Procès en appel de W.Bardon : "c’est l’histoire de ma vie, ça me poursuivra tout le temps" livre le frère d'Elodie Kulik

Au 4e jour du procès en appel de W.Bardon, condamné en 2019 pour le meurtre d'Elodie Kulik, le père et le frère de la victime témoignent devant la cour d'assises de Douai. Si c'est en général Jacky qui porte la voix de la famille meurtrie, ici c'est le témoignage de Fabien qui retient l'attention.

"Je suis venu défendre l’honneur de ma fille. Je suis surtout venu punir gravement l’un de ses prédateurs." Dès le début de son témoignage, Jacky Kulik, le père d’Élodie, donne le ton. Il a rédigé un texte de trois pages, en forme de vibrant hommage à sa fille chérie et à sa défunte épouse (NDLR : terrassée par la douleur, Rose-Marie Kulik s’est suicidée quelques semaines après le crime en avalant du poison. Elle est restée neuf ans et demi dans le coma avant de succomber).

Le témoignage de Jacky Kulik oscille entre le chagrin et la rage. Lui, le "modeste receveur des postes", comme il se présente lui-même, était si fier de sa fille : "elle réussissait tout ce qu’elle entreprenait. C’était la gentillesse personnifiée. Charmante, enjouée, délicate, Gaie... et je pourrais continuer comme ça longtemps." Et de poursuivre, en retenant péniblement ses larmes : "elle avait tout ce que ses bourreaux n’avaient pas. C’est pour ça qu’ils l’ont massacrée. Je n’oublierai jamais l’image de son corps torturé, calciné. Cette vision d’horreur me terrifie."

L'enfant de l'espoir

Elodie c’était, pour Jacky et Rose-Marie, l’enfant de l’espoir. Les deux (très) jeunes gens tombent amoureux à l’été 1966. Ils ont alors 17 et 15 ans. "Le père de Rose-Marie ne voulait pas de moi, un Polonais. Alors on a fait ce qu’il fallait... Et puis ensuite, une fille enceinte, il fallait bien la marier..." Deux enfants naissent, à 13 mois d’écart : Karine puis Laurent. Les années s’écoulent, heureuses. Jusqu’à ce lendemain fatal de Noël 1976 où la voiture familiale dérape sur une plaque de verglas, tuant les deux enfants. Malgré la dévastation, la vie reprend ses droits : en 1977 naît Élodie, "notre sublime bébé", se souvient Jacky. "Quand son frère Fabien est arrivé (NDLR : 13 mois après sa grande sœur, exactement le même écart qu’entre les deux aînés) on a été heureux comme tout ! On se reconstruisait."

Pour affronter la cour d’Assises, Jacky Kulik s’est préparé, presque comme le ferait un sportif. Ces dernières années, il s’est imposé plusieurs procès criminels à travers toute la France.

"Moi, je suis opposé à la peine de mort. Mais je souhaite à Willy Bardon de nombreuses années de prison pour qu’il ait le temps de réfléchir à ce qu’il a fait." Car il le répète, encore et toujours depuis 2012 : il est persuadé de la culpabilité de l’accusé. "Quand j’entends dire que Willy Bardon n’a plus de vie sociale, je suis révolté ! Pour mon fils et moi, c’est la perpétuité."

Puis il s’adresse directement à l’accusé, qui reste attentif mais imperturbable : "sachez, Bardon, que les hommes, les vrais, quand ils voient le comportement que vous avez avec les femmes, ont honte d’être des hommes." Aucune réaction en face. Enfin,  il s’adresse à son fils, qui pleure, submergé par l’émotion : "Fabien, sache que je t’aime, et que pour toi j’aurais mené le même combat."

Un lourd fardeau

Un peu plus tôt dans la matinée, Fabien, le petit frère d’Élodie ("presque son jumeau", comme il dit) a dû faire violence à sa nature réservée pour venir lui aussi s’exprimer à la barre. Gendarme de métier, il travaille aujourd’hui dans le sud de la France. Il a posé la moitié de ses permissions de l’année pour assister aux trois semaines de ce procès. "Fallait que je sois là, c’est important. C’est l’histoire de ma vie. Ça me poursuivra tout le temps", explique, des sanglots dans la voix, celui qui porte l’écrasant fardeau de rester l’unique enfant survivant de la fratrie Kulik.

Après le crime, Fabien, qui travaillait à l’époque en région parisienne, a souhaité revenir dans le Nord pour soutenir sa mère, qu’il sentait au bord du gouffre. Requête refusée par sa hiérarchie : son nom était devenu trop connu dans la région. "Mon patronyme sur la porte de mon bureau éveillait trop de curiosité. À force c’était compliqué." Quelques semaines plus tard, sa mère se suicidera.

Avec beaucoup de tact, la présidente s’adresse à Jacky Kulik : "aujourd’hui, au-delà de la souffrance, vous pouvez être fier des beaux enfants que vous avez éduqués. Vous leur avez inculqué de vraies valeurs."

Interruption de séance. Willy Bardon part en grand conciliabule avec ses avocats. Si sa défense avait marqué des points en tout début de procès, cette fois-ci il sera difficile pour les neuf jurés de s’abstraire de l’émotion suscitée par ces deux témoignages poignants.

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