Des Roms en camionnette blanche enlèveraient des enfants pour les prostituer ou vendre leurs organes. Cette rumeur, comme toutes les rumeurs, n’a ni âge, ni auteur. Elle sommeille puis se réveille telle une tempête emportant tout sur son passage. Jean Bulot a enquêté sur les conséquences dramatiques de cette rumeur tenace, réapparue en mars 2019 en région parisienne.
Sur votre réseau social préféré, il y a toujours cet.te ami.e ou connaissance qui relaye une offre exceptionnelle de smartphones dernière génération ou de robot mixeur vendu à 1€ pour une durée limité. Vous avez beau lui expliquer que c'est trop beau pour être vrai, et que l'arnaque est bien connue, il continuera d'y croire plus facilement qu'au père Noël. Il avait pourtant 6 ans quand il s'est rendu compte que ses parents le "mythonnait". Par contre, à 25 ou 30 ans un smartphone d'une valeur de 1200€ vendu à 1€, c'est une bonne affaire sur laquelle il faut sauter de toute urgence.
Le problème, c'est qu'il partage également ces rumeurs nauséabondes qui ont la peau dure comme celle d'une Hilary Clinton qui dirigerait un réseau pédophile sataniste depuis une pizzeria ou, géographiquement plus proche, celle de la camionnette blanche conduite par des roms qui enlèveraient des enfants.
De l'arnaque, on passe à la diffamation.
Selon certains sociologues, cette rumeur remonte à 2008, au moins. Elle est régulièrement remise au goût du jour. Selon les noirs desseins de celui qui la relance, le conducteur est un homme noir, algérien ou rom qui enlève des bébés, des jeunes enfants ou des jeunes filles, soit pour les abuser sexuellement, soit pour leur voler leurs organes.
Si elle réapparaît sporadiquement, la rumeur est aussitôt débuguée dans la plupart des médias au même titre que les apparitions du monstre du Loch Ness sont démontées par des scientifiques.
Et pourtant, aucun démenti officiel politique ou médiatique n'arrive à couper toutes les têtes de cette hydre sordide. Quand une tête tombe, 2 repoussent quelque part pour se propager toujours plus rapidement, sur des réseaux sociaux toujours plus nombreux. Des réseaux plus enclins à défendre la sacro-sainte liberté d'expression façon 1ère amendement que les faits.
En 2019, ce sont à la fois les Hauts-de-France et la région parisienne qui voient ressurgir la rumeur de la camionnette blanche. Le film de Jean Bulot enquête sur l'apparition de la rumeur, interroge ceux qui l'ont relayée - de bonne foi ou par facilité. Jean Bulot interroge également des sociologues de la rumeur et les conséquences d'une légende qui remonte au croque-mitaine, croise le racisme ordinaire ou les affaires Dutroux et Fourniret. Témoins et victimes de ce qu'il faut bien qualifier de chasse à l'homme, voire de lynchage livrent leur parole devant la caméra.
Un film tout aussi passionnant qu'inquiétant.
A l'époque, l'article notre rédaction se terminait sur ce conseil : Cette intox circule régulièrement sur les réseaux sociaux. La rumeur l'entretient et les partages sur Facebook la crédibilisent. Pas de partage, pas de like... : mieux vaut même signaler cette publication à Facebook pour tenter de la faire disparaître. Et toujours un conseil de bon sens : gardez de la distance avec ce qui circule, quand cela ne vient pas de médias certifiés.
L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit.
Aristote
A voir également après "La camionnette blanche", ce débat de Public Sénat sur la rumeur et les fake-news.
La camionnette blanche, radioscopie d'une rumeur
A voir le jeudi 8 décembre 2022 à 23h00 sur France 3 Hauts-de-France
Replay disponible jusqu'au 7 janvier 2023 sur France.tv
Réalisation : Jean Bulot
Une coproduction : Kino/Temps Noir/France Télévisions