Le 14 mars dernier, alors que le carnaval de Dunkerque était annulé et que le gouvernement avait annoncé le renforcement des mesures barrières, 200 personnes se sont retrouvées et ont formé une bande improvisée. Trois semaines plus tard, des cas de coronavirus peuvent-ils être liés à cet événement ?
C'était le 15 mars dernier. Peu après l'annonce par le Premier ministre Edouard Philippe de la fermeture des bars et restaurants, environ 250 personnes déguisées se sont réunis pour une bande du carnaval de Dunkerque. Une bande improvisée ou "sauvage" qui a choqué, indigné, questionné.
Cet événement a-t-il eu aussi des conséquences médicales ? A-t-il favorisé la propagation du virus dans le Dunkerquois ? La rumeur court dans le secteur. Des patients ayant des symptômes de coronavirus ont-ils contracté le virus ce jour-là ou auprès de personnes présentes à cette bande ? Question délicate, réponse complexe mais une certitude : pour l'instant, il est trop tôt pour établir un tel lien selon les médecins que nous avons interrogés.
Jean-Jacques Crignon et Thierry Mraovic, les deux médecins-responsables de l'unité Covid-19 de Dunkerque qui accueille les personnes présentant des symptômes du coronavirus sont unanimes : "Je ne peux parler que de ce que j'ai vu", reconnaît Jean-Jacques Crignon. "On a vu 500 personnes en tout, 17 ont été hospitalisées mais c'était toutes des personnes âgées." S'il a constaté "la fréquentation de jeunes entre 20 et 45 ans présentant des symptômes du coronavirus à un moment", rien ne permet d'estimer qu'ils ont participé à cette bande improvisée.
"J'ai assisté à une réunion de coordination et le directeur a évoqué un possible lien mais sans avoir aucune certitude. Il faudrait poser la question aux patients, mais c'est une démarche que nous n'avons pas au centre", explique Thierry Mraovic aussi responsable SOS Médecins sur Dunkerque. "Personnellement, je pense qu'il y a eu forcément des personnes porteuses du coronavirus qui ont participé à cette bande, mais je ne veux pas blanchir ou condamner qui que ce soit, donc si on se base sur les patients qu'on a reçus pour l'instant, aucun élément ne permet de faire effectivement le lien."
"On s'appuie sur du déclaratif, on ne fait pas d'enquête sur ce qui nous est dit"
Le docteur Fabrice Mestdagh est médecin généraliste dans un cabinet installé sur Malo-Les-Bains, dans un secteur où vivent de nombreux carnavaleux. Il dit ne pas avoir reçu de patients ayant des symptômes et ayant fréquenté la bande improvisée : "Je n'ai pas connaissance de pareils cas. Il faut savoir qu'on s'appuie sur le déclaratif, on ne fait pas d'enquête sur la véracité des propos qui nous sont rapportés. C'est tout à fait possible que certains patients n'ont pas voulu nous en parler." Même écho chez ses quatre collègues du cabinet.
Pour Thierry Mraovic, coresponsable de l'unité Covid-19, il faudra attendre un certain temps pour estimer si la bande improvisée a représenté un foyer de contamination au même titre que le bureau de vote de Coudekerque-Branche. Le centre hospitalier de Dunkerque s'est dit "non habilité pour confirmer ou infirmer ces informations".
Mais pour de nombreux Dunkerquois, l'organisation d'une telle mobilisation était de toute façon irresponsable. A l'image de cette internaute qui a condamné le comportement des carnavaleux sur Twitter : "J'aime passionnément ma région Hauts-de-France, sa culture et ses habitants... Mais là, il y a des baffes qui se sont perdues."
J’aime passionnément ma région #HautsDeFrance, sa culture et ses habitants... Mais là, y a des baffes qui se sont perdues ➡️ +/-250 #carnavaleux ont participé à une bande improvisée samedi soir ds le centre-ville de #Dunkerque ?https://t.co/HJ8Vmj4LHN? #coronavirus #covid29 pic.twitter.com/Sau3FTqA6J
— Elodie MiamMiam (@lemiammiamblog) March 16, 2020
Les carnavaleux présents lors de cette bande improvisée ne sont évidemment pas du même avis : "Je n'ai pas de symptômes et j'en ai pas eu donc non, je ne m'inquiète pas pour ma santé. On a fait la bande, on s'est serré dans les bras les uns des autres, on a joué de la musique", loin donc du respect d'un mètre de distance préconisé alors par le gouvernement. Mais, Cindy Desmaryl, une habituée du carnaval, n'a aucun regret : "C'est le gouvernement qui est en tort. Il aurait dû confiner tout le monde plus tôt, il y aurait eu beaucoup moins de cas. C'est sûr que si on avait été confiné, on ne l'aurait pas fait. Autour de moi, personne n'a eu le coronavirus, on avait juste le carnavirus !"
Selon le maire de Dunkerque, Patrice Vergriete, 135 personnes ont été déclarées positives depuis le début de l'épidémie dans le Dunkerquois, 15 sont décédées, et 70 personnes sont toujours hospitalisées dont 17 sont en réanimation.