À Comines, les quatre salariés de l'entreprise FungFeed se sont lancés dans la conception de croquettes hypoallergéniques pour chats et chiens... Faite à partir de vers de farine nourris grâce à des champignons. Une alternative à la viande plus protéinée, plus diététique et surtout meilleure pour la planète.
68% des Français considèrent leur animal de compagnie comme un membre de la famille. C'est ce que révèle une étude Ipsos publiée en juin 2023. Ce n'est donc pas étonnant que leurs propriétaires cherchent à leur donner la meilleure qualité de vie possible. Jouets, grands espaces, accessoires de promenade, parfois même vêtements... Rien n'est trop beau pour ces boules de poils, de plumes ou d'écailles.
Naturellement, la nourriture est particulièrement scrutée. Pour les chats et chiens par exemple, la composition des croquettes et pâtées que leur donnent leurs maîtres est de plus en plus passée au crible. Malheureusement, pour nos amis carnivores, les croquettes contiennent de moins en moins de viande, et encore moins de viande de premier choix. Une nourriture qui ne répond plus à leurs besoins et à leur santé.
C'est sur ce constat que Victoire Baudin, Bourguignonne expatriée dans le Nord depuis une petite dizaine d'années, a décidé de lancer sa propre marque de nourriture pour chats et chiens : "FungFeed", les premières croquettes et pâtées à base... De vers de farine !
Des insectes pour une pet food plus protéinée
Biologiste-entomologiste de formation, Victoire a étudié les insectes pendant ses longues études, qui l'ont menée jusqu'à Lille. Dès sa rencontre avec ces animaux à six pattes, elle a tout de suite eu le coup de foudre, intellectuel uniquement. Elle explique : "Les insectes sont à la base de nombreux écosystèmes. J'ai très vite voulu réexporter ça dans notre société, en travaillant dans la production de protéines animales." Et à raison : selon le site Next Food, la consommation d'insectes procurerait 9 fois plus de protéines que la viande de bœuf. Avec ces croquettes composées à 85 % de protéines, les carnivores domestiques sont donc assurés de combler leurs besoins en viande.
Au-delà des insectes, Victoire est une véritable férue d'animaux. Lorsqu'elle adopte son chien, Pirate, elle comprend rapidement que son organisme ne tolère pas certains types de "pet food" (nourriture pour animaux) et s'interroge sur la qualité des croquettes données aux carnivores domestiques. Après des mois de questionnements, début 2018, Victoire se lance finalement dans son projet en trouvant des locaux à Comines, au sein de la plus grande champignonnière de France : la ferme de la Gontière.
Le ver de farine, un produit de choix
Le credo de FungFeed : créer une gamme de pet food exigeante, hypoallergénique, qui s'adresse aux animaux malades, seniors, de race... Et bientôt aux jeunes animaux ou aux chats et chiens castrés. Le tout, pour répondre à une demande de plus en plus élevée, liée à une hausse de la population d'animaux domestiques.
Afin de respecter toutes ces exigences physiologiques, Victoire et ses trois salariés se basent sur des textes de loi qui régissent la pet food diététique. "Il faut par exemple répondre à des critères d'allergies, donc bien choisir ses protéines, s'assurer de leur pureté... Même si dans tous les cas ce n'est pas un médicament, juste une bonne base nutritionnelle adaptée à la pathologie ou à la santé des animaux."
Dans tous les cas ce n'est pas un médicament, juste une bonne base nutritionnelle adaptée à la pathologie ou à la santé des animaux.
Victoire Baudin, fondatrice de FungFeed
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Et là-dedans, le ver de farine - alias Tenebrio molitor - est un allié de taille. Facile à élever, et en grande quantité, l'insecte est un "outil" que le marché de la nourriture pour animaux n'avait pas avant et qui répond à des défis contemporains. "Par définition, les insectes sont faits pour se reproduire et se multiplier, donc c'est un super atout de production. On n'a pas un jour sans éclosion de larves." Plus économique (et circulaire) encore, FungFeed se sert des rebuts de champignons produits par la ferme de la Gontière pour nourrir leurs vers.
Le Tenebrio consomme donc moins de place, moins d'eau, moins de nourriture et ici, uniquement issue d'invendus, pour éviter le gaspillage. De plus, 100% du poids de ces vers élevés localement est comestible contrairement au poulet (55%) ou encore le bœuf (40%). Un petit insecte au goût de noisette, qui semble n'avoir aucun défaut, si ce n'est d'être un insecte.
Les insectes sont faits pour se reproduire et se multiplier, donc c'est un super atout de production. On n'a pas un jour sans éclosion de larves.
Victoire Baudin
Bouger les consciences petit à petit
Les sauterelles, grillons, vers et autres animaux qui entrent grosso modo dans la catégorie des insectes ne jouissent toujours pas d'une bonne réputation en France. "On ne sait pas encore les cuisiner et on est encore dégoûté par ces petits corps. C'est pour ça qu'on essaie de les faire adopter par la société en passant par la pet food, pour y aller petit à petit", livre Victoire, qui espère voir arriver les insectes dans nos assiettes d'ici une dizaine d'années. "Sur le long terme on aimerait réussir à nourrir toute la maisonnée. Chiens, chats, humains et plantes d'intérieur."
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Mais la France est loin d'être encore prête. Pour l'instant l'entrepreneure ne retrouve donc ces petites bestioles que dans ses produits destinés aux animaux... Et ça marche ! La fondatrice de FungFeed l'atteste : leur petite entreprise à taille humaine peine presque à répondre à la demande. "Des problèmes de riche", modère Victoire en riant.
On essaie de les faire adopter par la société en passant par la pet food, pour y aller petit à petit.
Victoire Baudin
Depuis 2021, l'entreprise du Nord s'est lancée dans la vente aux particuliers via son site internet. Jusque-là, FungFeed avait opté pour le plus dur des marchés : celui des professionnels de la santé, des vétérinaires, pour se différencier des autres marques. Les croquettes, pâtées et friandises pour animaux sont toujours vendues directement dans les cliniques vétérinaires. "C'est maintenant qu'il faut chercher à expliquer et rassurer sur la protéine d'insecte. Si les médecins font aussi de la pédagogie et que les propriétaires voient les effets sur leurs animaux... Ce sera déjà une belle avancée pour cette filière pleine d'avenir."
Sur le marché de la pet-food, les entreprises Concept for Life et Invers proposent également des croquettes avec une alternative aux insectes.