Elle aime vivre près des ruisseaux au cours stable avec de la végétation aquatique et a besoin de deux longues années avant de pouvoir déployer ses ailes. Des raisons qui voient sa survie menacée et la demoiselle protégée. (Première publication le 01/08/2021).
L’agrion de mercure (coenagrion mercuriale) se reconnaît de loin avec ses ailes bleues et noires. Il mesure 27 à 31 mm. Le mâle présente une marque distinctive sur le second segment de son abdomen, qui évoque le symbole du mercure. Les femelles sont plus sombres, et sans détails remarquables.
Au sein de la grande famille des insectes, l'ordre des odonates regroupe les libellules et les demoiselles dont fait partie l’agrion de mercure. Les Anglais l’appellent southern damselfly, la demoiselle du Sud. Une espèce qui aime le soleil.
Elle se distingue de la libellule à deux niveaux ; la demoiselle a les ailes le long du corps au repos alors que la libellule les a perpendiculaires. Et si la première a les quatre ailes identiques, les ailes arrière de la libellule sont plus grosses.
En limite de répartition
Elle est répandue dans le sud de la France et dans les Hauts-de-France elle est en limite de répartition. "C’est une espèce endémique de l’Europe de l’Ouest et du Maghreb. Sa répartition est centrée sur la zone méditerranéenne avec une extension septentrionale dans la limite de la Belgique et du Nord-Pas-de-Calais" explique Cédric Vanappelghem, responsable mission scientifique au Conservatoire d’espaces naturels des Hauts-de-France.
Dans la région, la demoiselle de mercure est présente dans chaque département, mais à des degrés différents. Très localisée dans le Nord et l’Aisne, quelques stations dans l'ouest du Pas-de-Calais, dans la Somme elle s’observe dans la vallée de la Bresle et quelques stations très localisées en basse vallée de la Somme. Dans l'Oise, elle se regroupe dans l’ouest et le sud du département.
Un milieu stable
Les demoiselles sont des espèces carnivores. À l’âge adulte, elles se nourrissent de fourmis, de moustiques, d’éphémères ou de mouches. Mais avant d’atteindre ce stade, elles doivent se battre pour survivre.
Comme la libellule, c'est un insecte aquatique, qui aime les ruisseaux, la végétation des bords de rivière et supporte mal les changements. "Il s’agit d’une espèce qui vit dans les petits ruisseaux ou petites rivières et fossés des prairies. Il lui faut des eaux assez stables en matière de débit" précise le responsable de mission scientifique du CEN.
La dégradation de la végétation alentour tout comme le dessèchement des petits cours d’eau où elle se développe sont préjudiciables à sa survie. "C’est une espèce qui aime le soleil, on ne la trouve pas dans les ruisseaux forestiers, mais au bord des prairies. Donc si l’exploitation (des prairies, ndlr) est trop intensive, les annexes des ruisseaux seront trop atrophiées". Une survie liée à l’exploitation agricole.
Deux ans au stade larvaire
Autre facteur aggravant pour sa survie, la demoiselle est l’espèce qui a le stade larvaire le plus long. La larve vit deux ans sous l’eau avant d’émerger. L'insecte dépose ses larves dans les tiges des plantes qui émergent de l’eau. " Elle va pondre entre juin et juillet et à partir de septembre l'œuf éclot, la larve sort de la tige et tombe dans l’eau" détaille Cédric Vanappelghem.
Un lieu d'habitation bien précis (végétation et débit d’eau) et un stade larvaire de longue durée qui complique l’espérance de vie de l’espèce. "Le taux de survie journalier est de 20 % au stade larvaire et de 80 % à 90 % chez l’adulte".
Isolement de l’espèce
Le petit agrion bleu et noir a une capacité de déplacement de courte portée et la fragmentation de ses habitats conduit à un isolement génétique préjudiciable. "Si l’habitat est isolé et atteint, la station disparaît. Sa capacité de dispersion est de 1 km, mais 80 % des individus ne s’éloignent que de 200 m".
Préserver le milieu
Une demoiselle qui dès lors qu’elle va prendre son envol va vivre en moyenne une semaine. Elle sera le signe d’une bonne qualité du milieu où elle s’observera.
Sa présence démontre la qualité du cours d’eau et d’un paysage propre.
Cédric Vanappelghem, Responsable mission scientifique au CEN Hauts-de-France
"C'est une espèce protégée par la législation française sur tout le territoire, elle est considérée comme "en danger" en Nord-Pas-de-Calais et vulnérable en Picardie. Il n'y a pas encore de liste rouge Hauts-de-France (le CEN travaille sur le sujet actuellement, ndlr). Considérée comme presque menacée en Europe et dans la liste rouge mondiale, elle est par contre considérée comme non menacée en France" précise Cédric Vanappelghem, responsable mission scientifique au CEN.
Le conservatoire d’espaces naturels déploie donc un panel d’actions pour préserver le milieu fragile où vit cette espèce. Un rôle qui a son importance. "Nous essayons de préserver les stations (lieux de vie, ndlr) avec des partenariats".
L’espèce que l’on dit plus ancienne que les dinosaures ne voudrait pas avoir le même destin.