Plus d’une centaine de maires du Nord et du Pas-de-Calais auraient démissionné depuis 2020. Parmi les causes de ces démissions : des incivilités, des injures voire des agressions.
“Me faire insulter parce qu’un chien dangereux n’a pas de laisse ou de muselière : c’est classique. Les gens s’en fichent, qu’est-ce que je peux leur faire ?”, déplore Jacques Montois, le maire d’Hantay. Des dizaines de personnes, parmi lesquelles de nombreux édiles, se sont rassemblées pour le soutenir ce dimanche 25 février 2024, à 11 heures, devant la mairie. Une semaine auparavant, il a été violemment pris à partie par un groupe d’individus.
On ne nous donne pas les moyens de pouvoir réagir contre les incivilités, contre les agressions. Il faut que ça s’arrête.
Jacques Montoismaire d’Hantay
Une petite dizaine de personnes l’ont insulté et l’ont menacé de mort, lui et sa famille. Des menaces de viol à l’encontre de son épouse ont également été proférées. Ce dimanche, il s’exprimait devant la foule de plusieurs dizaines de personnes venues lui apporter du soutien. “On ne nous donne pas les moyens de pouvoir réagir contre les incivilités, contre les agressions. Il faut que ça s’arrête”, affirme l’édile.
“On est en prise directe avec la population et c’est ça qu’on aime, mais il ne faut pas que ce soit au détriment de nos vies.” Suite aux menaces et aux insultes à son encontre, Jacques Montois a porté plainte et envisage de démissionner si rien n’est fait.
Plus d’une centaine de maires du Nord et du Pas-de-Calais ont démissionné depuis 2020
La situation dans cette commune de 1200 habitants des Weppes n’est malheureusement pas isolée. Plus de la moitié des édiles de France (55 %) ne souhaitent pas se représenter aux élections municipales de 2026, selon un sondage de l’Ifop réalisé en 2022. Pire : d’après une récente étude du Figaro, 2000 maires auraient même démissionné depuis 2020, principalement dans des bourgades rurales. Le Nord et le Pas-de-Calais cumulent plus d’une centaine de ces communes à eux deux.
Parmi les raisons de ces démissions : la santé, des conflits en conseil municipal, le cumul de la fonction avec un métier en parallèle, un manque de reconnaissance, de légitimité, de rémunération... Mais le climat anxiogène comme celui que subit le maire d’Hantay est un sujet récurrent, avec un sentiment d’insécurité croissant pour les élus locaux.
Quatre maires sur dix ont déjà subi des injures ou des insultes
Les violences à l’égard des maires ont en effet augmenté, selon une enquête du Cevipof réalisée pour l'Association des maires de France (AMF) en novembre 2023.
Parmi les 8000 maires interrogés, 69 % affirment avoir déjà été victimes d’incivilités (impolitesse, agressivité), soit 16 points de plus par rapport à 2020. 39 % d’entre eux ont subi des injures et insultes (+ 10 points par rapport à 2020). 27% de ces élus disent avoir été attaqués ou menacés sur les réseaux sociaux (+ 7 points). Enfin, 12 % des maires soulignent que leur famille a également subi les mêmes comportements violents.
Il ne faut pas se laisser déborder par la peur. C’est ingrat… Mais la passion de la fonction l’emporte sur le reste.
Bernard Gérardmaire de Marcq-en-Baroeul et président de l'association des maires du Nord
Pour Bernard Gérard, maire de Marcq-en-Baroeul et président de l'association des maires du Nord, ces violences sont “inadmissibles et invraisemblables”. Joint par téléphone, il déplore qu’”une minorité de personnes, mais visibles” sapent le travail de terrain des maires, “premier rempart de la République au quotidien”.
Il relate des intimidations voire des violences que lui ont rapportées par différents maires du département : pour l’un, c’est un tir à la carabine sur sa porte d’entrée, pour l’autre, des balles déposées dans sa boîte aux lettres. Le président de l’association des maires de France voudrait que “ce genre de choses soient sévèrement punies”.
Freins de voiture coupés, balles dans la boîte aux lettres, tirs à la carabine…
Le maire de Marcq-en-Baroeul a d’ailleurs lui-même été victime de sabotage : les câbles de frein de son véhicule ont été sectionnés. “Alors il y a forcément une vigilance, quand vous partez le matin, vous faites le tour de votre véhicule”, déplore l’élu. “Mais il ne faut pas se laisser déborder par la peur. C’est ingrat… Mais la passion de la fonction l’emporte sur le reste.”
Face à la hausse des violences faites aux élus, le Centre d'analyse et de lutte des atteintes aux élus (CALAE) a été mis en place en 2023 et un “pack sécurité” a vu le jour. Ce dernier comporte plusieurs mesures parmi lesquelles la création d'un réseau de plus de 3400 référents "atteintes aux élus" dans la gendarmerie nationale et la police nationale. Autre mesure : le renforcement du dispositif "Alarme élu" pour bénéficier un traitement rapide des appels des élus au 17.
Du côté d’Hautay, ce dimanche matin, le maire Jacques Montois appelait de ses vœux “que le soit-disant pouvoir de police” des maires devienne “une réalité”.