour discuter avec Marc Robert, le responsable pédagogique.

La participation est ouverte à tous. "On a des primo-lecteurs et des lecteurs aguerris qui lisent énormément" explique Marc Robert. Rachid* est en fin de peine et le Goncourt lui a permis de s'intéresser davantage à la lecture :  "Avant, je ne lisais pas. Je survolais rapidement si besoin."

"Sans ces ateliers, je ne serais plus en vie"

Jacques*, détenu de la prison de Liancourt

À l'inverse, Jacques* se présente comme auteur et agrégé de littérature. "Ces rencontres, c'est un oasis dans le désert pour moi." À 71 ans, l'homme ne se dit plus en mesure d'écrire: "Je n'ai pas d'ordinateur, ce ne sont que des brouillons et ici il n'y a pas d'éditeur. Et puis, personne n'a le niveau pour me faire des corrections." Bien qu'il reconnaisse un travail admirable de son bibliothécaire, il se sent trop coupé de la littérature. "Sans ces ateliers, je ne serais plus en vie" assure-t-il. Rachid* ressent aussi ce manque d'échange littéraire. "À la médiathèque, il n'y a pas mon livre préféré. Personne ne l'a lu et je n'ai personne avec qui en parler."

"Cela leur permet d'être écoutés, et entendus."

Marc Robert, responsable pédagogique

Selon Marc Robert, le responsable pédagogique, "le Goncourt des détenus à trois intérêts principaux: promouvoir la lecture en détention, créer des groupes de parole et assembler les subjectivités individuelles pour une objectivité collective". "Cela leur permet d'être écoutés, et entendus. D'habitude, ils sont à la merci des surveillants. Cette fois, c'est eux qu'on écoute. Moi j'aime ça, dès qu'on peut mettre en place des groupes avec autant de liberté d'expression" ajoute-t-il.

L'histoire qu'ils ont lue ce lundi se déroule à Venise. Elle parle d'une jeune femme. Eux, sont tous des hommes de plus de trente ans, pourtant, ils se reconnaissent en elle. Un détenu qui s'adresse à l'autrice lui dit :"Je suis emprisonné ici pour la première fois et je vais voir la psy. Avec elle, on aborde des choses que j'avais oubliées et je retrouve ces choses dans votre livre. Le fait d'avoir peur du noir par exemple." Un autre commente "on sent que vous avez mis les pieds à Venise". 

Il y a presque autant de questions à propos du livre que sur le métier d'écrivain. "Comment avez-vous fait vos recherches ? – Comment faites-vous pour trouver un éditeur ? ".  Certains prennent même des notes. "Moi je suis en fin de peine et j'ai des projets d'écriture pour la suite. J'ai des tas de choses à raconter ici." Christopher*, qui est arrivé au centre pénitentiaire récemment, veut ouvrir une librairie. "Je suis un lecteur moyen mais j'avais déjà suivi ces ateliers à la maison d'arrêt avant. Ça me motive encore plus."

Une journée d'évasion et d'espoir pour ces détenus du centre pénitentiaire de Liancourt. Le résultat des délibérations nationales est attendu le 14 décembre.

(*) Les noms des détenus ont été modifiés pour préserver leur anonymat.

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