Lille est un pôle important du trafic de drogues en Europe. Une enquête très détaillée vient d'être présenté par le Cédragir et l'ARS, elle permet de faire un état des lieux précis du trafic et de la consommation de drogues dans le Nord.
Un trafic hyper-structuré, de la cocaïne de plus en plus accessible, un boom de la culture de cannabis...
Voilà les enseignements d'un rapport très fourni qui présente un état des lieux de la consommation et du trafic de drogue dans la région lilloise en 2019.
Il vient d'être rendu par le Cédragir, une association d'aide aux usagers de drogue.
Ce rapport a été réalisé en partenariat avec l'ARS (Agence Régionale de Santé) et s'appuie sur un travail d'enquête très détaillé. Les informations contenues ont été recueillies auprès de multiples sources (usagers, professionnels de santé, police, justice...).
1. Lille est un pôle important du trafic en Europe
Située dans une zone frontalière, traversée par de grands axes routiers et ferroviaires, la région de Lille est un véritable carrefour européen en matière de trafic de stupéfiants selon l'étude publiée par le Cédragir.
Lille est décrit comme un "espace de transit" pour des produits tels que le cannabis, la cocaine, l'héroïne, le LSD ou l'ecsatsy.
Ainsi, selon un responsable des douanes interrogé par les auteurs du rapport, la majorité des saisies réalisées dans la région concernent des produits qui ne sont pas directement destinés au marché lillois.
80 % des saisies que l'on fait, c'est sur du flux Espagne-Angleterre ou Espagne-Pays-Bas, ou l’inverse
2. Un trafic hyper-structuré
Année après année, c'est un constat sans cesse renouvelé par le Cédragir, le trafic de stupéfiants est de plus en plus structuré. Selon le rapport, la région de Lille a une particularité, elle abrite plusieurs gros points de vente.
Les sources interrogées dans cette enquête décrivent "un haut niveau de structuration (...) et un déploiement continuel de moyens matériel et humain qui passe par des recrutements de dealers interimaires, extérieurs au quartier".
"Vous avez deux tours, celle qu’on appelle « la tour de la mort », puisqu’on y vend de la cocaïne et de l’héroïne et la tour verte où on vend la résine de cannabis. C'est souvent des gens qui ne sont pas du quartier qui sont guetteurs ou vendeurs. Des gens du Douaisis, de Valenciennes, c'est un peu comme de l’intérim, ils viennent travailler une semaine, le guetteur prend 100 € par jour, le vendeur 150 €, le locataire qui loue son balcon à 150€, celui qui prête sa voiture, 500 €… ", observe une source à la police judiciaire de Lille.
A Lille et dans sa métropole, les policiers ont donc affaire à des réseaux "pyramidaux", où chacun joue un rôle précis mais mouvant, ce qui complique leur démantèlement.
3. Des "nourrices" de plus en plus nombreuses
L'étude présentée par le Cédragir met en avant la multiplication des signalements de "nourrices", des personnes fragiles sur le plan économique, parfois dépendantes aux drogues, qui facilitent le trafic en stockant des stupéfiants dans leur logement, contre une somme d’argent ou bien de la drogue.
C'est un public méga-marqué (problèmes de dentition, joues creusées) Et bien ceux-là, on leur met un petit coup de pression : pour stocker de la drogue, préparer les stocks, les conditionnements
4. Les dommages graves du protoxyde d'azote
C'est un produit qui fait l'objet d'une consommation croissante dans la région de Lille et partout en France. Il s'agit d'un gaz, parfois appelé "gaz hilarant".
Une augmentation significative de l'usage du protoxyde d'azote est observée depuis le milieu de l'année 2017, qui s'accompagne dans certains cas de prises en charges hospitalières.
Il s'agit de cas rares mais qui sont notables depuis plusieurs mois et qui concernent surtout des jeunes entre 18 et 34 ans selon les auteurs du rapport.
L'enquête du Cédragir pointe "des risques immédiats en cas d'usage occasionnel (brûlure par le froid, perte de connaissance, chute) et des risques en cas d’utilisation régulière et/ou à forte dose (atteinte de la moelle épinière, carence en vitamine B12, anémie, troubles psychiques)".
4. Des cultures de cannabis à grande échelle
En 2019, la police judiciaire de Lille rapporte la saisie de plus de 15 000 plants de cannabis dans la métropole, soit près de quatre fois plus que l'année passée.
Les démantèlements "d'usines à cannabis" sont de plus en plus fréquents dans des friches industrielles ou des bâtiments vacants.
Le développement des cultures de cannabis s’explique notamment par l’importante rentabilité financière et la proximité avec la Belgique et les Pays-Bas, explique le rapport publié par le Cédragir.
5. La cocaïne gagne du terrain
La cocaine est de plus en plus accessible selon ce rapport. En effet, elle serait de moins en moins chère.
"Le prix courant est de 60€ le gramme, mais il est de moins en moins rare de le trouver à 50€, voire à 40€. Les usagers en grande précarité peuvent s’approvisionner en produit pour de très petites sommes (« 5€ », « 10€ »)", insistent les auteurs du rapport.
Les usagers sont également nombreux à recevoir des offres promotionnelles et à se faire livrer la drogue directement chez eux. L'héroïne, historiquement très disponible dans la région, est également toujours bien présente.
6. Des usagers précaires poussés vers la périphérie de Lille
Le rapport note une "dynamique d’éloignement des populations d’usagers de drogues sans abri du centre-ville de Lille". En cause, des expulsions dans les squats et des dispositifs anti-SDF.
Ainsi, "certains usagers investissent dorénavant des terrains vagues, à proximité de zones de deal de certains quartiers populaires, qui deviennent des lieux de consommation éphémères. Ces abris de fortune se développent au sud de la ville, souvent à proximité ou sous la rocade du périphérique routier".