Affaire Kulik - Procès en appel de Willy Bardon à Douai : trois semaines pour éclaircir des zones d'ombre

Lundi 14 juin s'ouvre le procès en appel de Willy Bardon devant la cour d’appel de Douai dans le Nord pour l’enlèvement, la séquestration, le viol et le meurtre d’Elodie Kulik en 2002 dans la Somme. En 2019, il avait été condamné en première instance à 30 ans de prison. 

Lundi 14 juin, et jusqu'au 2 juillet, s'ouvre le procès en appel de Willy Bardon devant la cour d’appel de Douai dans le Nord.

L'Axonais de 46 ans est accusé de l’enlèvement, de la séquestration, du viol et du meurtre d’Elodie Kulik dans la nuit du 10 au 11 juin 2002, à Tertry, près de Péronne dans la Somme. Le 6 décembre 2019, il avait été condamné en première instance par la cour d’Assises de la Somme à 30 ans de réclusion criminelle, pour l’enlèvement et le viol d’Elodie…mais pas pour le meurtre de la jeune femme de 24 ans. Un verdict incompréhensible pour tous les observateurs.  

Un accusé libéré puis remis en détention

Les 3 avocats de Willy Bardon souhaitaient un dépaysement du procès en appel pour que l’émotion que cette affaire a suscitée dans la région ne prenne pas le dessus sur les faits. Le choix de Douai ne les satisfait pas : cette ville du Nord est encore plus proche de Péronne, à vol d’oiseau, qu’Amiens !

Leur client comparaît détenu alors que sa troisième demande de mise en liberté, en septembre 2020, avait été acceptée : le 12 mai dernier, Willy Bardon a été remis en détention pour avoir transgressé l'interdiction qui lui était faite de contacter les témoins dans son procès en revoyant un ami témoin dans ce dossier.

Willy Bardon, qui avait fait une tentative de suicide le soir du verdict de première instance en avalant des pesticides, se dit toujours innocent. Il arrive à ce second procès dans un état d’esprit bien différent : alors qu’il paraissait abasourdi lors des audiences de 2019, et qu’il était resté quasiment mutique, cette fois-ci il est, dit-il, bien décidé à se défendre.

Changer son image

On l'a d'ailleurs beaucoup vu dans les médias  entre septembre 2020 et mai 2021, brève période durant laquelle il a été libéré, ayant à cœur de se présenter comme un gars ordinaire victime d’une erreur judiciaire. Willy Bardon veut gommer l'image d'homme violent, misogyne et chef de meute que le premier procès a dressé de l'ancien patron du Will bar à Fieulaine dans l'Aisne. Il a contre lui sa réputation : magouilleur, dragueur lourd, voleur, bagarreur…Il veut montrer qu'il n'est pas atteint de "troubles mixtes de la personnalité d'expression narcissique (...) avec des traits pervers" comme l'ont dit les experts devant la cour d'assises de la Somme.

L'affaire Kulik n’a pas encore livré tous ses secrets. Et il y a fort à parier que beaucoup de questions subsisteront après le 2 juillet, date prévue pour le verdict. Comme celles des deux ADN mitochondriaux retrouvés sur le lieu du crime, dont un sur un cheveu dans l’une des bottes d’Elodie. Ils pourraient correspondre (car ce ne sont que des ADN partiels) à deux proches de Grégory Wiart qui ne sont entendus que comme simples témoins. Certains experts ont par ailleurs cru entendre une 3ème voix, plus fluette, sur cette fameuse bande-son : une femme ? Un adolescent ? Ou un simple parasitage de la bande ? Mystère… Et puis on entend l’un des hommes prononcer un mot qui est aussi le nom de famille d’un proche de Wiart, qui a été retrouvé battu à mort dans un canal en 2008…

Peu d'éléments matériels directs

Il existe peu, voire pas, de preuves matérielles d’une culpabilité de Willy Bardon : son ADN n’a pas été retrouvé sur le lieu du crime, son téléphone n’a pas non plus borné - argument plus délicat, car à l’époque il suffisait qu’un téléphone portable soit éteint pour qu’il ne borne pas - et jamais, dans aucune des écoutes téléphoniques dont il a fait l’objet pendant l’enquête, il n’a lâché quoi que ce soit qui pourrait laisser penser qu’il avait fait partie de l’équipée sauvage.

Le principal élément à charge, c’est le bref appel au secours (26 secondes) passé par Elodie aux pompiers alors qu’elle voyait s’approcher vers elle ses agresseurs. Un appel déchirant, derrière lequel on distingue - péniblement - deux voix d’hommes. Longtemps, l’analyse de cette bande-son, fortement dégradée, n’a rien livré.

Mais en 2012, une technique moderne de reconnaissance ADN par parentèle a permis de désigner Grégory Wiart, un jeune Axonais, comme le violeur d’Elodie, son ADN ayant été retrouvé dans un préservatif sur le lieu du crime. Au moment où il est identifié, Grégory Wiart est déjà mort depuis 1er novembre 2003. Il s’est tué en voiture sur une route de campagne de l’Aisne, dans des circonstances assez troublantes : de nuit, sur une ligne droite, il s’est déporté de plein fouet contre un camion de betteraves. Les analyses ont révélé qu’il était ivre.

La bande sonore au coeur de l'affaire

Les enquêteurs ont ensuite orienté leurs recherches sur l’entourage de Grégory Wiart, et principalement sur le club de 4X4 de Jussy, où il avait ses habitudes, et sur ses copains, pour finalement désigner Willy Bardon comme principal suspect.

En garde-à-vue, six proches de Bardon ont dit reconnaître sa voix sur l’enregistrement, ou du moins ses intonations.

Un élément de preuve que réfutent totalement les trois avocats de Willy Bardon : selon eux, la bande sonore est de trop mauvaise qualité pour que l’on puisse y reconnaître qui que ce soit, d’autant que les "paroles" attribuées à l'accusé durent en tout et pour tout… 2 secondes. Selon eux, ces expertises n’ont absolument rien de scientifique.

Ces mêmes avocats parlent, eux, d’aveux extorqués, que ce soit à leur client ou à ses proches qui l’ont reconnu. Deux d’entre eux - son frère aîné et son neveu - ont d’ailleurs fait volte-face lors du premier procès et affirmé qu’ils s’étaient trompés, que finalement il ne s’agissait absolument pas de la voix de Bardon. Selon les avocats, les "potes" ont désigné Willy Bardon de peur d’être suspectés eux-mêmes. Et en 2013, à la fin de sa garde-à-vue de plusieurs heures, il avait fini par lâcher aux gendarmes que s’ils le disaient, et bien oui ce devait être sa voix, mais que pour sa part il n’avait aucun souvenir de cette soirée-là. Ce qui pour la partie civile a eu valeur d’aveux.

La conviction du père d'Elodie

De son côté, Jacky Kulik, le père d’Elodie, se dit persuadé que le patron de bar de Fieulaine est le co-auteur du meurtre de sa fille avec Grégory Wiart et n’a aucun doute sur l’issue de ce procès en appel : pour lui, il aboutira forcément à la même lourde condamnation.

Comme la dernière fois, il viendra à ce procès entouré de son fils Fabien et de nombreux membres de son comité de soutien.

La cour d'appel de Douai parviendra-t-elle à éclaicir les zones d'ombre de ce dossier et à faire parler des témoins qui n'ont peut-être pas tout dit ? Elle a trois semaines, du 14 juin au 2 juillet, pour essayer.

 

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