Willy Bardon condamné dans l'affaire Kulik : les jurés expliquent leur décision

Comme la loi l'y oblige, la cour d'assises de la Somme a présenté les motivations de sa décision de culpabilité de Willy Bardon, condamné à 30 ans de prison pour l'enlèvement, la séquestration suivie de mort, et le viol d'Elodie Kulik.

La condamnation de Willy Bardon à 30 ans de réclusion criminelle, vendredi 6 décembre, au terme de 13 jours de procès, a enfin soulagé le père d'Elodie Kulik et ses proches, même si le condamné a depuis fait appel. Elle a pu surprendre, aussi, à certains égards. En l'absence de preuves formelles, sur quoi les jurés ont-ils fondé leur intime conviction ?

Depuis une loi de 2011, les cours d'assises ont l'obligation de présenter une "feuille de motivation", indiquant les principaux éléments les ayant conduits à une décision de culpabilité. Une jurisprudence récente du conseil constitutionnel oblige également à motiver le choix de la peine. En l'occurrence, les motivations de la cour d'assises de la Somme se présentent sous la forme d'un document de trois pages, que nous nous sommes procuré.
 

Des jurés ont reconnu sa voix

Moment particulièrement attendu dans ce procès : l'enregistrement des 26 secondes d'appel téléphonique aux pompiers, passé par Elodie Kulik alors que son enlèvement avait commencé, a été diffusé durant l'audience. Derrière les hurlements de la jeune femme, "deux interlocuteurs masculins" se faisaient entendre. Des voix difficiles à percevoir pour le public présent dans la salle. Mais les jurés étaient munis de casques et ont écouté la bande "de multiples fois". La cour conclut : "la voix de celui qui parle le plus ressemble fortement à celle de Willy Bardon".

Une conviction qui s'appuie aussi sur "plusieurs témoins" qui, durant l'enquête, ont reconnu formellement la voix de leur proche, Willy Bardon. L'un "a fait preuve d'une émotion certaine liée à la reconnaissance de la voix de son oncle, demandant aux enquêteurs d'interrompre son audition", rappellent les jurés. De plus, ces derniers soulignent que : les experts, bien que considérant "peu fiable" la reconnaissance vocale par logiciel, "sont moins critiques sur une reconnaissance de voix par des auditeurs familiers" ; et "des locuteurs (sont) plus facilement reconnaissables que d'autres."

Enfin, les jurés rappellent les propos tenus par Willy Bardon lui-même, en garde à vue : "C'est ma voix, on dirait ma voix dans le téléphone de la fille. Je ne comprends pas, je n'ai pas de souvenirs, je me souviens de plein de choses d'il y a onze ans mais ça, non... C'est possible que j'y étais à entendre ma voix, mais je n'ai pas de souvenirs... Je ne sais même pas avec qui j'aurais pu être, à combien... Peut-être existe-t-il un moyen de me faire revenir des souvenirs... J'étais saoul au point de me souvenir de rien."
 
 

L'absence d'ADN : Bardon "plus averti" que Wiart

La cour rappelle que les agresseurs d'Elodie Kulik étaient "au moins deux, et ont agi de concert". Ils auraient d'abord "provoqué" l'accident de voiture, vu "l'état de panique" de la victime dans son appel aux pompiers : "voyant ses agresseurs arriver sur elle, celle-ci a immédiatement compris l'intention de ces derniers, ce qui tend à établir qu'avant son accident, Elodie Kulik a été importunée sur la route par le véhicule de ses agresseurs."

Pour retenir cette interprétation, la cour a particulièrement en tête un témoignage. Celui d'une jeune femme qui a déclaré avoir été suivie en voiture en 2007 par Willy Bardon, "qui a collé sa voiture pendant plusieurs kilomètres, faisant des zig zags, et l'amenant à changer son itinéraire." Les jurés notent par ailleurs que "de nombreux témoins ont attesté au cours des débats de l'importante proximité entre Grégory Wiart et Willy Bardon", or ils considèrent que, vue la rapidité d'exécution des faits, "le deuxième auteur ne peut faire partie que du relationnel proche de Grégory Wiart".

Après l'enlèvement, les jurés sont convaincus qu'il a participé au viol de la victime, malgré l'absence d'ADN. Ils semblent considérer que l'accusé a juste été plus méthodique que son ami Grégory Wiart : "le deuxième agresseur, plus averti, n'a laissé aucune trace et a pris l'initiative de brûler le corps de la victime."

La cour ne donne pas plus d'arguments sur ce point. Et alors que la défense elle-même a qualifié le verdict - violeur mais pas meurtrier - de "contradictoire", les jurés n'ont pas à expliquer pourquoi ils n'ont pas retenu la culpabilité de Willy Bardon pour le meurtre par étranglement.
   

Des propos grossiers et des "traits pervers"

Le comportement de Willy Bardon envers les femmes a également pesé dans l'appréciation des jurés. Alors que la cour estime que "la motivation des agresseurs [...] était exclusivement sexuelle", elle rappelle les "propos évocateurs" que l'accusé admet avoir tenu dans diverses circonstances : "celle là je l'attrape et je la viole", "une poule sur un tas de fumier", "vieille putain,  je vais te violer, tuer et brûler".
 
Des mots troublants, à la lumière du drame qui s'est produit. D'autant, se souviennent les jurés, que Willy Bardon souffrirait de "troubles mixtes de la personnalité d'expression narcissique [...] avec des traits pervers" : "les experts entendus à l'audience ont fait état de la possibilité d'un passage à l'acte transgressif, favorisé par l'alcoolisation et le phénomène de groupe."

Ainsi la cour d'assises a-t-elle décidé, en son âme et conscience, de déclarer Willy Bardon coupable et de le condamner à 30 ans de réclusion criminelle. Une seule phrase vient motiver cette peine : "La gravité des crimes [...] et les circonstances particulièrement sauvages dans lesquelles ceux-ci ont été commis, commandent, même en l'absence d'antécédents judiciaires, de prononcer une peine particulièrement sévère."

Cette vérité n'est pas définitive. Willy Bardon a toujours clamé son innocence. La défense a fait appel : il y aura un nouveau procès. Peut-être délocalisé loin de la Picardie, de ses âmes blessées par une affaire ancrée dans la mémoire collective. 
 
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