80 ans plus tard, ils retrouvent la famille du pilote américain que leur grand-père a sauvé pendant la Seconde guerre mondiale

L'histoire du dimanche - En 1944, à Hazebrouck, Marcel Bellangier a sauvé un pilote américain. L'histoire est connue chez les "Lotte-Bellangier" mais les détails se sont perdus au fil des quatre-vingts dernières années. Grâce aux recherches engagées par la petite fille de Marcel, les familles des deux côtés de l'Atlantique se sont retrouvées.

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Depuis 80 ans, à chaque repas de famille, ils se racontent de génération en génération l’acte héroïque de leur père et grand-père. Marcel Bellangier, forgeron et maréchal-ferrant à Hazebrouck, a sauvé et caché un pilote américain pendant la Seconde guerre mondiale. Alors qu’elle entame des démarches pour lui rendre hommage, Frédérique, la petite-fille de Marcel remonte peu à peu le fil de l’histoire et retrouve la famille du soldat américain. Aujourd’hui, les "Lotte-Bellangier" originaire d’Hazebrouck et les "Kemp" qui vivent aux États-Unis dans le Colorado, communiquent régulièrement et prévoient même de se rencontrer.

"Celui-là, ils ne l’auront pas !"

Le 26 mars 1944, en début d’après-midi, les tirs de canons allemands résonnent dans le ciel de la campagne d’Hazebrouck. Marcel Bellangier, 39 ans, père de cinq enfants, est monté à l’étage de la maison familiale pour observer la scène. Un avion américain B17 a été touché et s’est écrasé dans un champ. Les parachutistes qui ont réussi à s’éjecter sont tous capturés par les Allemands, sauf un. "Celui-là, ils ne l’auront pas !", s’exclame Marcel en descendant quatre à quatre les escaliers. Une fois sur place, il constate que le pilote est blessé à la jambe et qu’il se déplace avec difficulté. Le forgeron décide de le cacher dans un buisson entre deux fermes en attendant la nuit. Une fois ses enfants endormis, il le ramène à vélo pour le soigner et le nourrir. L’américain reste caché deux jours dans le réduit de la forge.

"Ils ont déplacé le pilote dans un tonneau de vin"

Grâce à l’aide d’un réseau de résistants, il est évacué d’abord dans le centre d’Hazebrouck, chez Georges Deberdt puis à Lille chez Léa Delannoy. "Georges était tonnelier de profession, avec mon grand-père, ils ont eu l’idée de déplacer le pilote dans un tonneau de vin, raconte Frédérique amusée par la scène. Pendant ce temps, le voisin de mon grand-père, Paul Drion, un résistant réfugié à la campagne, est allé à Lille lui faire des faux papiers", ajoute-t-elle.  

Les grandes lignes de cette histoire, c’est sa grand-mère, Marie-Thérèse qui lui a raconté, Frédérique n’a pas eu la chance de connaître Marcel. "Le 4 septembre 1944, il a été fusillé dans la rue par un convoi allemand, alors qu’il allait chercher du pain à Saint-Sylvestre-Cappel pour nourrir sa famille", confie-t-elle.

L'acte de bravoure reconnu par le Président des États-Unis

Après la guerre, la mère de famille se retrouve seule avec ses cinq enfants. Dans le but d'obtenir une pension, elle adresse un courrier au Major de l'armée américaine. Pour prouver son histoire, elle y joint la photo du pilote qu'il avait offerte à Marcel, en plus de sa boussole, pour le remercier de l'avoir aidée. La pension, elle ne l'obtient pas, mais l’acte de bravoure de son mari est reconnu par le président des États-Unis dans un document signé par Dwight Eisenhower.

Un prénom "Léo", une date et une photo

"C'est cette demande de pension qu'a faite ma grand-mère qui a permis de retrouver la famille américaine", explique Frédérique. En 2022, elle veut rendre hommage à son grand-père et se rapproche de Denis Caudron délégué national adjoint de l’Association Nationale des Descendants des Médaillés de la Résistance Française (ANDMRF). Grâce à ses investigations, la famille retrouve la lettre et la photo envoyées par la veuve soixante-dix-sept ans plus tôt. "On avait enfin le prénom du pilote, "Léo", la date précise du crash, et sa photo. Tous ces détails, ma grand-mère les avait oubliés", regrette-t-elle.   

Dans le dossier que Denis Caudron remet à la famille après une année de recherche, d'autres éléments viennent compléter le puzzle."Grâce à la National Archives and Records Administration (NARA), j'ai appris que Léo avait baptisé son avion du prénom de sa fille, née quelques semaines plus tôt, le "Taletha-Ann", se souvient-il. J'ai eu accès aussi aux noms de famille des membres d'équipage, Léo s'appelait "Greggs". Avec ces informations, Frédérique poursuit les recherches et trouve rapidement l'adresse de la fille de l'aviateur dans le Colorado.

"Bonjour de Taletha-Ann"

Aidée de ses enfants, elle rédige un courrier en anglais adressé à Taletha-Ann et à sa famille. Lorsqu'elle reçoit, trois semaines plus tard, un mail intitulé "Bonjour de Taletha-Ann", elle est submergée par l'émotion. "J'étais dans un tel état que je n'arrivais plus à rien faire," avoue Frédérique. Le mail est signé Brad, Stacey, Shannon, les prénoms des petits-enfants de Léo. Ils expliquent connaître l'histoire du sauvetage de leur grand-père et considèrent Marcel comme "un héros pour leur famille" avant même de connaître son identité. "On leur a appris beaucoup de choses sur le passé de leur grand-père et ils nous ont raconté la suite du parcours de Léo après son évacuation. On le croyait mort dans un combat aérien en Angleterre", précise Frédérique.

En 1944, Léo n'a pas été évacué comme le pensaient Marcel et sa famille, la Gestapo l'a arrêté le 22 avril à Arras et emprisonné à Oberusel en Allemagne. À la fin de la guerre, il a retrouvé sa famille dans le Colorado, et a eu un deuxième enfant, un fils. Dans les années 60, il a travaillé pour la NASA dans le projet de lancement de la première station spatiale. Léo est mort en 1993 à l'âge de 76 ans.

Une boussole et une robe en toile de parachute

De cette histoire, la famille Lotte-Bellangier conserve précieusement trois objets que Léo a laissés après son passage dans la forge. Sa photo et sa boussole offertes à Marcel en remerciement pour son aide, et un bout de la toile de son parachute. "Ma grand-mère l'a cachée quelque temps, puis avec ses sœurs, elles ont décidé d'en faire des petites robes pour les filles de la famille. Ma mère a gardé la sienne", s'émerveille Frédérique.

Depuis, les deux familles n'ont jamais cessé de communiquer et sont impatientes de se rencontrer." Ça devrait se faire en fin d'année, les "kemp" veulent venir en France pour nous rencontrer et découvrir les lieux où Léo est passé. Ensemble, on va marcher dans les pas de nos grands-pères", se réjouit Frédérique.

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