Au 3ème jour du procès des tortionnaires de Yanis aux assises du Nord, la cour s’est concentrée sur le contexte de révélation des faits. Le couple qui a transporté Yanis à l’hôpital est venu témoigner. Lorsqu’ils ont vu Yanis, Céline et Johnny ont imaginé le pire.
Quatre années ont passé mais les souvenirs sont indélébiles. "Yanis était en pyjama, se remémore précisément Céline. On voyait ses tibias, il lui manquait des cheveux. Il était amorphe, blanc". Ce mardi 18 décembre 2018, durant le trajet d’une vingtaine de minutes en voiture jusqu’à l’hôpital, Yanis "n’a fait aucun geste, aucun son".
Un peu plus tôt dans la journée, Céline avait reçu un SMS de la maman de Yanis. Dans celui-ci, Christine indiquait qu’elle ne serait pas présente au repas de Noël avec le petit parce qu’il s’était "foulé la cheville", avant de lui envoyer une photo de la jambe de son fils. "Je lui ai répondu qu’il ne fallait pas être médecin pour voir que c’était cassé", déclare Céline à la barre. La photo est projetée sur les écrans installés dans la salle des assises du Nord. Les ecchymoses visibles et la cheville droite du garçonnet laissent effectivement peu de doute.
Emmener Yanis à l'hôpital en urgence
Céline est en couple avec Johnny. Il est le grand frère de Christine, l’oncle du petit Yanis. Le couple a été appelé à témoigner en ce troisième jour de procès. C’est eux qui ont emmené Yanis avec sa mère aux urgences après le séjour de 15 jours chez Sébastien B. et Coraline R., couple d'Auberchicourt.
Tous deux sont renvoyés devant la cour d’assise pour des actes de torture et de barbarie perpétrés à leur domicile de la rue des Rosiers sur l'enfant durant cette période.
Ni Céline, ni Johnny n’ont eu la moindre idée des actes de barbarie que venait de subir Yanis. Durant cette période, ils ont pourtant vu à plusieurs reprises Christine avec Ivan, son plus grand fils de 5 ans. Mais jamais Yanis. "Vous ne lui avez pas demandé où il était ?", interroge la présidente. "Elle nous disait qu’il était chez son nouveau copain et qu’elle allait le chercher le lendemain", répond Johnny, décontenancé.
Lorsqu’ils ont reçu la photo de la jambe du garçon dans la matinée du 18 décembre, le couple a essayé de convaincre Christine d’emmener Yanis aux urgences sur le champ. Mais celle-ci n’a plus répondu. Jusqu’à un coup de fil, en milieu d’après-midi. "Elle nous a demandé de venir la chercher avec le petit", raconte Céline. Le couple s’est exécuté sans perdre une minute.
"Je m’attendais à une grosse catastrophe"
Arrivés devant le domicile de Christine, ils ont embarqué le garçon, emmitouflé dans un plaid, et sa maman. "Yanis était à côté de moi dans la voiture, se remémore Johnny, qui remarque très vite que quelque chose ne tourne pas rond. D'habitude, il était toujours souriant, disait tonton, jouait. Mais là, c’était le silence plat, il était en pyjama, aucun mot, il ne bougeait pas".
D'habitude, il était toujours souriant, disait tonton, jouait. Mais là, c’était le silence plat, il était en pyjama, aucun mot, il ne bougeait pas.
Johnny, frère de la mère de Yanis
Il se souvient avoir demandé à sa sœur ce qui s’était passé. "Elle nous a dit qu’elle l’avait récupéré dans cet état là", témoigne Céline. Christine leur expliquera par la suite que Yanis a fait une mauvaise chute dans l’escalier de son ami Sébastien. Avant d’ajouter que le couple d’Auberchicourt avait emmené Yanis chez un médecin, qui avait diagnostiqué une entorse et qu’il avait reçu une piqûre de morphine dans le ventre pour calmer ses douleurs. En réalité, le garçon de 2 ans et demi n'a jamais vu de docteur mais a été battu, piétiné et torturé par plusieurs des six accusés pendant 15 jours.
Lorsqu'ils se sont garés sur le parking de l’hôpital de Dechy, Johnny a pris Yanis dans ses bras, l’a sorti de la voiture et l’a emmené aux urgences. "Vu son état, je m’attendais à une grosse catastrophe", confiera sa compagne Céline à la barre, la voix tremblotante.
Le couple n’a plus revu Yanis depuis cette journée
Ils apprendront quelques heures plus tard que Christine a été placée en garde à vue. Les médecins ont pris la décision de transférer Yanis au CHU de Lille, qui souffrait de multiples fractures, lésions et autres ecchymoses. L'enfant a par la suite été placé dans un coma artificiel, entre la vie et la mort, avant de se réveiller quelques semaines plus tard.
Aujourd’hui, Johnny et sa femme Cécile n’ont plus beaucoup de contact avec la mère de Yanis, l’une des six accusée du procès, qui comparaît libre.
Ils espèrent pourvoir revoir un jour Yanis et son frère Ivan, placés dans des familles d’accueil depuis les faits. Johnny a fait une demande à l’Aide Sociale à l’Enfance, refusée dans l’attente du procès. "J’ai toujours été proche de ma sœur, elle aurait dû me dire que ça n’allait pas du tout, a-t-il déclaré, en larmes. J’aurais préféré qu’elle vienne me parler, et j’aurais pu protéger les garçons".