La liste des communes réduisant l'éclairage public s'allonge dans le Nord. Après Cobrieux, Faches-Thumesnil, Gondecourt, Mouvaux, Lambersart vient le tour d'Annoeullin. Cette réduction a pour motivation des raisons écologiques et économiques. Exemples à Lambersart et Annoeullin.
A Lambersart, l'idée est venue lors du confinement de 2020 avec les éclairages publics fonctionnant alors que tout le monde était à l'intérieur, confiné. Du coup, en novembre 2020, la mise en place de la mesure a vu le jour dans toute la ville (27 000 habitants), de 1 heure du matin à 5 heures du matin. "En 2021, nous avons économisé 35% d'énergie et 26% de la facture (chiffres différents car il y a différents types d'abonnements au forfait ou non). Soient 55 000 euros", explique Nicolas Burlion, conseiller délégué à l'aménagement, l'urbanisme et l'éclairage public.
"L'économie est substantielle, elle représente deux équivalents temps plein ou des aménagements de cours d'école", note le conseiller. Au départ, "on a pris cette décision car on s'est rendu compte non seulement qu'on éclairait pour rien" mais que l'extinction favorisait largement "la biodiversité, la vie nocturne : des insectes, des animaux péri-urbains le sommeil de l'homme" etc.
Des campagnes de communication ont été réalisées montrant que les cambriolages ou l'insécurité n'augmentaient pas alors que ce type de mesures étaient mises en place, comme le montrent les documents fournis par l'équipe municipale de Pessac (60 000 habitants), dans le sud-ouest.
LED : nouvelle économie !
Bilan deux ans plus tard, "on est très satisfaits, les retours sont bons, les horaires d'extinction sont calés sur les transports en commun : une demi-heure après le dernier bus le soir, une demi-heure avant le premier bus le matin. Nous regardons maintenant à adapter la réduction de l'éclairage, quartier par quartier en fonction des usages". Enfin à noter que la commune équipe (en interne) 3 000 lampadaires en LED qui consomment 50% à 70% de moins en fonction du type de matériel.
Un modèle qui séduit aussi la ville d'Annoeullin (plus de 10 000 habitants) qui mettra en place la mesure au 1er août, tout simplement parce que c'est du "gaspillage" du "gâchis", prévient Jean-Charles Boulonne, adjoint aux travaux, à la voirie et à la sécurité. Comme à Lambersart, de 1 heure à 5 heures il n'y aura plus d'éclairage dans les rues de la ville à compter du 1er août.
Cela représentera environ 35% d'économie de facture soit plus de 50 000 euros. Quant aux LED qui vont également être installées, ce sera "encore une économie de réalisée", prévient l'élu qui met en avant l'intérêt des LED pour "moduler l'éclairage : à 100% entre 17 heures et 20 heures en hiver à 50% après 20 heures et à 20% après minuit, par exemple".
Dans le Nord, Mouvaux l'a également mis en place de manière partielle depuis le 1er juillet 2022 (00h30 à 5h00). Il existe aussi des communes comme Quesnoy-sur-Deûle qui l'ont mis en place depuis un peu plus longtemps (2014).
Lille et son éclairage public de 1667
Le saviez-vous ? La ville de Lille, tour à tour, flamande, bourguignonne, espagnole, a été dès son rattachement à la France de Louis XIV en 1667, la première ville de France éclairée à la lanterne après Paris. C'était une manière "d'asseoir le pouvoir" français à Lille, confirme Sophie Reculin, auteure d'une thèse Le règne de la nuit désormais va finir, l'invention et la diffusion de l'éclairage public en France au XVIIIe siècle. "Ensuite, Lille s'inspirera de l'exemple d'Amsterdam qui utilisait l'huile et non plus la chandelle dans des lanternes en verre fixées à des mâts. Nous sommes dans les années 1720, et la ville du Nord fait alors figure de précurseur en France dans la modernisation de l'éclairage public."
Sophie Reculin précise qu'auparavant, "un édit de 1697 (30 ans après les premiers éclairages publics lillois) obligea les trente principales villes françaises à suivre le modèle parisien". Il fut en général très "mal accueilli" car les villes avaient "des murailles, il y avait aussi un couvre-feu, pour limiter les circulations nocturnes. Elles ne voyaient pas alors d'utilité à l'éclairage public, car la lumière était plutôt perçue comme un symbole de luxe et de puissance de la cour et de l'Église".
A cette époque, Lille a bénéficié d'une espèce de dérogation lui permettant de conserver son autonomie dans le domaine. Les noyades dans le Lille ancien, traversé par les canaux, ont pu être évitées, mais il a fallu attendre la fin du XVIIIe siècle pour qu'on voit des pétitions d'habitants réclamant l'éclairage public. Puis vînt "le gaz (première moitié du XIXe), l'électricité (années 1890 à Lille) pour éclairer la nuit et la pollution lumineuse des années 2000 qui change aujourd'hui notre façon de voir et de penser l'éclairage public".