Fréquence Nord, devenue France Bleu Nord, fête ses 40 ans : on vous raconte les débuts de la radio dans les années 80

Le 19 mai 1980, Fréquence Nord voit le jour à Lille. 40 ans plus tard, retour sur la naissance de la radio régionale devenue depuis France Bleu Nord.

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Certains noms sont tellement ancrés dans nos mémoires qu'ils refusent d'en sortir. C'est le cas pour FR3 (prononcez "Efertrô") et pour Fréquence-Nord ("Fréquench"). Même devenus depuis des décennies France 3 et France Bleu Nord, les anciennes appellations demeurent.
 


Rien n'y fait... parce que les histoires de ces deux antennes régionales sont étroitement liées au territoire du Nord et du Pas-de-Calais, à sa langue, à sa culture, à sa défense, aux gens qui l'habitent. C'est d'autant plus fort pour la radio, perçue lors de sa création comme un formidable lien de proximité et d'espace de liberté. Fréquence-Nord fête ses 40 ans. Première radio locale de service public. Une révolution technique, politique et sociale.
 

FM 94,7


Le 19 mai 1980 à six heures de matin, depuis ses minuscules bureaux et studios lillois encore encombrés de cartons, Fréquence Nord se lance sur la bande FM. 94,7. Techniquement, c'est déjà une nouveauté.
 

"'Jeune homme, la FM n'a aucun avenir', voilà ce que m'avait répondu quelques années auparavant le directeur de RTL, se souvient Jean-Yves Le Huédé, lorsque je lui avais présenté un projet de radio régionale. Un visionnaire..." Heureusement, celui qui n'est encore qu'un jeune journaliste est alerté par un collègue de France Inter que Radio France cherche justement à ouvrir des radios locales en province. Il ressort son projet, qui cette fois, trouve preneur. 


Un million d'auditeurs en un an

 
"On est parti d'une page blanche, se souvient le créateur et premier directeur de Fréquence Nord. On est en septembre 1979. On nous donne peu de moyens. Les délais sont très courts. Il faut trouver des locaux, recruter une petite équipe, bâtir un programme pour un public jeune, branché musique, avec de l'actualité régionale et un ton moderne. Et en moins d'une année, en mars 1981, on atteint le million d'auditeurs."

Je me souviens avoir passé une sorte de "grand oral" devant le très officiel Service d'Observation des Programmes : pas un homme de radio n'y siégeait ! Que des magistrats et des anciens préfets. On partait de loin...

Jean-Yves Le Huédé, créateur de Fréquence Nord


C'est ce succès d'audience qui sauve Fréquence-Nord. "Car le pouvoir politique de l'époque et la bureaucratie parisienne n'ont cessé de nous mettre des bâtons dans les roues, reprend Jean-Yves Le Huédé. Giscard a bien senti que ça bougeait sur la bande FM, avec des radios pirates comme Radio Caroline,  Radio Campus, Radio Quinquin. Mais le monopole d'Etat résiste. Le Ministre de la Communication, Jean-Philippe Lecat, se fout complètement de notre projet. Ses services rêvent qu'on se casse la figure. Je me souviens avoir passé une sorte de "grand oral" devant le très officiel Service d'Observation des Programmes : pas un homme de radio n'y siégeait ! Que des magistrats et des anciens préfets. On partait de loin..."
 

 À l'heure du multimédia, du câble et d'internet, il est difficile de se rendre compte aujourd'hui de l'âpreté du combat politique pour la libération des ondes.
 

Dans les années 80, le maintien de Fréquence Nord est aussi un combat politique


Jusqu'en 1981, on parle de radios libres pour bien montrer que ce combat est celui de la liberté d'expression contre un Etat jugé centralisateur et défenseur de l'ordre. Ce n'est pas un hasard si un an après mai 68 des étudiants créent à Lille "Radio Campus" ; et si en 1979 la CGT crée "Radio Quinquin" pour défendre la sidérurgie à Denain.

Droite et gauche, d'ailleurs, se méfient de ces trublions des ondes. En 1981, le nouveau pouvoir socialiste trainera un peu des pieds avant de commencer à desserrer tout doucement le robinet. "C'était très politique, confirme Jean-Yves Le Huédé. Au moment où Fréquence Nord démarre, les autorités ont la bonne idée d'envoyer les CRS fermer et saisir le matériel de Radio-Quinquin. J'ai cru qu'elles voulaient notre mort ! La CGT était folle de rage. Elle criait au complot, dénonçait une manoeuvre du gouvernement. Du coup, c'est nous qui avions les CRS à notre porte pour éviter que les cégétistes envahissent nos locaux."
 

 Ce 19 mai 1980, l'animateur Tonton Sigismond fait déjà partie de l'équipe. Jean-Yves Le Huédé lui a confié une émission musicale, Solo Club, de 19 à 22 heures. Il confirme la chape de plomb qui pèse alors sur les ondes. "En 1975, j'avais réussi à décrocher un contrat de "commentateur artistique" sur France Inter Lille. Je n'avais qu'une heure par semaine. Je passais du rock. Deux ans plus tard, on m'accuse d'imiter les radios-pirates et on me demande de dégager. Je me suis dit : je reviendrai. Et je suis effectivement revenu... grâce à Fréquence Nord."


Fréquence nord, "la radio qui vous écoute"

 
C'est Jean-Yves Le Huédé, au hasard d'une réunion, qui a trouvé le nom : Fréquence Nord. Et c'est l'un de ses amis, directeur d'une agence de publicité, qui inventera le slogan : la radio qui vous écoute. "Une radio interative ! C'était complètement nouveau, s'enthousiasme Tonton Sigismond. Les auditeurs appelaient le standard et intervenaient à l'antenne. On faisait des émissions en extérieur, en public, des podiums. En 1984, on a organisé notre première tournée d'été. On était ancré dans notre territoire. On parlait aux gens de leur quartier. Il y avait le rendez-vous des coulonneux, le "papy-pêche", le jardinier, la météo. On invitait et on faisait découvrir des artistes. On retransmettait des concerts, on invitait des DJ, des disquaires... On était les rois."
 

Et puis il y avait l'actualité. "On a commencé avec une rédaction de 5/6 journalistes, explique Jean-Yves Le Huédé. Ça bossait comme des fous ! C'est là d'ailleurs qu'on s'est rendu compte que la région Nord-Pas de Calais était vraiment très grande. Trop. Quand il y a eu une grosse grève des marins-pêcheurs (plusieurs semaines en août 1980 contre la hausse des carburants NDLR), j'ai demandé à un jeune pigiste de rester à Boulogne/Mer pour suivre le conflit. De là est né le projet d'implanter des correspondants permanents sur la Côte d'Opale, l'Arrageois, le Sud du Nord. Mais il a fallu se battre. Chaque progrès était un combat."
 

Les correspondants permanents de la côte d'Opale

 

Claire Mesureur arrive à Fréquence Nord en 1985, en provenance de Radio Mayenne, à Laval. "Radio Mayenne, Melun FM et Fréquence Nord étaient les expériences pilote menées par Radio-France en 1980, explique t-elle. Une radio départementale, une radio de ville et une radio régionale. Trois radios de proximité mais trois formats différents. Et au final, c'est plutôt le format départemental qui sera gardé et multiplié pour devenir ensuite le réseau Radio-France, puis France Bleu."

"J'ai eu la chance de descendre deux fois au fond de la mine."

Claire Mesureur, correspondante radio à Arras depuis 35 ans


Claire Mesureur se souvient surtout que la radio a accompagné, dans ses premières années d'existence, la fin de l'exploitation charbonnière. "Dès les années 80, on sentait que se préparait la fermeture définitive des derniers puits, se souvient-elle. J'ai eu la chance de descendre deux fois au fond de la mine. Et j'ai couvert la remontée de la dernière gaillette, à Oignies, en décembre 1990. Moi la tourangelle, sur le carreau de la fosse, je ne comprenais rien lorsque les mineurs et anciens mineurs me parlaient ! Et lorsqu'il y a eu la grève des mineurs marocains (1987), c'était pire : un mélange de français et de patois, avec l'accent arabe... Des souvenirs immenses."
 
 

Gérer l'hostilité des confrères


Les journalistes, les "confrères" des autres médias, Jean-Yves Le Huédé n'a pas oublié leur hostilité lors du lancement de Fréquence Nord. Les radios concurrentes - on les comprend - sont évidemment méfiantes, d'autant que Radio-France va largement puiser dans leurs effectifs.

Le directeur des programmes de Fréquence Nord vient d'Europe 1 et RTL voit partir ses correspondants locaux : Jean-Yves Le Huédé à la direction, puis Jean Colin à la rédaction en chef. La Voix du Nord s'inquiète. "À peine un papier pour annoncer le lancement" se souvient Jean-Yves.

L'année suivante, les directeurs de la presse quotidienne régionale obtiendront d'ailleurs un rendez-vous avec Pierre Mauroy à Matignon, juste après l'élection de Mitterrand, pour tenter de maintenir le monopole d'Etat sur les ondes. Ils craignent de devoir partager avec les nouvelles radios une manne financière extrêmement rentable : la publicité.
 
Quant à la télévision, elle boude. "À l'époque, FR3 avait aussi une radio sur Lille, rappelle le fondateur de Fréquence Nord. Elle avait une audience microscopique et elle s'est sentie dépouillée, trahie par le service public. Les animateurs en place étaient à quelques années de la retraite, nous nous étions des jeunes fous, ça ne pouvait pas coller.

Anecdote savoureuse quand on sait qu'aujourd'hui les deux antennes collaborent quotidiennement. Depuis octobre dernier, la matinale de France Bleu Nord est retransmise par France 3 Nord Pas-de-Calais. 

 
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