Depuis le 28 janvier, le musée du dessin et de l'estampe originale de Gravelines, accueille le travail de l'artiste coréenne Hyun Jeung. Graveuse sur bois, elle incorpore de la calligraphie dans ses créations. À l'occasion d'une rencontre avec une vingtaine de stagiaires, elle les a initiés à l’écriture coréenne.
D'abord, il faut apprendre à tenir un pinceau et c'est plus difficile que prévu !
"Votre dos doit être bien droit, le pinceau lui aussi bien droit et votre coude levé" explique doucement l'artiste coréenne Hyun Jeung à des stagiaires très concentrés et qui font leurs premiers pas dans l'art de la calligraphie coréenne.
Puis "Il faut tracer des lignes régulières, essayez de garder la même épaisseur, du haut vers le bas, sans remonter. Puis de gauche à droite sans repasser... " précise l'artiste, elle qui a d'abord appris la calligraphie chinoise quand elle était enfant en Corée du Sud.
Inventée il y a plus de 3 000 ans en Chine, la calligraphie, qu'on appelle la belle écriture, s'est vite répandue dans les pays limitrophes comme le Japon et la Corée. Une calligraphie au pinceau qui se pratique sur du papier de riz ou sur de la soie.
En chinois, c'est un dessin pour un mot
"En calligraphie chinoise, c'est un dessin pour un mot, une idée" précise Hyun Jeung. "Par exemple, ce dessin représente un arbre, il sera dessiné deux fois pour exprimer un petit-bois puis représenté trois fois pour devenir une forêt."
Au fil des siècles, en Corée, la calligraphie chinoise va voir apparaître un nouveau mode d'écriture. La langue coréenne s’étant développée oralement, l'écriture coréenne va se baser sur la phonétique des mots.
En coréen, un dessin pour un son
"En calligraphie coréenne, c'est un dessin pour un son" indique Hyun Jeung "et on va surtout utiliser un véritable alphabet pour écrire des mots !"
10 voyelles, 14 consonnes et une vingtaine de lettres composées, pour cet alphabet apparu dès le 15ème siècle.
Une calligraphie coréenne, d’abord "pratiquée par les femmes et les habitants peu éduqués, qui n’avaient pas accès aux études chinoises" précise Hyun Jeung.
Le tracé des caractères coréens se fait toujours comme pour la calligraphie chinoise, dans un carré imaginaire, mais il est lié aux caractéristiques des sons qu'il représente et décrit la forme prise par les organes vocaux lorsqu'ils sont prononcés.
Peu à peu, chaque stagiaire, s’applique à tracer des traits réguliers, puis des lettres jusqu’à réussir à écrire chacun son prénom.
Pas de ronds dans la calligraphie chinoise
Un exercice plutôt réussi pour Corentin, 15 ans, venu avec sa mère et ses deux sœurs. "Je faisais déjà un peu de Chinois au collège. Le Coréen, c’est différent. Pour vite les distinguer, on peut voir qu’il y a des ronds en coréen alors que dans la calligraphie chinoise, il n’y en a pas."
Même satisfaction pour Maxime, venu avec sa fillette : "J'avais déjà fait de la calligraphie chinoise, mais pas coréenne. C’est excellent, j’aime bien, c’est une autre façon d’écrire et de dessiner complément différente de ce qu’on connaît déjà."
Plus hésitante, Virginie constate la difficulté de tenir un pinceau pour tracer de façon régulière des lettres qui formeront un mot. "Ce n’est pas du tout naturel pour moi, la posture pour écrire est différente. On a tendance à pencher son pinceau, il y a un travail du corps qui accompagne l’écriture qui est nouveau pour moi. "
Après une heure et demie de conseils et de pratique, chacun repart avec des souvenirs écrits noirs sur blanc à l’encre de Chine, ravis d’avoir découvert une nouvelle écriture et d'avoir rencontré une artiste de renommée internationale.
Le travail de Hyun Jeung exposé au musée de Gravelines
Née en 1968, Hyun Jeung a grandi en Corée du Sud, avant de venir en France en 1990. Titulaire d’un doctorat de l’Université de Paris, elle a également étudié aux Beaux-Arts. Son travail explore la gravure sur bois en réinterprétant librement la tradition du paysage et de la calligraphie coréenne. Un art subtil du paysage, où les fleurs et les branches se comportent en motif. L’estampe permettant des tirages identiques en série en bois ou métal, encrées en couches superposées, qui deviennent des peintures.
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En arrière-plan du travail de l'artiste, les sonorités de sa langue natale apparaissent comme une longue litanie de sons calligraphiés en coréen, une musique, celle de l’enfance, celle des tracés répétés inlassablement par la jeune Hyun apprenant les caractères chinois et qui révèle la poésie du monde.
« Fleurs de vent » est à découvrir au musée de l’Estampe de Gravelines jusqu’au 27 août