La Région Hauts-de-France, consciente de la baisse d’attractivité des métiers de conducteur et mécanicien de cars, anticipe des difficultés sur le réseau de transport scolaire.
Les 16 000 points d’arrêts de bus scolaires des Hauts-de-France pourront-ils être desservis matins et soirs à la rentrée en septembre ? Pour la Région, autorité organisatrice, rien n’est moins sûr. Son vice-président chargé des mobilités, des infrastructures de transport et des ports, Franck Dhersin, l’avoue : "Il y a une réelle inquiétude."
En cause, une pénurie estimée pour la rentrée 2022-2023 à environ 400 conducteurs de cars et 20 mécaniciens dans les cinq départements des Hauts-de-France. Ce sont 212 000 élèves qui utilisent quotidiennement les transports scolaires et interurbains et 2 300 établissements scolaires qui sont concernés. Le vice-président insiste toutefois sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une situation exceptionnelle : la problématique se retrouve à l’échelle nationale, avec 8 000 conducteurs qui manqueraient à l’appel.
10% de trafic en moins ?
"Nous sentons le problème arriver depuis six mois. Nous progressons mais nous savons que nous aurons des problèmes avec la possibilité d’un service mal rendu ou pas rendu", explique Franck Dhersin, qui évalue le risque à environ 10% de trafic en moins, soit environ 150 véhicules qui ne circuleraient pas.
L’objectif est que nous ne nous retrouvions pas avec des enfants à l’abri de bus avec un bus qui ne passe pas. Ce serait catastrophique.
Franck Dhersin, vice-Président de la Région Hauts-de-France chargé des mobilités, des infrastructures de transport et des ports
Pour l’instant, la Région se refuse à supprimer certains des 16 000 points de passages des bus tant qu’un bilan sur la situation ne sera pas réalisé. "Mais peut-être qu’on sera amenés à le faire parce qu’on n’aura pas de solution", prévient le vice-président, qui assure que l’objectif est "que nous ne nous retrouvions pas avec des enfants à l’abri de bus avec un bus qui ne passe pas. Ce serait catastrophique".
Face à l’incertitude, l’anticipation est donc de mise. D’abord, à partir de mi-août, un suivi des conducteurs et des mécaniciens manquants sera établi, ainsi qu’un état précis de l’offre, ligne par ligne, qui pourront être assurées à compter de la rentrée. "Puisque nous aurons des problèmes, c’est le meilleur moyen de savoir où nous en aurons. La Région communiquera au moins une semaine avant la rentrée", indique Franck Dhersin.
Dialogue sollicité
Les rectorats et les chefs d’établissement ont également été sollicités. D’abord pour qu’ils communiquent au plus vite sur les enfants concernés par ce type de transport dans les différentes communes, afin d’optimiser le nombre de circuits. Ensuite pour favoriser le passage des cars à une heure fixe, avec des horaires de début et de fin communs à tous les élèves d'une même école, ce qui permettrait de "faciliter la vie" à la Région. Les cars, qui parcourent au total 220 000 kilomètres par jour, n’ont en effet pas le temps de réaliser deux fois un circuit en une heure.
Afin d’endiguer cette pénurie, les Hauts-de-France tentent donc de s’occuper du problème à sa source : la baisse d’attractivité du métier. "Ce sont des horaires complexes, des contrats où les gens n’ont pas un 35 heures par semaine, et donc pas de salaire à temps plein", reconnaît Franck Dhersin : "Et avec le covid, beaucoup de gens ont découvert qu’ils pouvaient organiser leur vie autrement. C’est une conséquence qu’on observe". À cela s’ajoute aussi l’exigence des usagers et un certain sentiment d’insécurité.
Favoriser la formation
La solution ? "Valoriser" le métier autant que faire se peut à travers une campagne de promotion. Notamment en faisant connaître le métier auprès des demandeurs d’emploi, des salariés en reconversion, des jeunes et du grand public. La Région a également raccourci les délais d’obtention du permis et investi un budget d’environ 3 millions d’euros en 2020 et 2022 dans la formation qui permet d’accéder au métier.
En 2021, 499 personnes sont ainsi entrées en formation et en 2022, 238 à ce jour. Mais le vice-président des Hauts-de-France regrette l’existence d’une concurrence rude : "On se fait piquer des conducteurs formés par la RATP qui offre des conditions plus sympathiques. Donc on paie les formations et certains vont ailleurs", déplore-t-il.