"Elle a vécu l'enfer pendant neuf mois" : l'assassinat de Karine Lefebvre jugé aux assises du Nord

Karine Lefebvre, professeure des écoles à Saint-Amand-les-Eaux, est décédée en septembre 2020. Son corps a été retrouvé dans sa voiture, dans la Scarpe. Le procès de son ancien compagnon, Miguel Costanzo, s'est ouvert aujourd'hui, mercredi 29 mars, devant la cour d'Assises du Nord à Douai.

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"Je suis impardonnable, je voudrais demander pardon mais je suis impardonnable", a confié Miguel Costanzo, la voix tremblante, devant la cour d'assises du Nord.

Alors qu'il avait toujours nié avoir prémédité son geste, dès l'ouverture du procès dans une salle comble, l'homme âgé de 56 ans a reconnu être à l'origine de l'assassinat de Karine Lefebvre, dont il s'était séparé neuf mois auparavant après 4 ans de relation.

D'après les premiers éléments, Miguel Costanzo, toujours présumé innocent, se serait rendu à son domicile dans la nuit du 25 au 26 septembre 2020, lui aurait porté des coups à l'aide d'une matraque, avant de l'étouffer au niveau de son garage et de conduire son véhicule jusqu'à la Scarpe.

"Cette nuit-là, notre vie à tous s'est arrêtée"

Ce mercredi 29 mars, les trois enfants de la victime (issus d'une première union) étaient présents sur les bancs du tribunal.

Ma mère a été tuée par une personne juste parce qu'elle ne voulait plus être avec lui [...] Ça aurait pu être évité si des mesures avaient été prises mais il n'y a qu'un seul fautif dans l'histoire.

Constance

Fille de la victime

"Tous les élèves l'adoraient. Ils voulaient l'inviter à leurs anniversaires, ils lui envoyaient des cartes postales [...] c'était quelqu'un de passionné."

Delphine, la sœur de la victime, a également témoigné à la barre. Émue aux larmes en parlant de celle qui était sa "confidente", elle a tenu à rappeler que "ses enfants, c'était sa raison de vivre. Elle ne vivait que pour eux."

Quand ma fille m'a dit "tatie a disparu", j'ai tout de suite compris qu'il était arrivé quelque chose. J'ai tout de suite pensé à lui.

Delphine

Sœur de la victime

"On a appelé les hôpitaux, le 17", se souvient-elle. "Puis, on a appris qu'il y avait une voiture dans le canal. En arrivant, on a compris que c'était ma sœur. Ensuite, il a fallu l'apprendre aux enfants. Je n'oublierai jamais […] Cette nuit-là, notre vie à tous s'est arrêtée."

Elle rappelle que sa sœur avait déposé plusieurs plaintes depuis sa séparation avec l'accusé, en janvier 2020. "Elle a vécu l'enfer pendant neuf mois. Tous les jours, elle était harcelée, suivie. Tous les jours, je l'appelais pour savoir si elle était rentrée chez elle. Ses amis allaient même parfois la chercher à l'école pour la ramener, tellement elle avait peur." 

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Interview de Patrick Delbar, avocat de la partie civile. ©FTV

Interviewé durant une suspension d'audience, Patrick Delbar, avocat de la partie civile, estime qu'il s'agit "d'un des dossiers les plus durs" de sa carrière. "On a quelque part une mort en direct annoncée. Elle dit à plusieurs reprises lorsqu'elle est entendue par les policiers "il va me tuer, il va me tuer". Et ce qui est quand même extraordinaire, c'est que l'assassinat est filmé en direct."

Un procès deux ans et demi après les faits

Miguel Costanzo a été interpellé le 26 septembre, au domicile de sa fille, à Roubaix. "Ce jour-là, il était calme. Il s'occupait beaucoup de mes enfants", se souvient sa fille, première témoin entendue à la barre. Alors qu'elle vient d'apprendre la disparition de Karine Lefebvre, elle dit avoir questionné son père.

Je lui ai dit : "T'es au courant ? C'est pas toi, t'as rien fait ?" Il m'a répondu que non […] Je me suis dit c'est pas possible, c'est pas mon père.

Fille de l'accusé

"Rien ne laissait penser qu'il s'était passé quelque chose de dramatique ?", lui demande la présidente. "Non", rétorque sa fille. Cette dernière dit toutefois avoir remarqué qu'il était "mal" depuis la séparation avec Karine Lefebvre, "maigri" mais ayant "beaucoup de pudeur", elle ne parvenait pas à échanger avec celui qu'elle décrit comme un "père exemplaire".

"Ça aurait pu être moi dans cette tombe" confie l'ex-compagne de l'accusé

"J'ai eu un doute en apprenant que Karine avait disparu", confie l'ex-épouse de l'accusée et mère de ses deux enfants, en se présentant à son tour devant la cour.

Je me suis tout de suite dit : soit elle a été poursuivie, soit il est passé à l'acte.

Ex-épouse de l'accusé

Interrogée sur son ancien conjoint, elle affirme d'emblée : "J'en avais une peur bleue." Si elle répète qu'il était "l'amour de sa vie" et un "bon père", décrivant une relation à la "Bonnie and Clyde", la cinquantenaire confie avoir elle-même subi des violences.

"Je me suis pris une batte de baseball et je suis partie à l'hôpital", raconte-t-elle, citant des événements datant de 1997. Elle reçoit 8 jours d'incapacité de travail, dépose plainte puis la retire finalement.

Après 18 ans de relation, l'ancienne compagne finit par demander le divorce en 2009. "C'était un périple, ça a été très compliqué", dit-elle, estimant avoir été "sous emprise". Miguel Costanzo a été condamné pour menaces de morts réitérées et appels téléphoniques à 6 mois d'emprisonnement avec sursis. "Ça aurait pu être moi dans cette tombe", finit-elle par lâcher.

La personnalité de l'accusé

Miguel Costanzo est le dernier d'une fratrie de 5 enfants, d'origine sicilienne. À la barre, une psychologue explique que l'accusé n'a "aucune déficience intellectuelle", se décrit comme un homme "courageux" et "travailleur".

L'experte considère que l'accusé est un "homme incapable de se représenter la séparation". "Pour lui, rendre quelqu'un heureux, c'est lui donner des preuves matérielles. Il est très attaché à l'aspect matériel. Il fait un compte très minutieux de ce qu'il a donné et reçu", ajoute-t-elle. Elle conclut à la nécessité d'un "travail thérapeutique" : "Cette façon d'imaginer la relation amoureuse dans un rapport de possessivité est pathologique."

Interrogé au sujet de ses séparations, Miguel Costanzo reconnait : "J'ai du mal à l'accepter, pour moi, c'est un échec." Au début de l'audience, l'accusé, toujours en détention provisoire, a d'ailleurs précisé voir une psychologue.

Je travaille beaucoup sur mon affaire […] Ça me permet d'avancer tout doucement, de me rendre compte de ce que j'ai fait.

Miguel Costanzo

Accusé

Également interviewé durant une suspension d'audience, Jérôme Pianezza, avocat de la défense, évoque "une douleur insondable dans cette affaire" pour les deux familles et ajoute : "Il faut arriver à comprendre ce qui s'est passé chez Monsieur Costenzo, arriver à comprendre les ressorts. Pour cela, il faut voir ce qu'il s'est passé en terme de contexte, sur les plans psychologique et chronologique, dans une période qui n'est pas anodine : celle du confinement." 

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Interview de Jérôme Pianezza, avocat de la défense. ©FTV

Demain, la journée sera consacrée aux faits. La vidéo, enregistrée par une caméra de surveillance disposée par la victime elle-même, pourrait être diffusée.

Le procès doit se terminer vendredi. Miguel Costanzo, présumé innocent, encourt jusqu'à 30 ans de prison pour un meurtre. Si la notion de préméditation est retenue, l'accusé encourt la perpétuité.

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