"J'ai peur qu'un de mes collègues meure sur son lieu de travail" : le cri d'alarme de soignants en psychiatrie victimes d'agressions

Après une vingtaine d'agressions de la part d'un patient handicapé, les agents de l'établissement de santé mentale (EPSM) de Seclin ont déposé un préavis de grève pour ce mardi 12 septembre. Ils se sentent abandonnés par la direction.

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La dernière agression a eu lieu le 7 août dernier. Le jeune patient autiste asperger sort de sa chambre tôt le matin et se dirige le poing en l'air vers un soignant. Ce dernier évite de justesse les coups et parvient à maîtriser le malade. Plus de peur que de mal cette fois-ci, mais pour les agents du service de l'unité fermée de l'EPSM (Etablissement Public de Santé Mentale Lille-Métropole) de Seclin, c'est l'attaque de trop. Impossible pour eux de commencer l'année dans ces conditions. Ils ont donc décidé de déposer un préavis de grève pour ce mardi 12 septembre.

Strangulation

L'objectif est d'alerter sur leur situation car la précédente agression aurait pu être fatale. Le 17 février dernier, frustré de ne pouvoir s'alimenter au réveil à cause d'examens médicaux, le patient étrangle violemment une soignante, lui assène plusieurs coups de poing et de pieds après l'avoir mise en sol. Il s'en prend également à d'autres agents venus aider leur collègue. 4 professionnels finissent ce jour-là en arrêt de travail. 

La situation dure depuis 4 ans et devient ingérable pour l'équipe.

Nous avons l'impression de ne pas être entendus, que notre souffrance n'est pas du tout prise en compte.

Une soignante de l'EPSM de Seclin

Pourtant, plusieurs mesures ont été prises pour protéger le personnel et encadrer ce patient. A court terme, il y a l'isolement de l'individu "mais ça n'est une solution pour personne", reconnaît David Meesman, secrétaire général CGT de l'EPSM.

Après l'attaque de février, le corps médical du Pôle affecte au patient deux éducateurs pour l'encadrer et mieux le prendre en charge. "Ce sont des "personnes spécialisées qui viennent d'une association liée à l'autisme, explique Frédéric Macabiau, le directeur délégué de l'EPSM Lille-Métropole, les progrès se sont vite fait ressentir". L'amélioration est en effet confirmée par les équipes alors que les éducateurs viennent plusieurs fois semaine travailler auprès du jeune homme. "Mais dès qu'ils ne sont pas là, comme par exemple en août, pendant leurs vacances, les épisodes de violence reprennent", continue le syndicaliste.

Alors des vigiles ont été embauchés, un garde statique 24h/24 qui intervient en cas d'attaque mais, selon un soignant, "ils ne sont pas formés au travail de la psychiatrie". Et de poursuivre : "il y a un manque chronique d'effectif dans le service et une banalisation de la violence."

Le temps d'une crise 

Le service de Seclin est composé de deux unités de soin de 15 lits spécialisées dans la psychiatrie et la santé mentale. "Ce n'est pas un endroit adapté pour un jeune autiste, précise David Meesman pour la CGT, c'est un établissement hospitalier, d'accueil d'urgence donc, on n'est pas censé héberger ce jeune homme depuis 5 ans, normalement les patients restent ici le temps d'une crise, deux semaines en moyenne.

La direction confirme : "ce patient ne relève pas d’une prise en charge psychiatrique à temps plein, il lui faut un suivi éducatif plutôt que médical. Or, nous, on est là pour soigner la crise et faire le lien avec l'ambulatoire", détaille Frédéric Macabiau.

L'assistante sociale a bien tenté d'orienter le patient vers d'autres structures, en vain. Toujours la même réponse : le manque de places dans les centres adaptés de la région. Et la situation s'est empirée avec le moratoire en Belgique qui complique depuis peu la prise en charge d'autistes français Outre-Quiévrain. 

Séjour de rupture 

Depuis la dernière agression d'août, la direction a proposé "un séjour de rupture", c’est-à-dire l'éloignement du patient de quelques jours dans un autre service, "encore faut-il qu'il y ait de place, reconnaît le directeur délégué, et ça ne ferait que repousser le problème ailleurs, mais ça serait au moins un peu de répit pour les équipes."

En effet, les agents ont réellement besoin de "souffler", assure le syndicaliste, "mais cela fait plus d'un mois maintenant qu'on attend un retour et toujours rien. les équipes se sentent abandonnées", déplore le syndicaliste. 

Un terme que ne veut pas entendre la direction qui assure avoir multiplié les réunions et proposé des solutions : "ça n'est pas ce que j'appelle abandonner", dit Frédéric Macabiau. 

Climat d'insécurité

Outre ce climat d'insécurité au travail, les syndicats mettent en avant la désorganisation du service et les risques physiques et psychiques graves pour les salariés. Ce que confirme une soignante : "je viens travailler la boule au ventre et je dors très mal. J'ai beaucoup de colère et l'impression de ne pas me faire comprendre. Je suis toujours en hypervigilance et ne supporterais pas que l'un de mes collègues meure sur son lieu de travail.

Les agents appellent donc au rassemblement devant leur clinique, ce mardi 12 septembre, pour une grève symbolique d'une heure, de 13h30 à 14h30.

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