"La démocratie locale, déjà en piètre forme, ne peut être piétinée et passée par pertes et profits comme elle l'est depuis quelques jours", écrit ainsi un groupe de chercheurs des universités de Lille et d'Artois dans une tribune parue dans Libération.
La tribune intitulée "Le premier tour des municipales n'a pas eu lieu" a ét publiée mercredi dernier par le journal Libération. Elle est signée par Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l'université de Lille-Ceraps, Nicolas Bué, enseignant-chercheur en science politique à l'université d'Artois et Fabien Desage, enseignant-chercheur en science politique à l'université de Lille.
Pour eux, "la reconnaissance des résultats" du premier tour des élections municipales le 15 mars "relève d’une forfaiture démocratique". "La démocratie locale, déjà en piètre forme, ne peut être piétinée et passée par pertes et profits comme elle l’est depuis quelques jours", estiment-ils. "Nous nous élevons avec force contre les décisions prises qui ont conduit à organiser le premier tour des élections municipales, puis à en reconnaître les résultats".
"Mise en danger"
"Dans un contexte marqué par la crainte de contamination d’une part importante du corps électoral, où l’abstention a été massive (près de 20 points de plus qu’en 2014), la reconnaissance des résultats du premier tour des élections municipales relève d’une forfaiture démocratique, qui en entache de manière indéniable la légitimité", argument-ils. "Cette décision de maintien a non seulement mis en danger les électeurs mais aussi porté atteinte au principe de précaution, alimentant des injonctions contradictoires pour la population".
"La pression des élus, des intérêts corporatistes de leurs associations et des partis les plus municipalisés (Les Républicains au premier chef), anticipant dans ce contexte troublé une «surprime» aux sortants, a été méthodique et cynique", dénoncent les trois universitaires nordistes. "Le pouvoir exécutif, affaibli, n’a opposé qu’une faible résistance à la perspective du maintien du premier tour, mettant en avant «la continuité démocratique» dans une situation pourtant en tout point exceptionnelle".
"Le premier tour a donc eu lieu dans des circonstances d’état d’urgence", ajoutent-ils. "Les citoyens les plus éloignés de la participation politique mais aussi une partie des personnes âgées n’ont pas pris part à un scrutin jugé accessoire, compte tenu des risques encourus et du climat anxiogène". Et les signataires de pointer l'élection ou la réélection de certains maires dès le premier tour avec des taux de participation extrêmement faibles, comme celle de Gérald Darmanin à Tourcoing, où seuls 25% des électeurs inscrits sont venus voter.
Pour les trois auteurs de la tribune, le gouvernement "ne peut s’asseoir sur les principes démocratiques car la démocratie, pour autant qu’elle ne se limite pas à une conception pauvre et réductrice du vote «quoi qu’il en coûte», est une condition essentielle à la résilience de nos sociétés confrontées aux défis sanitaires, sociaux et climatiques".
Recours
Depuis le 15 mars, des candidats éliminés dès le premier tour des élections municipales demandent l'annulation du scrutin dont ils contestent la sincérité. Des juristes anticipaient d'ailleurs de nombreux recours contre ce scrutin hors normes, organisé dans près de 35 000 communes et dont le second tour, prévu le 22 mars, a été reporté au plus tôt en juin en raison des risques sanitaires. Il pourrait se dérouler "idéalement le 21 juin" selon le gouvernement qui devrait prendre sa décision en mai.
En 2014, le taux de participation était de 65% contre 39% cette année, dans la commune. Mais si le code électoral prévoit qu'au moins un quart des électeurs inscrits doit avoir voté dans les communes de moins de 1 000 habitants pour qu'une élection soit validée, il ne fixe pas de seuil de participation pour l'ensemble des communes.