Troisième jour de mobilisation pour les enseignants, qui manifestent depuis début février contre la réforme "choc des savoirs" initiée par Gabriel Attal lorsqu'il était ministre de l'Éducation. En grève, les professeurs militent contre l'adoption des groupes de niveaux, qui risquent d'accentuer selon eux la stigmatisation des élèves en difficulté.
Devant l'école maternelle Gutenberg de Lille, c'est la cohue. Il est midi et une ribambelle de parents, un poil stressés, s'agglutine à la sortie de l'école pour récupérer leurs enfants dans la précipitation. Pas de garde périscolaire, ni de cantine prévues aujourd’hui pour cette école maternelle.
Comme beaucoup de parents, Ryadh a dû quitter son travail plus tôt, faute de famille ou de babysitter disponible à la dernière minute. Malgré cet imprévu, le père de famille reste solidaire avec les professeurs : "Ils ne font pas grève pour le plaisir, c'est pour une bonne cause."
C’est journée de grève aujourd’hui dans l’Éducation nationale contre le #ChocdesSavoirs !
— SUD éducation (@SUD_education) April 2, 2024
🟢 pas de groupes de niveau
🟠 pas de sélection à l’entrée du lycée
🔴 pas de recul sur la liberté pédagogique
Tou-tes en grève et en manif contre le tri social !
Stigmatisation des élèves
Ce 2 avril 2024, les enseignants de toute l'académie de Lille et d'Amiens se sont mobilisés contre la réforme "choc des savoirs", un chantier lancé par Gabriel Attal lorsqu’il était encore ministre de l’Éducation nationale. Une grève qui met l'accent sur la création de groupes de niveaux au collège, pour le français et les mathématiques, mesure phare de cette réforme.
Il y a un problème éthique, les collègues enseignants ne font pas ce métier pour choisir leurs élèves et les différencier en fonction des bons et des mauvais.
Jean-François Carémel, Secrétaire lillois du syndicat enseignant SNES-FSU
"Il y a un problème éthique, les collègues enseignants ne font pas ce métier pour choisir leurs élèves et les différencier en fonction des bons et des mauvais." Jean-François Carémel, Secrétaire lillois du syndicat enseignant SNES-FSU, explique les fondements de leur opposition à ce système de groupes de niveaux.
"La recherche le montre, dès qu'on commence à classer les élèves, on stigmatise ceux qui sont dans les groupes les plus faibles. C'est de cette façon qu'on les perd et que les plus en avance réussissent mieux." Au lieu de faire progresser les élèves, les groupes de niveau amplifient donc la stigmatisation sociologique et scolaire.
"Il s'agit là d'une politique au détriment des élèves les plus fragiles et socialement défavorisés", avance également la FCPE (Fédération des Conseils de Parents d'Elèves des écoles publiques) dans une publication sur Facebook.
Selon l'académie de Lille, la participation au mouvement de grève de ce mardi s'élève à 7,93 %. Dans l'académie d'Amiens, 5,76 % des enseignants étaient mobilisés pour rejeter cette réforme, qui devrait être appliquée dès le mois de septembre.
Réduire les effectifs des classes
Les 1er et 6 février 2024, les enseignants étaient déjà descendus dans la rue pour dire non "au tri des élèves" et alerter de nouveau sur leurs conditions de travail. En plus de demander le retrait de cette réforme, les professeurs demandent de pouvoir travailler avec leurs élèves "avec des conditions à effectifs réduits, qui permettraient de les prendre en charge avec leurs difficultés dans un cadre hétérogène", comme le souligne Manuela De Oliveira, cosecrétaire académique du SNES-FSU dans la Somme.
Si on traîtait mieux les enseignants déjà du point de vue du salaire, il n'y aurait pas de crise de recrutement. Peut-être qu'ainsi effectivement les élèves seraient mieux entourés.
Carole Prompsy, co-secrétaire académique du SNES-FSU dans la Somme
"Si on traitait mieux les enseignants déjà du point de vue du salaire, il n'y aurait pas de crise de recrutement. Peut-être qu'ainsi effectivement les élèves seraient mieux entourés", ajoute Carole Prompsy, cosecrétaire académique CGT dans la Somme, pour qui les classes de secondaire ne devraient pas excéder 24 élèves.
Pour cette troisième journée de mobilisation, les manifestants de l'académie d'Amiens ont créé une mise en scène avec des masques symbolisant les groupes de niveau. Sur des feuilles de papier, les passants peuvent lire "très bon", "bon", "moyen" et "mauvais". "Ils rêvent d'une école complètement réactionnaire, traditionaliste et inégalitaire", scande Carole Prompsy, en regardant les activistes. "Ce que notre ministre éclair a montré, c'est que de toute façon pour les gens du gouvernement l'école qui compte, c'est l'école privée."