"On est face à un problème nouveau" : dans le Cambrésis, le trafic de drogues dures augmente depuis le confinement

Présence de dealers hébergés par des toxicomanes, hausse de la consommation d’héroïne et de cocaïne… Depuis plusieurs années, le Cambrésis est confronté à une forte augmentation du trafic de drogue. Un phénomène qui s’est amplifié avec le confinement. Explications.

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L’arrondissement de Cambrai, 160 000 habitants et des démantèlements de trafics de stupéfiants devenus hebdomadaires. Ce territoire rural, situé loin des grandes agglomérations, a longtemps été épargné par le trafic de drogue mais subit désormais ce fléau de plein fouet. En témoignent les interpellations à répétition de trafiquants et l’activité pénale du tribunal de Cambrai qui ne cesse d’augmenter.

Dernier exemple en date, l’impressionnante saisie par les policiers mercredi 22 septembre 2021 dans un logement situé au nord de Cambrai : 2,6 kg de cocaïne, 5kg de speed, 228 grammes de cannabis, 424 cachets d’ecstasy, 50 000 euros en liquide et des armes de guerre chargées. Originaires de la métropole lilloise, deux jeunes hommes âgés de 21 et 22 ans ont été interpellés et placés en détention provisoire dans l’attente de leur jugement le 22 octobre prochain.

"Ubérisation" du trafic dans l’arrondissement

Rémy Schwartz, procureur de la République de Cambrai, a pris ses fonctions au début de l’année 2015. Et il l’assure : en six ans, il a constaté une forte augmentation des trafics un peu partout dans l’arrondissement. "Je constate ce phénomène, c’est une évolution qui a commencé il y a plusieurs années. Cette projection des grandes agglomérations vers d’autres territoires a commencé il y a plus de 5 ans. On est aujourd’hui face à un problème nouveau, qu’on n’avait pas il y a quelques années".

Selon lui, le trafic s’est "ubérisé". Il s’explique. "Avant, on avait une structure traditionnelle de consommateurs qui s’approvisionnaient auprès de détaillants, qui eux-mêmes s’approvisionnaient auprès de grossistes en allant se fournir à Lille ou en Belgique. Depuis quelques années, c’est l’inverse qui se produit". Comprendre désormais que ce sont les trafiquants qui vont directement à la rencontre des consommateurs.

"Depuis le premier confinement,  je peux vous affirmer qu’il n’y a plus aucun consommateur d’héroïne ou de cocaïne de l’arrondissement qui va chercher de la drogue à Lille ou en Belgique".

Rémy Schwartz, procureur de la République de Cambrai

Une inversion qui s’est accentuée avec la mise en place du premier confinement en mars 2020. "Depuis le premier confinement,  je peux vous affirmer qu’il n’y a plus aucun consommateur d’héroïne ou de cocaïne de l’arrondissement qui va chercher de la drogue à Lille ou en Belgique. Les gens ne pouvaient pas sortir de chez eux et ne pouvaient de fait pas prendre le train depuis Cambrai pour s’approvisionner à Lille". Un repli forcé pour les consommateurs, alors qu’il était interdit de sortir de son domicile. "C’est donc les trafiquants qui sont venus s’installer à Cambrai".

Des trafiquants qui s’installent au domicile des toxicomanes

Ces trafiquants viennent de la métropole lilloise, de l’agglomération de Creil dans l’Oise mais également d’Île-de-France. Ils parcourent parfois plusieurs centaines de kilomètres avec un objectif : décrocher de nouvelles parts de marché.

"On voit des gens qui viennent placer des vendeurs mineurs ou très jeune majeurs directement chez les toxicomanes à Caudry ou au Cateau-Cambrésis".

Rémy Schwartz, procureur de la République de Cambrai

Certains s’installent sur place - comme les deux jeunes interpellés la semaine dernière à Cambrai – tandis que d’autres font les allers retours plusieurs fois par semaine. "On voit des gens qui viennent placer des vendeurs mineurs ou très jeune majeurs directement chez les toxicomanes à Caudry ou au Cateau-Cambrésis".

Les vendeurs sont donc hébergés au domicile des consommateurs. "À Cambrai, c’est un peu différent puisque le trafic se passe plutôt sur la voie publique. Dans ce cas-là, les dealers sont déposés le matin et récupérés le soir".

Être au plus proche du consommateur, et multiplier l’offre pour vendre d’avantage. "On constate également une professionnalisation des techniques de vente qui ne date pas du confinement : mise en place d’offres promotionnelles via des listes de numéros de téléphones de consommateurs, cartes de fidélité... une hausse de l’offre qui se traduit par une hausse de l’achat", explique le procureur. Parmi les drogues les plus vendues dans l’arrondissement, l’héroïne et la cocaïne.

Prévenir et punir

Dans ce contexte de forte augmentation du trafic de drogue, le procureur de la République de Cambrai précise toutefois qu’il n’a pas constaté d’explosion du nombre de consommateurs.

Mais le magistrat prévient : "une hausse de l’offre se traduit par une hausse de la consommation, notamment d’héroïne. De fait, cela entraîne une hausse de la délinquance : cassage de voiture, multiplication des cambriolages pour parvenir à s’acheter sa dose. C’est pour l’heure de la prospective mais nous agissons vite". Avec un objectif : faire en sorte que le trafic augmente "le moins rapidement" possible.

"Nous avons une stratégie de présence continue sur le terrain et de traitement rapide de toute infraction constatée". Cela se traduit par une présence accrue des forces de l’ordre dans les rues et par des réactions immédiates dans la chaîne judiciaire : garde à vue systématique, déferrement au parquet et comparution immédiate. "Cette stratégie porte ses fruits, assure-t-il. Lors des auditions des trafiquants, on nous rapporte que certains ont quitté le territoire car il y a trop de bleu dans la rue".

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