Emile Daraï, gynécologue mis en examen pour "violences volontaires" : explications et témoignages sur les violences gynécologiques en France

De plus en plus de femmes osent parler auprès du collectif "stop violences obstétricales gynécologiques". Si elles sont encore rares à passer la porte du commissariat par manque de preuve, 32 femmes ont porté plainte contre le gynécologue Emile Daraï de l'hôpital Tenon à Paris. Celui-ci a été mis en examen jeudi 24 novembre pour "violences volontaires".

Les 32 plaignantes attendaient ce jour depuis des années. Le professeur Emile Daraï, gynécologue à l'hôpital Tenon a été mis en examen pour "violences volontaires par personne chargée d'une mission de service public ". Sonia Bisch, la présidente du collectif Stop VOG, invitée de notre émission Hauts féminin a longtemps attendu ce jour : "Il est mis en examen, mais il n'est pas suspendu à l'hôpital de Tenon. Ce n'est que dans son cabinet privé qu'il ne peut plus exercer."

La mobilisation continue car la sécurité des patientes n'est pas encore assurée dans le secteur public.

Sonia Bisch, présidente du collectif Stop VOG

Cette affaire est un symbole. Symbole de la parole qui se libère et qui est entendue par la justice. Derrière cette première victoire, se trouve le collectif Stop VOG qui aide les plaignantes avec son service juridique pour monter les dossiers.  

Des témoignages de violences psychologiques et de violences physiques, le collectif en reçoit  beaucoup et les publie sur les réseaux sociaux, notamment sur la page Instagram de stop VOG. 

Témoignages

Voici quelques-uns des ces témoignages anonymes. (Nous avons retiré les noms des maternités et l'époque des faits présumés pour respecter la présomption d'innocence des gynécologues accusés). 

"Il a rentré le spéculum plusieurs fois dans mon vagin en le frottant sur mon clitoris juste avant. Son regard sur moi était malsain. Je suis sortie de ce rendez-vous choquée."

"Je lui dis : dans le pays où je travaille, les gynécologues veillent à recueillir le consentement de la patiente avant chaque geste à chaque fois. Sa réponse : Vous n’avez qu’à consulter à l’étranger."

"Mon premier accouchement s’est déroulé avec épisiotomie et un médecin s’est mis à genoux sur mon ventre. J’ai hurlé de douleur. Je pensais que ma vie allait s’arrêter là."

S'agissant de l'expression abdominale, cette pratique est interdite depuis 2007. S’agissant du consentement, depuis la loi dite Kouchner de 2002, le médecin doit demander son accord au patient. Dans les faits, certains gynécologues lors d’un accouchement prennent la décision de réaliser une épisiotomie sans prévenir ou sans expliquer leur choix à la patiente.

Pour rappel, l’épisiotomie est une incision réalisée pour faciliter la sortie du bébé. Dans les années 1980, 75 % des premiers accouchements se terminaient avec une épisiotomie. Il y a 6 ans, le taux s'élevait encore, selon l'INSERM, à 44,4 % lors des premières grossesses. Aujourd'hui on observerait une diminution de ces pratiques : 35 % selon le site d'information spécialiste, épisio.info. L'organisation mondiale de la santé vise les 20 %.

Les vieilles méthodes perdurent

Clotilde Bruy gynécologue à Amiens a accepté de parler de ce sujet sensible. Elle se dit plutôt en faveur de ce mouvement de libération de la parole. Elle espère montrer l’exemple pour une prise en charge éthique des patientes. Elle ne réalise que 3 % d'épisiotomies par an et elle demande toujours le consentement de la patiente. Elle comprend cependant pourquoi l’ancienne génération de gynécologues a du mal à sortir de ses habitudes. 

"Il y a longtemps, les études disaient que les épisiotomies protégeaient des déchirures graves du périnée. Les anciens gynécologues ont été appelés à en faire pour protéger les patientes. Les études scientifiques récentes montrent que cela ne protège pas plus et qu'il n'y a plus lieu de les faire. Mais si vous vous retrouvez avec des vieux gynécologues qui ont l'intime conviction que c'est utile, il faut comprendre qu'ils aient du mal à entendre une patiente qui refuse de subir une épisiotomie."

Un argumentaire que n'accepte pas Sonia Bisch, la présidente du collectif Stop VOG. Selon elle, les gynécologues ont le devoir de changer de pratiques si les nouvelles études scientifiques montrent que l'épisiotomie n'est plus d'une nécessité absolue. 

Ils ne doivent plus réaliser d'épisiotomie pour leur confort personnel et surtout ils doivent demander l'accord de la patiente en amont ou pendant la poussée.

Sonia Bisch, présidente du collectif Stop VOG

Sonia Bisch est d'autant plus révoltée qu'elle a subi une épisiotomie sans consentement, en plus de l'utilisation de forceps, pour son premier accouchement, dans une maternité privée d'Île-de-France. Plusieurs années après, elle a porté plainte contre le gynécologue.

"Les premiers jours, je pleurais à chaque fois que j’allais aux toilettes. Je prenais de la morphine. Les gynécologues ne pensent pas aux femmes en post-partum. Est-ce qu’ils pensent aux bébés dont les mamans sont en dépression à cause de leurs douleurs physiques ? Je suis sûre que non."

Sonia explique également qu'on lui a rajouté "le point du mari". "Le gynécologue s'en est vanté auprès de mon mari, c'est comme cela que je l'ai su. J’ai eu des douleurs lors des rapports sexuels avec mon mari pendant deux ans. On pense que les médecins ont la science infuse. C'est pour cela que l'on subit en silence et un jour à force de lectures, on a une révélation et on parle enfin."

Quand on parle des violences gynécologues obstétricales, on parle de non-respect du consentement, du non-respect de l’intégrité physique et psychique de la part de gynécologue. Certaines femmes subissent des violences qui sont banalisées par la société comme des remarques sexistes lors d’une consultation, de l’infantilisation ou encore des gestes brusques durant l’accouchement comme durant une consultation de suivi gynécologique.

Dans l'affaire du professeur Daraï, les plaignantes l'accusent de viol gynécologique. Pour en savoir plus, retrouvez en replay notre émission Hauts féminin : 

durée de la vidéo : 00h13mn00s
Hauts féminin sur les violences obstétricales gynécologiques. ©FTV

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