Depuis l'été 2019, de nombreuses villes polonaises ont pris des arrêtés "anti-LGBT". Dans le Loiret, une ville a suspendu son jumelage avec une des villes polonaises concernées. Dans le Nord, quatre villes font face au même scénario. Une raison suffisante pour mettre en pause leur jumelage ?
Douai, Estaires, Lambres-Lez-Douai et Douchy-les-Mines sont toutes les quatre jumelées à des villes polonaises qui ont pris des arrêtés anti LGBT (Lesbienne, gay, bisexuel et transgenre) durant l'année 2019. Des arrêtés qui affichent ouvertement l'hostilité de ces communes aux personnes LGBT et qui sont dénoncés par des associations, en France et en Europe.
Dans le Loiret, une commune a décidé de suspendre "ses relations officielles" avec sa ville jumelée pour protester, raconte le magasine Têtu.
« Zones sans LGBT » : une commune du Loiret suspend ses relations avec une ville polonaise https://t.co/jgCC9aCD4z
— TÊTU (@TETUmag) February 17, 2020
Le conseil municipal de Saint-Jean-de-Braye a adopté cette position en justifiant que "La France s’est engagée en faveur de la lutte contre les violations des droits de l’Homme fondées sur l’orientation sexuelle. Élus de Saint-Jean-de-Braye, nous réaffirmons que les droits de l’Homme doivent s’appliquer sans discrimination à chaque être humain, indépendamment de son orientation sexuelle ou de son identité de genre. Nous demandons que les libertés individuelles de tous s’appliquent sans entrave."
Sur le site internet de la commune de Tuchow, la maire, Magdalena Marszalek a regretté que la "commune entière soit tenue responsable pour un groupe de conseillers. [...] Les Français ont envoyé un signal disant que Tuchow est homophobe."
Pour elle, cette résolution anti-LGBT "n'est pas le fruit d'une initiative des habitants", mais celui de conseillers municipaux du PiS (conservateurs nationalistes, au pouvoir en Pologne) et adoptée par le conseil municipal.
"Nous ne sommes pas homophobes, notre commune n'est pas fermée au monde. Nous sommes ouverts à la vie, à l'Europe et ce sera ainsi tant que j'en suis la maire", a-t-elle ajouté.
Qu'en est-il des villes du Nord ?
A la différence de Saint-Jean-de-Braye, dans le Nord, les élus ne semblent pas au courant. C'était le cas de Bruno Ficheux, maire d'Estaires, qui a appris la nouvelle avec "une grande stupeur". La communauté de communes d'Estaires est jumelée avec celle de Weilun, située dans le centre est de la Pologne, et qui est classée comme étant "anti-LGBT".
"Je vais me rapprocher de la ville du Loiret, on va prendre des renseignements pour comprendre le pourquoi du comment et contacter Wielun aussi. Je ne savais pas qu'ils avaient la possibilité de prendre ce type d'arrêté", reconnaît-il. "Ici, à Estaires, on est LGBT friendly", tient à préciser le maire. "J'avais entendu dire que lors des dernières élections municipales à Wielun, des listes catholiques avaient fait de bons scores, mais j'ignorais tout de leur influence."
Après réflexions, il a décidé de poursuivre ses relations avec la ville polonaise : "Nous ce qu'on veut, c'est au contraire, conserver des relations pour influer. Ce n'est pas quand c'est difficile que l'on s'en va. C'est par la valeur de l'exemple, la discussion qu'on va apporter, qu'on va réussir."
"Une discrimination inacceptable pour le maire de Lambres-Lez-Douai"
Martial Vandewoestyne, le maire de Lambres-Lez-Douai averti récemment, condamne cette discrimination. "Si elle est avérée, elle est intolérable, inacceptable". "Cette décision est contraire à notre politique. J'ai fait plusieurs mariages gays, j'ai autorisé récemment le changement de prénom d'une personne en transition, nous ne pouvons pas continuer nos relations."
Le bureau municipal puis le conseil municipal devrait se positionner sur la question et suspendre ses relations avec la commune polonaise de Stary-Sacz : "Il faut continuer l'amitié franco-polonaise mais marquer aussi notre désaccord avec des villes qui se revendiquent zones sans LGBT."
Le maire de Douai, Frédéric Chéreau s'est fendu d'un tweet pour dire sa stupéfaction. Alors que Pulawy avait été conviée à Gayant en 2019, il a déclaré, en conséquence qu'il ne souhaitait pas "qu’elle le soit de nouveau en 2020" et il compte proposer "au nouveau conseil élu en mars de mettre notre jumelage entre parenthèse jusqu’à nouvel ordre".
La commune de Douchy-les-Mines, contactée, n'a pas encore donné sa réponse.
Pourquoi ces communes sont dites anti-LGBT ?
Chacune de ces communes ont pris des arrêtés "anti-LGBT". Elles sont recensées par des associations de défense des droits LGBT en Pologne qui ont même réalisé un "Atlas de la haine".
Sur l'Atlas, en rouge, on retrouve les communes qui ont pris des décisions allant à l'encontre des droits LGBT, en jaune, celles qui n'ont pas encore statué sur le sujet mais où un lobby anti-LGBT serait très présent et enfin, en vert, les communes qui ont rejeté de tels arrêtés.
Les communes sont considérées comme des zones anti-LGBT lorsqu'elles ont adopté une de ces deux résolutions :
- "La résolution contre l'idéologie LGBT". Elle doit permettre selon les mots de certains conseillers municipaux de s'opposer "fermement à l'endoctrinement des milieux LGBT, car il s'agit d'une forme de totalitarisme visant à inculquer certaines idéologies et opinions contraires au droit naturel et à notre tradition chrétienne nationale."
- "La charte des droits des familles des collectivités locales". Stary Sacz est une nouvelle fois concernée ainsi que Mielec, jumelée à Douchy-les-Mines et le district de Wielun, lié lui à Estaires.
L'arrêt du financement des associations LGBT est aussi sous-entendu : "Les programmes de coopération avec les organisations sociales prennent en compte le principe du renforcement de la famille et du mariage et excluent le financement de projets qui portent atteinte à ces valeurs."
Des résolutions anti-LGBT condamnées par l'Europe
Le 18 décembre 2019, le Parlement européen avait demandé aux autorités polonaises de révoquer toutes ces résolutions qui incitent les élus à "s'abstenir de toute action visant à encourager la tolérance à l'égard des personnes LGBTI", selon le texte voté par les euro députés.
Pour l'instant, aucune ville du Nord n'a suspendu ses relations avec sa ville jumelée.
Au début du XXe siècle, des centaines de milliers de Polonais étaient venus travailler dans le Nord et le Pas-de-Calais, expliquant le nombre important de villes jumelées entre les deux départements et la Pologne.