En 2021, Simon Guermonprez, étudiant en médecine âgé de 20 ans, a été percuté par un camion suite à une soirée d'intégration trop arrosée. Le procès devait s'ouvrir ce 4 septembre mais a été reporté par la famille après lecture d'un rapport accablant pour l'Université de Lille, qui avait connaissance de ces bizutages aux pratiques dangereuses.
Une "passivité institutionnelle". Les mots employés par les enquêteurs ne laissent aucune place au doute : la faculté de médecine de Lille savait que ses associations étudiantes continuaient d'organiser des soirées d'intégration, dont une a causé la mort d'un étudiant, Simon Guermonprez, en 2021. Or, le bizutage est normalement interdit au sein de l'Université depuis 2012, après plusieurs drames dont des faits d'agressions sexuelles.
Mais c'est bel et bien au cours d'un de ces rituels où l'alcool coule à flots, que Simon, étudiant en deuxième année de médecine, est décédé. Un évènement tragique survenu dans la nuit du 8 au 9 juillet 2021, qui a poussé la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal, à ouvrir une enquête administrative au sein de l'Université de Lille, afin de déterminer les manquements derrière l'affaire Guermonprez.
Percuté sous l'emprise de l'alcool
Pour comprendre le volet judiciaire qui pourrait s'ouvrir prochainement contre la faculté de médecine de Lille, il faut remonter à la nuit du 8 juillet 2021.
Simon venait de décrocher sa première année de médecine. La tradition universitaire veut que, une fois la PACES achevée, les étudiants en deuxième année participent à une soirée d'intégration. C'est au cours de cette fête que Simon a ingurgité une grande quantité d'alcool. Son père, Daniel Guermonprez, assure que son fils n'a pourtant pas l'habitude de boire. "Ils l’ont enivré en moins de 2 heures avec un objectif d’ingurgiter 12 grosses seringues directement dans la bouche", témoigne-t-il sur Facebook.
Ils l’ont enivré en moins de 2 heures avec un objectif d’ingurgiter 12 grosses seringues directement dans la bouche.
Daniel Guermonprez, père de Simon
C'est donc en état d'ébriété que le jeune homme repart de la Citadelle de Lille, où se déroulait la soirée, aux alentours de 23h45. Accompagné d'un ami, les deux jeunes hommes se dirigent vers le métro, dans lequel Simon finit la route seul, jusqu'à la station Triolo de Villeneuve-d'Ascq. Là-bas, il commande une course à un chauffeur VTC qui le dépose chez lui à Sainghin-en-Mélantois. C'est pourtant à 500 mètres de son domicile, que le corps du jeune homme a été découvert.
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Dans leur rapport, les enquêteurs expliquent que l'étudiant s'est rendu seul vers l'autoroute A27, où il s'est pris en photo sur un pont. Son téléphone est alors tombé sous l'autoroute, le forçant à descendre par les escaliers pour le récupérer. Alcoolisé et se trouvant sur les voies, il n'a pas considéré la circulation et s'est fait percuter par un camion.
La faculté de médecine traduite en justice ?
Dans ce dossier, quatre personnes sont mises en cause. Trois étudiants, visés par la famille de Simon pour "incitation à l'alcoolisation massive" et le conducteur du véhicule qui a écrasé le jeune homme, pour "homicide involontaire". Le procès devait avoir lieu ce mercredi 4 septembre 2024, mais il sera reporté en début d'année prochaine. Contacté, Damien Legrand, avocat de la famille de la victime, explique la volonté de ses clients de reporter l'audience. "Quand on a pris connaissance de ce rapport au vitriol contre la faculté de médecine, un dossier très volumineux, on a voulu prendre le temps de l'étudier." Un rapport à charge de 69 pages, publié en 2022 mais conservé à l'abri des regards, qui provoque l'ire des parents de Simon. Ceux-ci envisagent un dépôt de plainte contre l'Université de Lille, jusqu'alors témoin dans cette affaire. Mais rien n'est encore sûr selon Damien Legrand : le dossier reste encore à passer au crible.
Quand on a pris connaissance de ce rapport au vitriol contre la faculté de médecine, un dossier très volumineux, on a voulu prendre le temps de l'étudier.
Damien Legrand, avocat de la famille Guermonprez
Sur les réseaux sociaux, Daniel Guermonprez s'est exprimé directement. Il fait part de sa stupeur à la lecture de l'enquête : "Nous ne nous attendions pas à ce que les inspecteurs de l’IGERS (sic) dénoncent un tel laxisme dans leur rapport contre la faculté de médecine de Lille en 2021." En particulier, un passage marque les esprits : "la mission a trouvé la trace (...) d'un bizutage, ancien, récurrent, persistant, parfois associé à des violences graves" qui ont fait "l'objet d'une omerta assez bien partagée".
Nous ne nous attendions pas à ce que les inspecteurs de l’IGERS (sic) dénoncent un tel laxisme dans leur rapport contre la faculté de médecine de Lille en 2021.
Daniel Guermonprez
Malgré les interdictions, ces soirées ont bel et bien continué "au vu et au su de tous", sous couvert de fêtes situées en dehors du campus et donc hors de l'autorité de la faculté. Également, les enquêteurs signalent que certains responsables de l'Université n'ont pas communiqué toutes les informations dont ils disposaient pour cette enquête administrative ou n'ont pas facilité ses investigations, voire les ont entravées.
Malgré tout, le père de Simon se dit soulagé et entouré. Un soutien qui se traduit sur la pétition que la famille Guermonprez a lancée il y a trois ans intitulée "Stop bizutage", signée par plus de 38 000 personnes à ce jour.