Le saviez-vous ? C'est un club de l'Avesnois qui a dominé pendant quelques années le football féminin en France. C'était à la fin des années 70, début des années 80. A une époque où le football féminin commençait tout juste son développement.
1978-1979-1981. Consultez le palmarès de la D1 féminine et à trois reprises, vous verrez apparaître un nom surprenant : AS Étrœungt. Oui, vous avez bien lu. Etroeungt dans l'Avesnois (près de Fourmies, Nord), village d'à peine 1500 habitants (1800 à l'époque), a bien remporté trois fois le championnat de France de football féminin.
Devant des clubs comme Reims, Quimper, Marseille ou Lyon. Un exploit pour l'Association Sportive Étrœungt, équipe totalement amateur, jouant sur un terrain qui ressemblait beaucoup à un champ de patates.
“C’est formidable comme histoire, raconte Marie-Noëlle Warot, ancienne joueuse. A l’aube de mes 63 ans, on m’en parle encore. Des gens du cru, des personnes âgées s'en souviennent. Et la à avec la Coupe du monde à domicile, il me disent "Ah, c’était le bon temps". C'est vrai que c'était marquant."
Une histoire qui a débuté au début des années 70. A peu près, en même temps que les premières reconnaissances du football féminin en France : création d'un championnat, d'une Coupe, d'une équipe de France...
A Etroeungt, quelques femmes décident de suivre le mouvement. « Mes parents étaient fermiers, raconte Joëlle Billot, joueuse de l'époque. Un jour, on a organisé à Etroeungt un match pour inaugurer l'éclairage du stade. On s‘est prise au jeu. Ça a démarré comme ça.»
"On était les ploucs"
Autour du village, à 50 km à la ronde, une dizaine d'équipes féminines se créent au même moment. Mais Etroeungt est mieux structuré. La mairie suit et accompagne l'équipe. Très vite, les meilleures joueuses du sud du département du Nord se regroupent dans ce petit village. "Moi, je jouais à Felleries, raconte "Mano" Warot. J'ai rejoint Etroeungt parce que c'était là que se retrouvaient les meilleures des petites équipes".
Tout est alors allé très vite. Les filles d'Etroeungt se retrouvent championnes du Nord et jouent alors des "play-offs" face aux meilleures équipes des autres régions. Une main courante est créée autour du petit terrain, qui est agrandi pour être aux normes. Des douches sont construites et Marseille, Lyon ou Reims viennent défier les Nordistes.
"On était les ploucs, se souvient Joëlle Billot, la capitaine. On a fait ce qu’on a pu avec les moyens du bord. C'est vrai que notre terrain était en mauvais état. Reims disait que ce n'était pas normal et leurs joueuses avaient du mal à s'adapter à ces conditions de jeu. Mais une année, on les a battues chez elles, à Reims !
Deux entraînements, par semaine, mise au vert la veille des matchs, mise au vert... L'amateurisme se professionnalise au fil des années. Et permet à Etroeungt de dominer le football français pendant 4 ans. Tout en restant "la petite équipe", l'éternel "petit poucet"...
"On était très soudées, une bande de copines, très sérieuses…, se souvient Joëlle Billot qui habite toujours dans le village, 40 ans après. Quand on voit comment les filles jouent maintenant, on n’avait pas leur technique. Mais le football féminin n'en était qu'à ses débuts. Moi, j'avais démarré à 16 ans. On était des pionnières."
"Pionnières"
"Le football féminin était déjà attrayant, complète sa coéquipière. On a été longtemps recordman des entrées. Les gens payaient pour venir nous voir. Etroeungt-Marseille, il fallait voir l'ambiance. Le nombre de spectateurs dépassait le nombre d’habitants dans le village."Les joueuses de l'époque se souviennent de quelques remarques désagrables sur leur sport mais préfèrent garder le positif : "Dans notre village, c’était très bien ressenti. Des réflexions, il y en a eues parfois avec les garçons. Mais globalement, il y avait un engouement..."
Mais Etroeungt va également marque le football fémin français de manière plus large. Sandrine Colombier, Marie-Noëlle Degardin, Isabelle Flament, Chantal Pani, Martine Petit, Chantal Prouveur, Sophie Ryckeboer, Marie-Noëlle Warot-Fourdrignier : 8 joueuses de l'AS Etroeungt ont été sélectionnées en équipe de France à cette période. Elles constituaient même, selon un reportage de Téléfoot en 1982, "l'ossature" des Bleues.
Mano Warot-Fourdrignier cumulera 21 sélections et deviendra la capitaine des Bleues, qui à l'époque, ne jouaient que des matchs amicaux. Aujourd'hui, elle continue de faire partie du Club France et vient d'être invitée à Nice pour le match France-Norvège.
L'aventure d'Etroeungt s'est arrêtée au milieu des années 80. Départ de joueuses, manque d'argent ou d'équipement... Le petit village a laissé sa place à des plus grands clubs. Le terrain existe toujours mais il n'y a plus de club féminin à Etroeungt. Même si plus qu'ailleurs, on suit la Coupe du monde avec attention : "Maintenant, le football au féminin est au trois quarts reconnu, estime Marie-Noëlle Warot. Maintenant si l'équipe de France fait un beau parcours ou est championne du monde... Ce serait formidable pour le football au féminin."