Un débat sur "l'actualité de la Palestine" devait se tenir ce jeudi à l'Université de Lille. Annulée à la dernière minute par la présidence de la Faculté, la conférence se tiendra dans un autre lieu. Pour les leaders de la France Insoumise réunis en meeting ce mercredi soir à Roubaix, cette interdiction est une atteinte à la liberté d'expression.
"Honteux", "manque de courage", "manipulation politique"… Ce mercredi soir devant la salle Watremez de Roubaix, aucun mot n'est assez fort pour dénoncer l'annulation d'une conférence à la Faculté de Lille. Elle se tiendra ce jeudi dans un autre lieu, mais l'affaire n'est pas digérée pour autant.
La peur de débattre ?
Organisé dans le cadre des élections européennes, le meeting de La France Insoumise se transforme en tribune pour la défense de la liberté d'expression. "Il ne devrait pas y avoir de peur à avoir un débat politique", s'étonne Zayad devant la salle. A côté de lui, une jeune militante poursuit : "Ça me choque mais ça ne m’étonne pas". Un autre de regretter : "C’est dommage car l’Université devrait être un lieu de débat pour n’importe quel parti, pas que la France Insoumise d’ailleurs".
Un peu plus tôt dans l'après-midi, la présidence de l'université de Lille décidait d'interdire la tenue d'un débat sur "l'actualité de la Palestine". Dans un communiqué, elle estimait que "les conditions n’étaient plus réunies pour garantir la sérénité des débats". En cause notamment, la présence du logo "Libre Palestine" sur l'affiche de la conférence, logo qui "nie l'existence de l'Etat d'Israël" selon Xavier Bertrand.
Passe d'armes entre Jean-Luc Mélenchon et Xavier Betrand
Jean-Luc Mélenchon et la militante franco-palestinienne Rima Hassan, candidate LFI sur la liste des européennes, devaient s'y exprimer. Alors forcément, à quelques semaines du scrutin, cette annulation a pris une tournure politique. Des élus comme la députée Renaissance de Lille, Violette Spillebout, le président LR de la région Hauts de-France, Xavier Bertrand, ou le député RN du Nord Sébastien Chenu se sont tour à tour exprimé pour l'interdiction.
Ce mercredi soir à Roubaix, le leader de la France Insoumise a répondu avec son style direct : "Ils savent qu’ils mentent. Ils savent que nous n’avions pas prévu, Rima et moi, de faire une conférence qui fut une conférence raciste. Ils savent que nous ne sommes pas des racistes. Ils le savent !", a fustigé Jean-Luc Mélenchon à la tribune. S'adressant à Xavier Bertrand : "Tu es bête, tu es borné, tu es obtus, tu dis n’importe quoi !"
Une attaque à laquelle a aussitôt répondu le Président de région. Xavier Betrand était interrogé ce jeudi matin sur l'antenne de BFM TV : "Je suis un gaulliste bête, un républicain borné et un universaliste obtus, et je l'assume". Et d'ajouter au sujet de Jean-Luc Mélenchon : "Je suis un républicain, il ne l'est plus". Fin de la passe d'armes. Pas des tensions autour de la liberté d'expression.
La liberté d'expression bafouée ?
Au meeting de la France Insoumise, Christophe, 27 ans, s'insurge : "Mettre un tel bordel pour interdire cette conférence, c’est anti-démocratique. C’est un signe qu’on n’est plus dans le même pays qu’il y a 10 ans. Gaza, on n’en parle pas assez en France". Une autre militante de poursuivre : "Il y a une peur de prendre partie pour dénoncer le génocide des Palestiniens et la colonisation. Ça réveille des parties de l’histoire que la France ne veut pas trop mettre sur le devant (…). L’Université, c’est un lieu de débat en théorie. En France, ça devient compliqué".
La polémique sur l'annulation de la conférence semble même avoir resserré les rangs de La France Insoumise. 1200 personnes sont dans la salle à Roubaix. De quoi galvaniser les élus tous réunis à la tribune. Le députe LFI David Guiraux : "Nous éprouvons ici à Roubaix l’agressivité médiatique et politique". Adrien Quatennens : "Nous considérons que les censeurs ne doivent pas avoir le dernier mot". "Ridicule, assez dommageable et pathétique", pour Rima Hassan. Pour le député Ugo Bernalicis : "Ça ne peut pas être à chaque fois celui qui est le plus fort médiatiquement qui l’emporte. A ce rythme-là, c’est Vincent Bolloré qui va décider quelle conférence peuvent se tenir ou pas".
La campagne des européennes relancée
Puis la campagne des européennes reprend. Il est question du conflit israélo-palestinien, de l'Ukraine, mais plus largement de la guerre, du capitalisme et de la question migratoire. "L’accueil, c’est de ça que je vais vous parler ce soir", dit gravement Rima Hassan. La candidate raconte son exil : "La France a été le premier pays à m’octroyer une citoyenneté, celle-là même qui me permet de m’exprimer devant vous ce soir". Et de citer le récit de vie de sa mère marqué par cette petite Rima qui "s’accroche, sanglote, hurle" au moment des séparations. "Fuir un lieu est toujours un éloignement de soi. Cette souffrance de ceux qui perdent une partie d’eux-mêmes sur les routes qu’ils traversent est réelle. Je suis de ceux-là".
Quand le leader de la France Insoumise prend le relais, c'est pour enfoncer le clou. Il évoque la fracture sociale, le capitalisme et surtout la guerre qui divise. "L’économie de guerre est une très bonne affaire pour les capitalismes en concurrence", assène-t-il. Evoquant le dérèglement climatique, il dénonce les mauvais choix d'Emmanuel Macron : "L’humanité qui devrait rassembler le meilleur de ses forces, de son intelligence, qui devrait mobiliser ses jeunes gens… on va les employer à trouver des systèmes plus meurtriers, des systèmes de guidage de robots guerriers".
Le débat maintenu ce jeudi soir
Alors que le meeting se clôt sur un appel à la mobilisation de "Roubaix la Rouge", les yeux des militants se tournent déjà vers le lendemain soir. Un millier de personnes sont attendues ce jeudi dans une salle du quartier Moulins, zone de repli de la conférence sur la Palestine.
À ce soir #Lille ☺️. Hâte ! pic.twitter.com/9xCZoO3SwX
— Rima Hassan (@RimaHas) April 18, 2024
Le député LFI Ugo Bernalicis de mettre en garde le monde universitaire : "Il est trop tard pour le Président de l’Université (de Lille), mais il n’est pas trop tard pour les autres présidents d’Université".