Le service d'exploration fonctionnelle respiratoire de l'hôpital Albert-Calmette (CHU de Lille) travaille au développement d'un appareil révolutionnaire qui pourrait permettre de dépister des cas de cancer du poumon par le souffle des patients.
Pourra-t-on bientôt détecter un cancer d'un simple souffle ? L'équipe de pneumologues du professeur Régis Matran, chef du service d'exploration fonctionnelle respiratoire de l'hôpital Albert-Calmette (CHU de Lille), en est persuadée.
Elle vient de mettre au point un appareil pour capturer les COV (composés organiques volatils), c'est-à-dire des micro-particules contenues dans notre haleine qui sont de potentiels marqueurs de pathologies.
"Les COV, vous les connaissez, ce sont toutes les particules qu'on trouve dans les odeurs, des odeurs de parfum, de vernis, de peinture... ce sont des molécules volatiles qu'on retrouve partout", explique le professeur Matran.
"Il se trouve que l'organisme humain et les cellules humaines fabriquent des composés organiques volatiles. Et le gros intérêt, c'est que ces composés sont spécifiques d'une cellule, donc d'un organe. Les COV qui viennent du foie sont différents de ceux qui viennent du coeur, du poumon ou du rein. Donc on a vraiment une signature moléculaire, on a une empreinte par organe".
"Dépisté précocement, un cancer du poumon, c'est 85 à 90% de survie à 5 ans"
"Ce que l'on sait, c'est que lorsque cet organe va devenir cancéreux, il va émettre d'autres composés organiques volatiles qui vont être une nouvelle empreinte, marqueur d'un cancer du rein, du poumon, tout ce que vous voulez...", poursuit-il.
"Nous, on s'intéresse surtout au cancer du poumon aujourd'hui et ce qu'on recherche, c'est cette signature moléculaire du cancer du poumon pour pouvoir le dépister très précocement. Pourquoi ? Parce que, dépisté précocement, un cancer du poumon, c'est 85 à 90% de survie à 5 ans. Aujourd'hui, ce cancer est effroyablement mortel, puisqu'on a 15% de survie à 5 ans".
Projet européen
Ce projet - qui bénéficie d'un financement européen Interreg - s'appelle "Pathacov". Le CHU de Lille en est le coordonnateur et s'appuie également sur les compétences d'une dizaine d'autres partenaires français et belges (CHU d'Amiens, CHU de Reims, IMT Lille-Douai, Université de Lille, Eurasanté, Université de Reims, Materia Nova, Université de Liège, Université catholique de Louvain, Université de Mons).
L'appareil mis au point a déjà permis d'effectuer des prélèvements sur une quinzaine de patients. Mais l'objectif est d'atteindre 1500 personnes.
"Il y a une pompe à l'intérieur du masque qui va venir aspirer et piéger dans des tubes collecteurs les COV de leur haleine", décrit Nicolas Duhamel, pneumologue de l'équipe du professeur Matran. "Du coup, la procédure de recueil est assez simple. Il suffit de respirer normalement pendant à peu près 8 minutes le temps de collecter suffisamment d'air et c'est tout."
Ces tubes vont être ensuite finement analysés par les différentes équipes de recherche du projet qui comprend aussi bien des physiciens, des mathématiciens, des chimistes que des spécialistes en électronique.
"On va générer des big datas, des énormes données", indique Régis Matran.
"Après il va y avoir tout un travail des mathématiciens derrière pour être capables de nous sortir une séquence en comparant des patients atteints de cancers broncho-pulmonaires et des sujets dits sains, appariés en âge et en sexe, fumeurs et non-fumeurs. Quand on comparera les séquences entre les deux, on pourra mettre en évidence cette signature moléculaire du cancer broncho-pulmonaire".
"Une technique d'avenir"
Pour l'instant, de l'avis de ces pneumologues, cela s'apparente à chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais l'équipe du CHU de Lille a bon espoir d'identifier cette signature moléculaire. Car des expériences récentes, menées par l'Institut Curie, ont permis de prouver que les chiens étaient capables de sentir "l'odeur" d'un cancer.
Doués d'un odorat extrêmement fin et développé, ces animaux sont parvenus à identifier des compresses imprégnées de la sueur de patientes atteintes d'un cancer du sein. Ce qui signifie qu'ils ont pu déceler des composés organiques volatils (COV) spécifiques à ce type de pathologie. Les taux de réussite étaient de 90 à 100%.
Reste désormais à mettre au point un appareil aussi efficace que leur museau. "C'est probablement une technique d'avenir", pronostique le professeur Matran.
"On pourra fabriquer un capteur qui ressemblera à un smartphone par exemple, dans lequel le patient pourra souffler et on verrait éventuellement des diodes rouges, jaunes, vertes ou bien des concentrations dire s'il y a un risque ou pas de présence d'un cancer broncho-pulmonaire. Dans le futur, on pourra même imaginer d'avoir d'autres empreintes pour d'autres pathologies".