Climat. Été 2022 : les effets du réchauffement s'accentuent dans les Hauts-de-France

Peu victimes de feux de forêts à l'été 2022, les Hauts-de-France ne sont cependant pas épargnés par le réchauffement climatique. L'augmentation des températures y provoque des effets moins visibles mais tout aussi préoccupants comme la surmortalité, la dégradation des forêts et des bâtiments et les risques de submersions.

Les Hauts-de-France, région froide et humide ? Ces clichés propagés par les mauvaises langues ne seront sans doute qu'un lointain souvenir dans quelques années. Car malgré sa position septentrionale, la région subit comme toutes les autres en France le réchauffement climatique.

Hausse des températures

De 1955 à 2017, les températures atmosphériques de villes comme Lille ou Beauvais ont gagné 2°C, selon l'Observatoire du climat des Hauts-de-France situé à Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais). "On remarque aussi une augmentation des événements extrêmes, et notamment de ce qu'on appelle les « jours anormalement chauds ». Sur cette période 1955-2017, nous avons gagné 33 journées de ce type par an en Hauts-de-France", ajoute Pierre Branciard, chargé de mission à l'Observatoire. On parle de jour anormalement chaud lorsque les thermomètres indiquent 5°C de plus que la normale saisonnière, moyenne calculée entre 1980 et 2010.

Pour les météorologues, l'expression "vague de chaleur", souvent utilisée à tort, représente cinq jours anormalement chauds à la suite. "En 2020, les Hauts-de-France connaissent 15 jours de vague de chaleur supplémentaires par an en moyenne par rapport à 1955," poursuit Pierre Branciard, qui a par ailleurs piloté une publication sur le changement climatique dans la région sortie début 2022.

Les Hauts-de-France ne seront pas la région la plus touchée par ces augmentations de températures. Selon les projections conjointes de l'Insee et de Météo France, On pense que les régions Rhône-Alpes-Auvergne, Occitanie et Bourgogne-Franche-Comté devraient avoir les plus fortes chaleurs ces années à venir.

La chaleur "vraisemblable" cause de surmortalité

Le niveau élevé des décès toutes causes confondues en juillet 2022 (violet sur le graphique) "s’explique vraisemblablement par la vague de chaleur survenue à la mi-juillet, après un premier épisode de canicule dès la mi-juin," explique-t-on à l'Insee des Hauts-de-France.

Selon les bulletins de Santé Publique France consacrés au suivi de la canicule, la France a connu trois épisodes de canicule au cours de l’été 2022 : le premier, inédit par sa précocité et son intensité, a duré du 15 au 22 juin ; le second s’est étalé du 12 au 25 juillet, avec des pics de recours aux soins d’urgence du 15 au 18 juillet ; la troisième vague de chaleur a débuté le 31 juillet pour se terminer vers la mi-août.

Sur le graphique ci-dessus, la chronique des décès laisse entrevoir un premier "pic" de décès, toutes causes confondues, autour du 19 juin. En juin 2022, les décès sont supérieurs de 4 % aux décès survenus en juin 2019.

En juillet, les décès, toutes causes confondues, atteignent un pic très net le 19 juillet, après un pic moins marqué le 13 juillet, et les décès totaux du mois de juillet 2022 sont supérieurs de 13 % à ceux de juillet 2019 (voir graphique ci-dessous)

Depuis le mois de mars 2020 et en raison de la crise sanitaire, on observe des pics de surmortalité importants. En mars-avril 2020 notamment. Un deuxième pic a eu lieu entre septembre et décembre 2020. Mais globalement, en ce qui concerne la période estivale, la surmortalité était relativement faible, sauf cette année.

Benoît Riem

Chargé de mission INSEE Hauts-de-France

"Il faut savoir qu’en France, entre le 1er janvier et le 22 août 2022, la surmortalité a grimpé de +8 % par rapport à 2019. Et sur la période juillet, toujours sur la France, +13 % entre 2019 et 2022. On peut dire que c’est vraisemblablement lié aux vagues de chaleur," affirme Benoît Riem, de l'INSEE des Hauts-de-France. Santé Publique France estime qu’il y a eu trois épisodes caniculaires cet été et s’apprête à publier un rapport sur l’impact de ces vagues de chaleur sur la mortalité.

"Les chiffres de surmortalité par rapport aux années précédentes pourraient encore s'accentuer, notamment en raison du vieillissement de la population," conclut l'Insee des Hauts-de-France.

Attention cependant : s'il peut interpréter les données de surmortalité, l'Insee travaille en lien avec les services états civils des mairies qui n’ont pas les informations sur les causes des décès, d'où l'emploi du mot "vraisemblable".

Les forêts et les bâtiments menacés

Ces vagues de chaleur ont un fort impact sur les sols, et donc la flore et les bâtiments. "90% des sols de la régions sont argileux. Cet argile gonfle lors des pluies de l'hiver, et les vagues de chaleur de plus en plus fréquentes font sécher et craquer les sols, souligne Pierre Branciard. Cela amène parfois à l'apparition de fissures sur les bâtiments, voire à des déplacements de population comme à Leforest [dans le Pas-de-Calais, NDLR] il y a quelques années." 40% de la surface régionale serait exposée à des risques moyens à fort de gonflement d'argile.

Relativement épargnées par les incendies cet été 2022 qui ont surtout touché en Hauts-de-France les champs asséchés, nos forêts présentent tout de même des vulnérabilités face à ces vagues de chaleur. Dans les forêts de Picardie, "les sécheresses ont entraîné une souffrance principalement chez les hêtres, qui ont besoin d'un apport en eau plus important que d'autres essences," confie Élise Michaud, de l'Office national des forêts (ONF) des Hauts-de-France.

Les grandes forêts de l'Oise (Chantilly, Ermenonville, Compiègne, etc.) présentent aussi un sol sableux qui retient mal l'eau. "Les arbres y sont donc beaucoup plus vulnérables en cas de chaleur. Les charmes ont été en grande difficulté cet été dans ces forêts par exemple," rapporte Élise Michaud.

Face à ces vagues de chaleur, l'ONF se prépare à coopérer avec les pompiers lors de manœuvres en forêts à partir de mars 2023. Sur les cinq dernières années, on note que les surfaces forestières des Hauts-de-France parties en fumée diminuent, mais que le nombre de départs de feu augmente.

L'Observatoire du climat avertit aussi le public sur la montée de la mer, plutôt disparate en fonction des zones. "Entre 1956 et 2018, le niveau maritime est monté de 10 centimètres près de Dunkerque. Plus au sud, nous ne disposons pas de station en Picardie, mais Dieppe a connu une montée de 28 centimètres. Tout dépend de la typologie de la côte et du vent marin," explique Pierre Branciard.

L'absence de relief dans les Hauts-de-France, et notamment l'abondance de lieux situés sous le niveau de la mer, rend la région particulièrement sensible à la montée du niveau de la mer. L'observatoire alerte sur les risques de submersion au niveau des watringues : l'eau pourrait à terme déborder des ces fossés pour inonder les terrains voisins.

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