L'emploi est la 6e préoccupation exprimée par les Français dans le cadre de #MaFrance2022. En 2021, c'est plus d'un million d'entreprises créées sur le territoire. Une tendance à la hausse malgré la crise sanitaire qui s'explique notamment par l'envie de redonner du sens au travail via l'entreprenariat.
Ils s'appellent Boris, Mickael et Philippine, ils ont entre 23 et 33 ans et ont un point commun, ils ont ou sont en train de créer leur propre entreprise dans les Hauts-de-France.
Comme eux, de plus en plus de Français sautent le pas et se lancent dans l'entreprenariat, qu'ils soient en recherche d'emploi ou en reconversion. En 2021, selon l'Insee, 1 050 500 entreprises ont été créées en France, c'est deux fois plus qu'il y a 5 ans.
Une tendance qui s'observe également au niveau régional avec une augmentation des créations d'entreprises de 21% entre 2020 et 2021 dans les Hauts-de-France selon les chiffres de la Chambre de commerce et de l'industrie (CCI). Principalement ce sont les entrepreneurs individuels ayant adopté le régime de la micro-entreprise qui tirent les chiffres vers le haut.
"Il faut faire attention, parce que dans les statistiques on compte aussi les livreurs qui sont également auto-entrepreneurs, mais on ne peut pas dire que ce soit vraiment un entreprenariat choisi et puis il y a aussi les entreprises qui n'ont pas pu se créer en 2020 et qui ont été reportées à 2021", éclaire Grégory Sagez, directeur général de BGE Hauts-de-France, l'une des associations les plus importantes en terme d'accompagnement des futurs entrepreneurs et répartie sur tout le territoire.
Reste que l'attrait pour l'entreprenariat demeure une tendance forte. " Il y a un véritable intérêt croissant des Français notamment pour les valeurs que l'entreprenariat véhicule, affirme François Girardin, responsable du pôle Entreprendre & Transmettre et Industrie à la CCI des Hauts-de-France. Et puis cela reste un levier économique majeur. L'entreprenariat est par exemple très soutenu chez les jeunes parce que c'est quelque chose de naturel."
"L'entreprenariat peut donner du sens à sa vie"
À 23 ans, Mickael Beller, n'a pas hésité très longtemps avant de créer sa propre entreprise. Depuis 2016, cet habitant de Quaëdypre près de Bergues dans le Nord se passionne pour la confection de décoration en papier.
Alors à la fin de son BTS électrotechnique, au lieu de continuer dans cette branche, il décide de se lancer. "C'était quelque chose que j'avais réfléchi depuis longtemps, je me suis dit : si ça ne marche pas, je pourrai toujours faire un métier en rapport avec mes études, mais je voulais quand même tenter le coup parce que c'est vraiment quelque chose qui me tenait à cœur."
La passion, c'est aussi ce qui a motivé Boris Anne. Ancien ingénieur, chef de projet dans l'industrie, il a décidé de se reconvertir pour pouvoir faire un métier qu'il aime. "J'étais passionné par les sports mécaniques et j'étais frustré de ne pas pouvoir intégrer ce milieu-là, confie-t-il. Et puis je me suis dit : vu le temps de carrière que l'on a aujourd'hui, autant faire quelque chose que l'on aime."
À 33 ans, après avoir passé un CAP carrosserie, il est aujourd'hui gérant de son propre atelier à Cambrai aux côtés d'un apprenti et d'un salarié en CDI. "J'ai retiré de la frustration, je ne voulais pas subir mon métier. C'est parfois contradictoire parce qu'on perd souvent en niveau de vie, mais on le vit mieux", affirme-t-il.
Aujourd'hui, 25% des personnes qui décident de se lancer dans l'entreprenariat sont des salariés en reconversion. "Il y a même eu une légère augmentation en 2021 par rapport à 2020 avec effectivement la crise du Covid où énormément de personnes se sont posées la question du sens de ce qu'ils font, précise Grégory Sagez. Et l'entreprenariat peut donner du sens à sa vie, parce que l'on est acteur, on agit par nos propres moyens pour faire une activité qui correspond à nos valeurs."
La clé de la réussite, être bien accompagné
Pour Mickael comme pour Boris, monter leur propre entreprise a demandé deux ans de préparation au préalable. C'est le cas actuellement de Philippine Leroy, 27 ans, dont l'objectif est d'ouvrir un bar gaming à Amiens cette année. Un projet qui lui trottait dans la tête depuis 2015, mais qu'elle n'osait pas concrétiser seule. "J'ai un master en management international et je ne trouvais pas d'emplois qui me convenaient alors j'ai travaillé dans un magasin d'électroménager en attendant. C'est là que j'ai parlé de cette idée à l'un de mes collègues, raconte-t-elle. Avec lui et un autre associé qui partage la même passion, on s'est dit que c'était le moment de se lancer."
En avril 2021, l'aventure commence avec comme avantage pour le trio de reprendre une franchise. "Cela nous aide beaucoup, on a fait appel à un cabinet comptable, on peut se servir de l'expérience des autres bars gaming de la franchise, ils nous aident aussi pour les démarches administratives, détaille Philippine. Il y a plein de choses pour lesquelles on n'est pas formés donc cela nous a beaucoup rassurés d'être accompagnés."
Et c'est peut-être cela la clé d'une bonne réussite, être bien accompagné. Aujourd'hui, les futurs entrepreneurs peuvent faire appel à des associations qui les conseillent comme BGE qui existe depuis plus de 40 ans. "Il peut arriver que pour certaines personnes, ce soit un peu vague dans leur tête alors on décide de faire un bilan de compétences entrepreneuriales : en clair qu'est-ce que cela va changer dans ma vie si je deviens entrepreneur ? Et ensuite, il faut avoir des compétences en gestion et en management d'entreprise", explique Grégory Sagez.
En effet, développer son entreprise, ce n'est pas seulement vivre de sa passion, c'est aussi savoir entreprendre. "Il va falloir se mettre en situation de vendre un produit et on n'a pas toujours été dans cette position-là avant de créer son entreprise", poursuit le directeur général de BGE Hauts-de-France. D'où l'importance de suivre des formations adaptées notamment en groupe. "Cela permet de s'encourager, de se soutenir. Cet aspect collectif des formations est très important", assure-t-il.
Différentes aides de financement
Vient ensuite la notion de financement. Il existe aujourd'hui plusieurs dispositifs d'aides et il n'est pas toujours facile de s'y retrouver. Pour accompagner au mieux les futurs entrepreneurs, la Région Hauts-de-France a donc développé le programme Starter dont la CCI et BGE sont partenaires. "Il permet à l'ensemble des porteurs de projets sur une création ou une reprise d'entreprise d'être accompagné gratuitement dans la mise en œuvre du projet", détaille François Girardin, responsable à la CCI.
Durant tout le temps de la création d'entreprise, Pôle emploi peut aussi fournir une aide financière. "Quand on a des droits de demandeurs d'emploi au sein de Pôle emploi, on peut les mobiliser en partie pour assurer son revenu en phase de création, c'est de loin l'aide principale en France puisqu'elle permet d'avoir un appui financier", ajoute François Girardin.
Enfin ces aides peuvent être couplées d'un prêt à taux zéro. Il existe ainsi une plateforme d'initiatives locales, le réseau Initiatives France qui propose ce type de prêt et le réseau France Active qui va apporter sa garantie aux prêts bancaires. "Au final, tout le monde peut être accompagné et orienté vers les dispositifs de soutien et la région Hauts-de-France est assez bien dotée à ce niveau", appuie le responsable du pôle Entreprendre & Transmettre et Industrie à la CCI des Hauts-de-France.
Ne pas abandonner, ni se décourager
Sans cet accompagnement, difficile parfois d'aller jusqu'au bout. D'autant que la crise sanitaire a souvent chamboulé les projets. "J'ai créé mon entreprise un mois avant le premier confinement, après deux ans de préparation c'est comme un coup de hache dans les genoux", lance Boris. D'où l'importance d'avoir un soutien professionnel mais aussi personnel. "C'est très important, moi, si ma famille, ma femme, ne m'avaient pas soutenu, je ne sais pas si j'aurais pu le faire", confie-t-il. Aujourd'hui, il développe même un autre projet : une moto side-car transformée en tireuse à bière. "Là pour le coup, c'est de l'événementiel, c'est nouveau, beaucoup plus fun et ça me plaît beaucoup."
Malgré les coups durs, Mickael aussi a toujours cru en son projet. Depuis novembre 2020, le jeune homme possède son site internet et propose ses produits lors d'événements. "Cela n'a pas toujours été facile, j'ai dû même me mettre en pause un temps pour avoir un revenu parce que je n'arrive toujours pas à en vivre, mais j'attends de voir comment cela va évoluer. Aujourd'hui j'ai une cinquantaine de produits différents à présenter", se réjouit-il.
Quant à Philippine, il ne reste plus qu'une banque accepte le projet du bar gaming. "On a déjà le local, tout est prêt, il ne manque plus que le financement. Dès que c'est ok, on estime qu'il y aura un mois de travaux pour pouvoir ouvrir. On reste confiants, même si c'est parfois le parcours du combattant, parce que c'est notre projet de vie, c'est plus qu'un rêve. Je travaille depuis que j'ai 17 ans, je n'ai pas toujours eu des emplois qui me convenaient donc, quitte à bosser beaucoup autant faire ce que j'aime."