Le film représentera la France à la prochaine cérémonie des Oscars. La première projection nationale a eu lieu le 27 septembre au festival de cinéma de Valenciennes. Le long-métrage doublement primé à la Mostra de Venise, s'inspire de l'affaire de la petite Adélaïde. En 2013, l'enfant de 15 mois avait trouvé la mort, abandonnée par sa mère sur la plage de Berck à marée montante. Christelle Massin était dans la salle.
Alice Diop monte sur scène.
Devant une salle comble où les Valenciennois sont les premiers spectateurs français à découvrir le film Saint-Omer, elle évoque d’emblée une obsession "presque inavouable" pour ce fait divers.
Après l’infanticide de Berck-sur-Mer, "amies, collègues de travail, nous avons toutes été aspirées par la même histoire".
Un cinéma intense, épuré, sec, parfois théâtralisé. La réalisatrice assume.
Le personnage fictionnel de Rama, brillante professeure, jeune romancière enceinte, qui assiste au procès de la mère infanticide Laurence Coly (inspirée de Fabienne Kabou ayant abandonné son bébé à marée montante), nous emmène sur d’autres chemins que ceux d’une malsaine reconstitution.
"Elle a tué son enfant métisse , je suis la mère d’un enfant métisse. Je ne suis ni juge, ni avocate" explique Alice Diop.
Pour la cinéaste "Le film nous oblige à être au cœur de la complexité d’un être humain et à se poser la question : quel est le lien que j’ai avec ma mère ? Quel est le lien que j’ai avec mes enfants ? Qu’est ce que c’est être une mère ?"
Ne pas instrumentaliser l’histoire fut une autre obsession.
Et le spectateur s’interroge.
Dans la trame romanesque, quel est donc ce lien muet et silencieux qui existera entre ces deux femmes noires, celle dans le box des accusés et la professeure écrivaine qui assistera à toutes les audiences jusqu’au vertige ?
La caméra s’échappe parfois dans les rues de Saint-Omer où les rires insouciants d’une fête de la musique tranchent avec l’aridité des débats qui résonnent derrière les murs du Palais.
Venue du documentaire, Alice Diop, dont c’est le premier long métrage de fiction, livre une vision, sa vision très personnelle de ce procès d’assises, elle explique avoir été "traversée par des émotions contradictoires" dans cette quête de la part obscure de la maternité.
Cérébral et sensoriel, Saint-Omer est à écouter et à regarder avec intensité.
Porté par deux prestigieuses récompenses à Venise, il représentera la France à la cérémonie des Oscars.
Un film implacablement réussi, qu’après la mort d’Adélaïde, 15 mois, une nuit de novembre 2013, nous avions pourtant tellement peur de voir.