D'après la Région, il manque encore plus de 200 conducteurs de cars scolaires dans les Hauts-de-France. Si les transporteurs ont trouvé des solutions provisoires pour assurer le service, ils misent aujourd'hui sur la promotion du métier et la formation.
C'était l'une des préoccupations principales de cette rentrée : les 212 000 enfants de la région qui ont besoin d'un transport scolaire auront-ils un car pour les amener à l'école ? Faisant face à une importante pénurie de conducteurs, le conseil régional était inquiet de ne pas pouvoir assurer ce service public.
"Tout le monde est vraiment mobilisé"
Les élèves ont finalement pu prendre le chemin de l'école sans encombre sur la quasi-totalité du territoire, à quelques exceptions près. "C'est plutôt une bonne rentrée par rapport aux inquiétudes qu'on avait cet été, assure Olivier Engrand, conseiller régional délégué à la mobilité et président de la commission transports. Il y a encore quelques ajustements à faire, mais c'est le cas pour toutes les rentrées scolaires, car il y a toujours des établissements qui ont plus ou moins d'élèves que prévu."
Le discours est plutôt rassurant pour les parents, mais l'élu assure qu'il a fallu beaucoup de travail et de coopération avec les transporteurs pour en arriver là. "Tout le monde est vraiment mobilisé : les opérateurs de transports, les services départementaux, et même les chefs d'établissements qui ont fait des efforts sur les horaires de début des cours pour que l'on puisse optimiser le transport scolaire."
Des solutions provisoires mises en place
Mais alors, si chaque élève ou presque dispose d'une solution, pourquoi parle-t-on encore de pénurie de conducteurs ? Parce que pour le moment, derrière le volant, il n'y a pas que des conducteurs de car dont c'est l'activité principale. "Si on peut assurer 100% de nos services depuis la rentrée, c'est parce que tout le monde roule : des administratifs, des mécaniciens, des exploitants, des ateliers... Dès qu'on a une défaillance, dès qu'on a un malade, toutes les forces vives sont prêtes à rouler, quitte à ne plus faire leur travail de bureau ou à ne plus répondre au téléphone pendant ce temps-là", explique Stéphane Boivin, directeur d'exploitation du Transport réseau interurbain de l'Oise (TRIO) chez Transdev, délégataire de la région Hauts-de-France pour les périmètres du Beauvaisis et du Compiégnois.
Bien sûr, toutes les personnes qui sont sollicitées pour conduire les cars scolaires sont titulaires du permis et des agréments nécessaires pour exercer l'activité. Mais cette solution n'est pas pérenne pour les transporteurs : "On ne peut pas être au volant d'un car et derrière son ordinateur, donc il faut faire des heures supplémentaires pour rattraper le travail, ça demande une réorganisation totale des services pour la plupart des transports. Le service est assuré, mais ça demande beaucoup d'efforts, précise Stéphane Boivin. Certains transporteurs ont même complètement suspendu leur activité de tourisme pour les affecter à la région, au détriment de la santé financière de l'entreprise."
Un travail de longue haleine pour recruter et former
Ce sacrifice, la Région assure en avoir bien conscience. "Les opérateurs font vraiment beaucoup d'efforts. Mais cette situation n'est pas pérenne, je dirais même qu'elle est fébrile, admet l'élu à la mobilité Olivier Engrand. C'est pour cette raison que nous avons décidé de débloquer le financement de 1 000 formations supplémentaires sur un an." À noter que pour former un candidat qui n'a aucune qualification dans le domaine, il faut compter environ six mois. Ceux formés dans le courant de cette année scolaire travailleront donc plutôt à la rentrée prochaine.
D'après Stéphane Boivin, l'effort sur la formation et la promotion du métier est fondamentale pour résoudre cette crise. Il estime que si le secteur a toujours eu des besoins importants de recrutement, la pandémie de Covid a aggravé la situation. "Depuis 2020, le groupe a lancé une académie avec un système de formation pour recruter plus de 100 apprentis, qu'on a pu intégrer dans les filiales Transdev. On n'a pas attendu la rentrée, ni même cet été, pour travailler sur ce problème, on le fait depuis plusieurs années, et encore plus depuis deux ans, assure-t-il. On va également faire des journées portes ouvertes avec des lycéens et des collégiens, notamment avec les établissements scolaires plutôt techniques, pour faire connaître le métier de conducteur et aussi celui de mécanicien et leur donner envie."
Un peu plus de 200 chauffeurs manquants
D'après le dernier recensement effectué par la Région le 26 août, il manquait 290 conducteurs de cars sur l'ensemble des cinq départements, répartis ainsi : 17 dans l'Aisne, 46 dans la Somme, 69 dans l'Oise, 73 dans le Nord et 85 dans le Pas-de-Calais.
"Ces chiffres ne sont plus tout à fait corrects, car depuis, certains conducteurs ont obtenu leurs agréments et sont désormais opérationnels, et d'autres vont sortir de formation et n'ont plus qu'à attendre la validation administrative de leur permis et la délivrance de la carte chronotachygraphe, qui est obligatoire et qui permet d'enregistrer les données légales comme le temps de repos, la vitesse, le temps passé derrière le volant..., nuance Olivier Engrand. Selon les départements, cela peut prendre deux à six semaines, mais nous avons sollicité les services de l'état pour accélérer le processus afin que les conducteurs puissent travailler le plus vite possible."
Une pénurie plus présente dans certains territoires
Il estime qu'il reste tout de même encore plus de 200 postes de chauffeurs à pourvoir. "Il faut noter que tous les territoires ne sont pas égaux sur cette question. En ruralité par exemple, il y a moins le manque, c'est pour ça que la pénurie est moins importante dans l'Aisne par exemple. Cela s'explique par l'effet "d'aspirateur" des grandes métropoles. Un conducteur qui réside dans le sud de l'Oise par exemple sera plus attiré par le transport urbain de la région parisienne, qui offre des conditions de travail différentes et des salaires plus élevé, là où le transport scolaire propose généralement des contrats à temps partiel. En revanche, quelqu'un qui est implanté en Thiérache depuis longtemps aura moins tendance à changer d'employeur ou d'activité", analyse le conseiller régional.
En attendant, tous les acteurs du secteur assurent continuer de travailler ensemble pour résoudre cette crise, qui concerne l'ensemble du pays.