ENTRETIEN. Corinne Masiero : sur la culture, "faut que le gouvernement se bouge pour ne plus nous laisser dans le flou"

La comédienne nordiste Corinne Masiero, vedette de la série Capitaine Marleau, s'est lancée dans une création originale sur le thème des violences faites aux femmes. Elle s'inquiète du peu d'attention accordé au monde de la culture, en grande difficulté en raison de l'épidémie de coronavirus.

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Corinne Masiero n'a pas sa langue dans sa poche. Impossible, donc, de se taire, après deux mois de confinement, lié au coronavirus, qui place de nombreuses entreprises ou compagnies du monde de la culture en grande difficulté financière. La Capitaine Marleau de France 3 dénonce le manque de considération du gouvernement et du ministère de la Culture pour ce secteur, "la priorité avec la santé et l’éducation".

En attendant la reprise de ses tournages suspendus par la crise sanitaire, l'actrice (56 ans) née à Douai s'est lancée avec Audrey et Stéphanie Chamot - le trio s'appelle Les Vaginites - dans spectacle sur les violences faites aux femmes. L'occasion pour nous de l'interroger, ce lundi 23 juin à La Rose des vents, à Villeneuve d'Ascq, sur l'avenir de la culture à court, moyen et long terme.

 

Comment avez-vous vécu le confinement ?

Ca m’a fait plus des vacances qu’autre chose, j’ai une baraque avec un jardin, j’ai de la thune, tout va bien. Je n'ai pas à me plaindre. Je n’ai pas souffert de ça, ça m’a fait un ralentissement, et puis j’ai du boulot, les tournages reprennent en étant décalés jusqu’à l’année prochaine.

On vous sent heureuse d'être de retour sur scène...

C'est un bonheur total ! Pour l'écriture de notre spectacle, les vaginites, on a travaillé en visio. Mais un moment, on devait se retrouver en visu pour gueuler, chercher des choses ensemble. Ca fait du bien juste de pouvoir gueuler, qu’on nous entende !

J'ai du bol, je gagne vraiment bien ma vie, je peux me démerder et me permettre de tenir 5 ans sans bosser, y'en a combien comme moi ?

Etes-vous inquiète pour le monde de la culture ?

Très inquiète. Qu’est-ce qui va se passer ? Quand est-ce qu’on va pouvoir retravailler ? Quand est-ce qu’on va pouvoir répéter ? Et surtout quand est-ce qu'on va pouvoir rejouer ? Pour les petites et moyennes compagnies qui avaient du taff pour les festivals cet été, qu’est-ce qu’elles vont devenir ? On ne se rend pas compte.

Dans des grosses structures à Paris et en région, qui se sont arrêtées pendant le confinement, il n'y a pas eu de dédommagement alors que c'était possible de le faire. A contrario, des petites structures ont rémunéré les comédiens et techniciens pour faire en sorte qu'ils ne soient pas dans la merde. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Plein de compagnies ne peuvent pas le faire.

J'ai du bol, je gagne vraiment bien ma vie, je peux me démerder et me permettre de tenir 5 ans sans bosser, y'en a combien comme moi ?  C’est infime. L’immense majorité, ce n’est pas ça. Quand t’as des gosses à faire becter, c’est une horreur. Et ça ne concerne pas que les artistes, mais tous ceux qui sont dans la merde : soignants, aide-soignants, les nanas et les mecs qui bossent à la caisse des supermarché ou ailleurs... Ca retombe toujours sur ceux qui n’ont pas de thunes.

Je n'ai pas applaudi les soignants. Ca me gênait de me dire que j'applaudissais des gens en train d'en chier, qui sont payés au lance-pierre !

 

Dans les théâtres et festivals, il y aura embouteillage...

La priorité sera donnée aux premiers arrivants, ceux qui devaient jouer depuis mars, avril. Combien de compagnies vont débarquer dans des festivals ? Des centaines et des centaines. La culture, c’est la base de tout au niveau humain, c’est la priorité avec la santé et l’éducation, faut que le gouvernement se bouge le cul pour déjà ne plus nous laisser dans le flou et savoir concrètement comment nous aider. Une société sans culture, on a déjà vu ce que ça donne. 1984, c’est fini !

Toute l'actualité de Corinne Masiero

Les salles sont censées rouvrir, l'activité va reprendre. Mais selon vous, c'est l'arbre qui cache la forêt...

Exactement, avec des effets de parole, "On vous a entendu", c'est toujours pareil. Je vais faire le parallèle avec les soignants. "Allez, faut les applaudir sur le balcon !" Je ne l’ai pas fait, il y avait un truc qui me gênait là-dedans, d'applaudir des gens en train d’en chier, qui sont payés au lance-pierre quand ils sont payés. Et quand c’est terminé, on va arrêter les budgets, on les laisse dans la merde. Et dans certaines communes, il y a des affiches "On remercie le personnel soignant". Si tu les remercies, mets du budget dans ta santé, arrête de faire des effets de parole pour faire croire des choses...

La création ne mourra pas, mais tu peux faire mourir les créateurs.

La création peut-elle être touchée à plus ou moins long terme ?

Tu ne peux pas empêcher quelqu’un qui a envie de créer. Il y a eu des tas d’exemple, dans des situations gravissimes, dans des camps de concentration, quand tu as besoin de créer, c’est un échappatoire. Plus tu vis des trucs difficiles, plus il faut que ça sorte.

La création ne mourra pas, mais tu peux faire mourir les créateurs. Je ne veux pas qu’on en arrive là, je ne suis pas la seule dans ce cas-là, il faut que ça bouge. Si on touche à la culture, c’est le pilier qui ébranle l’édifice. Si vous touchez à la culture, attendez vous à ce qu’il se passe des choses un peu graves et ce n’est pas une menace...

Souhaitez-vous faire passer un message au gouvernement ?

Toutes les voix de la culture doivent être entendues. On demande au gouvernement que chacun puisse ouvrir sa gueule, que chacun puisse exprime en bien ou en mal ce qu’il ressent, sinon c’est une censure déguisée.

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