Au procès de la mort de Mélinda aux assises de Douai, ébouillantée en 2016 par son beau-père, un proche des accusés a assuré qu'il avait "prévenu" les services sociaux.
"Je suis allé les voir, j'ai dit que j'avais vu des choses... On ne m'a pas écouté", commence Stéphane W., beau-père de l'accusé Jason Odin, ému aux larmes et frappant du poing sur le pupitre. Face à lui, les accusés Jason Odin, 25 ans, et Ana Maria Barbosa de Sousa, 35 ans, restent prostrés, visages inclinés vers le sol.
Le premier est accusé d'avoir ébouillanté la petite fille de 19 mois, le 17 mai 2016, puis de l'avoir laissée agoniser pendant plus de 17H sans appeler les secours. Jugé pour "torture ou acte de barbarie ayant entraîné la mort", il encourt la réclusion à perpétuité. Il est également soupçonné d'avoir maltraité Mélinda pendant des mois, après sa rencontre avec la mère.
Celle-ci est jugée pour ne pas avoir empêché les agissements de son compagnon et avoir privé son enfant de soins, lors de cette nuit fatale comme les mois précédents. Joël D., l'homme qui hébergeait le couple depuis plusieurs mois au moment du drame, est jugé pour s'être abstenu de porter secours à l'enfant.
"La maison, c'était un taudis, un carnage. La petite y marchait pieds nus"
"Au départ, Jason et Ana Maria avaient un bel appartement (...) ils avaient l'air bien", raconte à la barre Stéphane W., sans jamais tourner les yeux vers les accusés. "Je ne sais pas comment ça a dérapé...", poursuit-il, relatant comment son beau-fils, qui "aimait le monde de la fête" mais semblait "un peu calmé", avait vers fin 2015 "recommencé à voir sa sale bande". Mais "tout a empiré" lorsque le couple a déménagé début 2016 chez celui que Jason considérait comme "son oncle", Joël D. "J'ai pas compris pourquoi il sont partis chez ce pouilleux", lâche Stéphane W.Il explique avoir été alerté par le "changement physique" d'Ana Maria, qui "réclamait régulièrement de la nourriture pour la petite" à ses proches, mais surtout par "l'alcool, la fumée de cannabis dans la maison (...) la vaisselle plus faite, les vomissures de chiens sur le canapé". "La maison, c'était un taudis, un carnage (...) la petite y marchait pieds nus" et "personne ne faisait rien", soupire-t-il.
Un jour, Stéphane W. découvre "un bleu" sur la joue de Mélinda, "un coup accidentel" contre le levier de vitesse de sa voiture, aurait expliqué sa mère. Le quinquagénaire assure s'être rendu "peu après", sans pouvoir préciser la date, "voir les assistantes sociales" au sein d'une annexe des services administratifs à Maubeuge. "Mais on m'a répondu: "la mère est sous contrôle judiciaire, il y a un gros suivi, la petite ne risque rien"", s'étrangle-t-il, visiblement en colère.
Un premier signalement aux services sociaux aurait été fait par le père de Melinda
Un peu plus tôt, un médecin généraliste qui suivait les accusés en 2016 avait raconté ses dernières visites, et notamment comment il avait un jour trouvé l'enfant, "au coin, debout face au mur" malgré son très jeune âge. Il a aussi décrit sa "maigreur", sa solitude apparente, et a raconté comment la mère avait un jour "demandé un certificat de bien traitance", en vue selon lui d'une visite d'assistante sociale."Il y a eu de nombreux signes d'alerte, pendant plusieurs mois rien n'a été fait", a déploré Me Nathalie Bucquet, avocate de l'association Innocence en danger, partie civile dans ce procès. "Les services sociaux ont été prévenus, d'abord par le père de Mélinda, qui avait signalé des traces de coups" au juge des enfants en janvier, et "on le découvre aujourd'hui, par cet homme à qui on a osé répondre "il n'y a aucun risque". C'est scandaleux, dangereux", a jugé l'avocate, estimant que "les services sociaux ont failli".
Interrogés dans l'après-midi, les éducateurs spécialisés suivant la famille ont assuré ne pas avoir eu connaissance du signalement de Stéphane W., mais seulement de celui du père de Mélinda, en janvier.