Chasse. Y a-t-il trop de prélèvements de cerfs en forêt de Mormal ?

Alors que la chasse au grand gibier s'ouvre ce 21 octobre 2023 en forêt de Mormal, combien de cerfs reste-t-il dans cette forêt, seule à en abriter dans le Nord Pas-de-Calais ? Le plan de chasse est-il important ? Trop, comme le pensent élus écologistes ou membres de l'association Mormal patrimoine ? Éléments de réponse.

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"C'est catastrophique. Ce que nous prédisions est advenu. L'ONF a fait tuer beaucoup de biches pour faire tomber la population de cervidés. Si vous tuez une biche vous empêchez la naissance de deux ou trois faons ensuite. Depuis 4 ans, 350 biches et faons ont été prélevés, c'est gigantesque ! Du coup, le ratio entre les cerfs et les biches est complètement déséquilibré. Je suis désolé de le dire mais la forêt de Mormal est morte. Elle a été sacrifiée", estime Jean-François Hogne, coordinateur du collectif Mormal Patrimoine.

L'ONF a fait couper le double de ce qui était prévu. Après, il a fallu replanter et les cervidés sont devenus nuisibles car ils mangeaient ou pouvaient manger les pousses.

J.-F. Hogne, Association Mormal Patrimoine

Selon lui, si l'ONF propose de tels plans de chasse, c'est parce que l'office qui gère les forêts dans les Hauts-de-France a voulu faire du zèle en coupant trop de bois en amont. "En 2013, l'ONF a voulu faire couper davantage d'arbres en forêt au niveau national, dans le dos de Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture. Une équipe de l'ONF dans les Hauts-de-France, a, à la suite de cette décision, coupé le double de ce qui était prévu. Après, il a fallu replanter et les cervidés sont devenus nuisibles car ils mangeaient ou pouvaient manger les pousses".

Nous faisons un effort, mais il est hors de question pour nous d'exterminer les cervidés.

Simon Régin, fédération des chasseurs du Nord

Simon Régin est moins alarmiste. Vice-président de la fédération de chasseurs du Nord, président de la commission grand gibier, il est d'accord pour dire que l'ONF demande en général des prélèvements trop importants. Mais cette année, selon lui, la situation est moins conflictuelle que l'année dernière. "La fourchette demandée par le préfet (1) est de 120 à 170 prélèvements. Nous sommes tombés d'accord pour 155 animaux à prélever pendant la saison de chasse. En gros, cette année nous augmentons le plan de chasse alors que nous constatons une stabilité de la population animale. En somme, nous faisons un effort, mais il est hors de question pour nous d'exterminer les cervidés."

Sur la population de cerfs de la forêt, "impossible" de dire combien de cerfs sont présents exactement. On a des indicateurs, un comptage des chasseurs, mais c'est "impossible à dire", explique Simon Régin. Les naturalistes sont d'accord avec les chasseurs sur la difficulté à dénombrer de manière sûre le nombre de cerfs, néanmoins ils estiment, selon Alexandre Cousin, élu écologiste à la Région, une fourchette située entre 200 et 250 cervidés dans la forêt de Mormal.

"Seuil critique"

"Pour cette année c'est trop tard, car le plan de chasse est signé mais pour l'an prochain, il faut un comptage digne de ce nom, scientifique, pour connaître la population de cervidés. Honnêtement, je pense qu'on atteint un seuil critique déjà et que l'an prochain, un plan de chasse beaucoup plus faible doit être signé", souhaite Alexandre Cousin.

Par ailleurs, contre toute attente, jeudi 5 octobre 2023, lors de l'intervention d'Alexandre Cousin au conseil régional, Véronique Teintenier, vice-présidente en charge de la biodiversité, a répondu à Alexandre Cousin que la Région était en charge désormais la zone Natura 2000 de la forêt (10% de la surface de la forêt situés au nord). Une bonne nouvelle pour "plus de transparence", selon Alexandre Cousin. Néanmoins, même si la zone de chasse se situe essentiellement au sud de la forêt, la Région pourrait devenir partie prenante des discussions autour du plan de chasse.  

"Le cerf appauvrit la forêt"

Eric Marquette, directeur ONF Nord, Pas-de-Calais et Somme, conteste les proportions de coupe d'arbres pointées du doigt par Jean-François Hogne. Il ne donne pas de chiffres précis pour le moment mais explique : "les coupes sont variables en fonction des années. La forêt a été sous-exploitée pendant longtemps, ensuite il y a eu des années de rattrapage et on est revenus à des niveaux normaux ces dernières années". Pour comprendre, il explique que la forêt a une surface de 9 200 hectares et que l'ONF gère la forêt par parcelle de 900 hectares par an et qu'au bout de 10 ans, tout a été "entretenu" ou "parcouru". En fait, chaque parcelle de 900 hectares donne environ 7 200 m3 à 9 000 m3 de bois coupé par an. "Mais que, pour que l'organisme vivant qu'est la forêt se renouvelle, les cerfs doivent être tenus à l'écart. Du coup, des grillages lourds sont disposés sur les parcelles pour préserver la flore", ce qui a d'ailleurs un coût de 5 000 euros à l'hectare.

En tant que représentant du propriétaire de la forêt (l'Etat), l'ONF demande donc un plan de chasse aux fédérations de chasseurs qui, après discussion, s'est établi à 155 animaux cet hiver 2023-2024. "Si les prévisions de Monsieur Hogne étaient vraies en 2017, (il disait alors qu'il restait 225 animaux dans la forêt), il n'y aurait plus de cerfs depuis 2022", se veut rassurant Eric Marquette qui estime que "le cerf appauvrit la flore de la forêt". 

(1) Si l'ONF propose un plan de chasse celui-ci est acté par le préfet après discussion entre les parties. 

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