Quand télétravail et garde d’enfants s’avèrent incompatibles, les salariés n’ont d’autres solutions que de se mettre en grève pour exprimer leur mal-être. Comme à Duacom à Douai, par exemple.
A Douai, des salariés du centre d’appels Duacom, ont déposé depuis mardi 6 avril un préavis de grève reconductible, à la suite du refus de leur direction d’avoir recours à une activité partielle pour les parents devant gérer l’école à la maison.
L’activité de téléconseiller étant fortement féminisée, de nombreuses mères se retrouvent dans l’incapacité d’assurer leur travail et les cours pour les enfants. "Faut-il mettre les clients en attente, le temps d’expliquer le théorème de Pythagore au collégien, ou pendant la récitation de la poésie du petit dernier ?", s’interroge Pascal Gaillet, secrétaire général à la CGT FAPT 59.
Sachant, précise la CGT, que les logiciels des téléconseillers sont reliés à ceux des managers qui surveillent les temps de connexion de chaque membre de leur équipe. Un téléconseiller est soumis à une durée moyenne de communication et ne peut stopper son travail toutes les cinq minutes. Un temps de pause trop long peut être assimilé à une absence injustifiée, et devenir une faute grave.
La direction assure avoir proposé des solutions
Pour Jamila Meskis (CGT FAPT DUACOM), "avec 1 minute 30 de répit accordé au téléconseiller entre chaque appel, il apparaît difficile, pour ne pas dire impossible pour nombre de mères de famille, de gérer télétravail et école à la maison. Souhaite-t-on avoir des générations futures en décrochage scolaire, ou attend-on un nouvel accident comme cela s’est produit à Argentré du Plessis pendant que la maman télétravaillait, pour réagir ? Il est primordial que ces mères puissent bénéficier d’une activité partielle, au risque de se retrouver elles-mêmes en détresse psychologique".
Beaucoup de mères aujourd’hui nous appellent en pleurs, car elles ne savent pas comment gérer la situation.
Un recours pour l’heure que la direction refuse. Anne Caramiaux, la directrice des ressources humaines de Duacom Douai, elle-même mère de famille, a bien conscience de la situation, mais un écrit de l’inspection du travail ne leur permet pas actuellement d’avoir recours à l’activité partielle : "en l’état du droit, vous ne pouvez pas placer vos salariés en activité partielle pour garde d’enfant, au risque de pénalités pour l’entreprise".
Dans l’attente d’un nouveau décret, permettant la mise en place de l’activité partielle pour garder les enfants, la direction assure avoir été proactive en proposant différentes solutions (aménagement d’horaire, réduction du temps de travail, glissement ou pose de dates de congés,...). Des aménagements que la CGT FAPT DUACOM ne réfute pas, mais qu’elle estime aller à l’encontre des salariés.
La déclaration d'Elisabeth Borne, la ministre du Travail, scrutée de près
Pour Jamila Meskis (CGT FAPT DUACOM), ces propositions pénalisent encore une fois le salarié. "En acceptant de réduire son temps de travail, le salarié s’engage à rééquilibrer son compteur en fin d’année, soit en travaillant plus pour récupérer son quota d’heure, soit, s'il n’est pas en mesure de rattraper ses heures, à rembourser le trop perçu à l’entreprise, et donc un manque à gagner pour lui."
Et Jamila Meskis d’ajouter, "que dire à cette maman, dont l’enfant est reconnu handicapé, avec tout au long de l’année un accompagnement à l’école ? Qu’elle doit continuer à télétravailler ? Beaucoup de mères aujourd’hui nous appellent en pleurs, car elles ne savent pas comment gérer la situation". Les salariés ne comprennent pas la position de leur direction, quand sur Twitter, la ministre du Travail, Elisabeth Borne déclare :
Tous les salariés qui ne peuvent pas télétravailler, parce que leur poste ne le permet pas ou parce que cela n'est pas gérable avec les enfants à la maison, pourront bénéficier de l'activité partielle pour garder leurs enfants. Cela ne coûtera rien aux entreprises. pic.twitter.com/geDUmMjSDC
— Elisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) April 2, 2021
Pour la direction, cette déclaration ne fait pas office de décret. De son côté, la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS), jointe mercredi 7 avril, rappelle clairement, que l’activité partielle s’applique uniquement pour les salariés dont l’entreprise n’est plus en mesure de les faire travailler et non pour ceux en télétravail.