Dimanche en politique : après l'incendie de Lubrizol, quelles leçons pour la région et ses sites Seveso ?

Ratés de communication, insuffisance des obligations faites aux industriels et des moyens de contrôles ... L'émission Dimanche en politique est revenue sur les suites de l'incendie de Lubrizol et aux préjudices subis par les communes touchées par la pollution industrielle.  

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Le 26 septembre dernier, l'usine Lubrizol de Rouen prenait feu. L'incendie peut être considéré comme l'un des plus graves accidents industriels en France depuis la catastrophe d'AZF Toulouse en 2001.

Avec 14 usines Seveso et une centrale nucléaire sur 20 kilomètres de littoral Dunkerquois, le Nord-Pas-de-Calais n'est pas en reste niveau risque industriel. Mais pour limiter les risques, des idées ont été émises lors de l'émission "Dimanche en politique", ce 13 octobre à 11 h 25 sur notre antenne. 

 

1. Un plus grand contrôle des sites Seveso



Christian Hutin, député de la 13e circonscription de Dunkerque/Coudekerque pour le Mouvement des citoyens reconnaît l'importance économique de ces sites : "Dans le Dunkerquois, nous vivons autour d'un volcan et de multiples volcans Seveso partout [...], ils nous nourrissent. Il faut accepter le risque industriel car on a 12% de chômage mais dans ce cas, il faut que les contrôles soient très sérieusement faits, et aujourd'hui ce n'est pas le cas".
 

 
Aussi président de la commission d'enquête de Lactalis, il reproche à l'Etat de perdre le contrôle sur les usines Seveso. "Notre rapport sur Lactalis pouvait peut-être éviter de nouveaux problèmes mais il dort dans un tiroir du ministère. Aujourd'hui l'Etat doit être réarmé car il n'y a plus personne qui contrôle ces usines Seveso de manière sérieuse". 

Plus tard, il revient sur les "auto contrôles" réalisés dans ces usines à haut risque :"C'est totalement n'importe quoi. La santé publique est essentielle". 

Pour Emmanuel Cau, militant EELV, ancien vice-président du conseil régional et consultant climat auprès des collectivités, la législation reste faible vis-à-vis des ces entreprises : "Aujourd'hui, on n'a plus besoin d'autorisation pour faire une extension d'activité, alors comment un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) peut-il être efficace ? " interroge-t-il sur le plateau. 
 


"Sur Lille, il y a des entreprises Seveso seuil haut, mais à quand remonte le dernier exercice de crise ? [...] Les PPRT, normalement, doivent être faits mais on détricote le droit à l'environnement". 



 

2. Une culture du risque zéro qui doit primer sur la culture du profit



"Ça coûte de devoir contrôler, de devoir mettre en place des PPRT, [...] ce sont des ressources humaines, de l'argent et aujourd'hui, on est dans cette culture du profit qui passe avant l'intégrité sanitaire et environnemental" dénonce le militant EELV. 
 


Au député du Nord d'ajouter : "Évidemment que Dunkerque est une ville industrielle, c'est avec ça qu'on vit, qu'on se nourrit, mais il ne faut pas que le risque pour nos enfants dépasse le stade entendable. Il est temps de prendre des mesures pour rassurer la population par rapport au risque pris". 

 

3. Un fonds établi en amont pour indemniser en cas d'accident et une loi pour réguler au niveau national



"On n'a aucune garantie que Lubrizol ou quiconque paie tout ça. Le mal est déjà fait à partir du moment où, en amont, on n'a pas mis les règles en place", déplore Emmanuel Cau. 

Alors pour le vice-président à la région Hauts-de-France aux transports, Franck Dhersin, la solution est simple : "On les fait payer avant en créant des fonds parce que ces grandes entreprises ont des avocats internationaux qui vont faire durer les choses pendant une dizaine d'années et c'est intolérable, c'est que ne supporte plus les gens". 
 


Cet argent pourrait provenir selon Franck Dhersin des "énormes taxes aux collectivités" que les entreprises doivent verser. 

Il va même plus loin en proposant une "nouvelle loi pour que dans tout ce que paient les entreprises, une partie soit consacrée uniquement à ce fonds". 

Alexandre Noisette, éleveur du Nord a dû se résoudre à verser à l'égout 5 000 litres de lait, soit toute sa production des trois derniers jours, devenue impropre à la vente du fait de l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen. 
 

Mais le jeune éleveur devrait bientôt être indemnisé. Le vendredi 11 octobre, lors d'un déplacement à Rouen, le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume a annoncé l'indemnisation de 425 producteurs de lait ayant pris des arrêtés de restrictions sanitaires.

Les fonds provenant directement de Lubrizol, qui a créé un fonds de solidarité d'un montant de 50 millions d'euros pour couvrir les pertes subies par les agriculteurs et les autres secteurs non agricoles touchés par l'incendie. 

  

4. Une harmonisation législative au niveau européen 



Légiférer au niveau européen sur l'encadrement de sites Seveso ? Une nécessité pour Franck Dhersin : "Quand je me balade à Anvers, rien n'est respecté. Les Belges n'ont pas la Dréal [Direction régionale environnement, aménagement et logement] et l'équivalent belge n'est pas aussi indépendant que chez nous. Ici, il y a quand même un contrôle que nos voisins n'ont pas du tout". 
 

Une proposition qui vient à l'encontre de la politique française qui a, jusqu'à alors, refusé une législation à l'échelle européenne pour les sites et les sols pollués. 

 

5. Produire oui, mais de manière raisonnée 



Pour Emmanuel Cau, "il faut requestionner l'objet des usines Seveso". S"il n'est pas question pour lui de fermer toutes les usines, "on doit questionner ce qu'on produit et pourquoi on le produit. Par exemple, quand demain on doit se réorienter sur du zéro pesticide, est-ce qu'on doit encore accepter des industries qui contribuent à notre intoxication ?", s'alarme le militant EELV.
 


Même écho pour Franck Dhersin: "Il faut repenser notre façon de vivre. Nous savons à Dunkerque, que dans 120 ans, nous n'existerons plus, qu'il n'y aura plus d'usines Seveso car tout sera sous l'eau. Il faut repenser notre façon de consommer, de vivre, de produire, il n'y a plus de question de droite ou de gauche, ou d'écologisme, on est tous d'accord là-dessus".

 

6. Donner plus de rôle aux maires



Le Vice-président de la région Hauts-de-France aux transports, Franck Dhersin, considère aussi qu'il faut donner plus de pouvoirs aux élus locaux : "Ce n'est pas seulement l'Etat qui doit reprendre le pouvoir. Les représentants locaux, les maires n'ont absolument pas le pouvoir de venir dans les usines pour poser des questions. Ce n'est pas normal, nous vivons là". 

 

Comme preuve de cette absence d'implication, Christian Hutin revient sur l'incendie de Lubrizol : "A Rouen, les maires n'ont pas été informés de ce qui se passait"
 

"Le rôle du maire c'est au moins de prendre son bâton de maire et d'aller toquer à la porte de la Dréal pour faire pression. Le citoyen est d'abord une victime", tient à préciser Emmanuel Cau, militant EELV. 

 
Metaleurop : la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin porte plainte contre l'Etat pour "préjudice écologique"
Présentée comme une première en France, le président de la communauté d'agglomération d'Hénin-Carvin (CACH), Christophe Pilch a souhaité faire reconnaître le "préjudice environnemental immense" que la fonderie Metaleurop "a laissé derrière elle" et "obtenir réparation de l'Etat".

Selon l'avocat, c'est la "première fois qu'il y aura un recours contre l'Etat pour préjudice environnemental". L'action en justice s'appuie sur la "loi pour la reconquête de la biodiversité" entrée en vigueur en 2016. Elle stipule que "toute personne responsable d'un préjudice écologique est tenue de le réparer" et reconnaît que les collectivités territoriales "dont le territoire est concerné" ont qualité à agir. 

Implantée depuis 1894 à Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), l'usine métallurgique, classée Seveso, produisait jusqu'à 130 000 tonnes de plomb, 100 000 de zinc, et 250 000 d'acide sulfurique par an. Elle rejetait dans l'air, en 1985, 67 tonnes de plomb, 26 700 de dioxyde de souffre. 

Sur 600 hectares autour du site industriel, les sols demeurent fortement contaminés notamment en plomb et cadmium. Sur cette zone où vivent 24 000 personnes, l'usage des sols est restreint et en son coeur, toute activité agricole demeure interdite. 
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