La petite commune du Nord fait partie de celles qui a le plus contribué au "Grand débat national", début 2019. Nous sommes retournés voir son maire et plusieurs anciens participants.
Bertry, son église, sa gare, ses 2200 habitants et... ses cinq "Grands débats". La petite commune du Caudrésis a largement contribué, entre janvier et mars 2019, à la mise en place de la concertation nationale dans les campagnes.
Souvenez-vous : c'était le 18 décembre 2018, aux premières semaines du mouvement des Gilets jaunes. Emmanuel Macron promettait de faire remonter les souhaits des Français autour de quatre thèmes :
- la transition écologique
- la fiscalité
- la démocratie et la citoyenneté
- l'organisation de l'État et des services publics
60 à 80 personnes par débat
"On l’a joué bon enfant, les gens ont travaillé en groupe" se souvient Jacques Olivier, maire socialiste de Bertry depuis 2001, qui indique n'être jamais intervenu dans les débats, "sauf pour démentir certaines fakes news, sur lesquelles j'ai corrigé le tir".
À ce premier débat, auquel nous avions assisté, en ont succédé trois sur les autres thématiques, ainsi qu'un débat de synthèse et un autre, spécialement organisé avec "une dizaine de jeunes". Sans compter ce dernier, la plupart comptaient "60 à 80 personnes dans la salle des fêtes, dont une grande partie de retraités".
Parmi eux, Jean-Pierre et Colette Lamouret, présents à presque tous les débats, "instructifs et enrichissants". "Il y avait des enseignants, des cadres, des ouvriers.. beaucoup de classes sociales différentes !" Mais là encore, peu de jeunes, "alors qu'on devrait davantage les écouter et leur faire confiance", estime Jean-Pierre, ancien premier adjoint du maire.
"Qu'on demande l'avis du peuple, c'est toujours important"
Et le maire, quel bilan en tire-t-il ? "Il y a eu beaucoup de choses intéressantes" note Jacques Olivier, qui a constaté "un réel manque de communication vis-à-vis de la population", avec laquelle il y a "un décalage important".
Il estime en tout cas que sur le plan national, le "Grand débat" n'a pas été inutile, et que les doléances des citoyens ont été entendues par l'exécutif. "Qu’on demande l’avis du peuple, dans une démocratie, c’est toujours important !" souligne-t-il.
Un avis que ne partage pas tout à fait Patrice Grassart. "Il y a pas beaucoup qui a bougé ! Le pouvoir d'achat, les taxes..." estime ce "Gilet jaune" de la première heure, avant de concéder que "le président a quand même lâché du lest, sur les taxes d'habitation ou les impôts".
Laurent Guillaume, autre "Gilet jaune" vivant à Ligny-en-Cambrésis, à côté de Bertry, est plus catégorique. "Le président ne tiendra pas compte de la parole des Français. On s'en doutait un petit peu. Regardez ce qu'il se passe en ce moment : on avait demandé à ce qu'il ne touche pas aux retraites !" ajoute ce quinquagénaire déjà vent debout contre "les ponctions sur la CSG".
"Le meilleur débat, c'était à Bertry !"
Cela ne veut pas dire que les deux "Gilets jaunes" gardent un mauvais souvenir des discussions. "On avait fait plusieurs débats à Bavay, à Marly, à Caudry... Il y a eu des hauts et des bas, mais le meilleur débat, c'était à Bertry ! Le maire a détaillé tous les chiffres [notamment de la dette, ou des budgets alloués aux ministères]. Beaucoup de personnes ne savaient pas à quoi servaient leurs impôts."
Laurent Guillaume regrette seulement que le débat ait été "trop cloisonné sur des thèmes bien précis". Avec les quatre thématiques imposées, "le débat était déjà bien défini".
Même constat chez les Lamouret : le couple de retraités a déploré la tournure des réponses, "déjà orientées" à travers un choix binaire en Oui ou Non. "Bien sûr, il y a une vraie liberté d'expression au moment du débat, mais il n'y a pas beaucoup de choix dans les réponses définitives."
Des propositions très (trop) locales ?
Dans la synthèse des débats bertrésiens, que l'on a pu consulter, on peut voir différentes propositions sur chaque grand thème : "sanctionner les pollueurs", "retour aux consignes", "développer les transports en communs et augmenter le nombre d'arrêts des trains entre les villes et les villages", "mettre en place un système de contrôle qualité dans chaque administration", "réduire l'écart de salaire entre privé et public"...
Et puis il y en a d'autres, un peu plus éloignées des thématiques nationales : "baisser le chauffage, économiser l'eau, utiliser les autocollants STOP PUB", "mettre en place un système de rassemblement et d'enlèvement des poubelles d'un seul côté de la route ce qui permettrait d'avoir moins d’arrêts et un seul passage de camion"... ou encore "Pourquoi ne pas instituer des réunions ou débats plus souvent".
De quoi donner des idées aux maires, plus à l'écoute que le chef de l'État ? "Vous pouviez vous apercevoir de ce qu'il manquait dans la commune" confirme Laurent Guillaume, l'un des "Gilets jaunes" pour qui le grand débat avait au moins "quelque chose de bien, au niveau communal".
"Il y a eu des choses sur la commune dont j'ai pris note", concède le maire, qui envisage de briguer un quatrième mandat. Et n'exclut pas, en cas de réélection, d'organiser de nouveaux débats hors du cadre imposé l'an dernier, "dans un mode participatif, avec des commissions élargies, en faisant participer davantage les gens."
L'élu en envisage notamment un sur le rôle de la communauté de communes. Bertry n'en a visiblement pas fini avec ses Grands débats.