Elles habitent à Lille depuis des dizaines d'années. Ces expatriées américaines s'apprêtent à suivre les élections du 5 novembre 2024 qui s'annoncent très serrées. L'attitude du candidat républicain Donald Trump les inquiète.
Il est 14 h 30, Heather Noreen, déguste un carrot cake dans un salon de thé lillois. Cette douceur n'est pas sans lui rappeler son pays d'origine, les États-Unis.
En 1992, Heather débarque dans le Nord. Son intérêt pour la politique attire les médias. "Lors de l'élection de Bill Clinton, la Voix du Nord m'avait dépeinte comme une jeune républicaine convaincue, fervente défenseure de Georges H. W. Bush", exprime-t-elle dans un français très fluide. Ce temps a bien changé, la Lilloise d'adoption travaille désormais dans la transition écologique et se positionne en farouche opposante à Donald Trump, candidat républicain à l'élection américaine de novembre 2024.
Heather se tient au courant de la politique américaine sur les chaînes françaises et échange quotidiennement à ce sujet avec ses proches. L'expatriée est électrice dans un des sept états appelés "swing states", dans lesquels les résultats sont souvent serrés entre démocrates et républicains. Elle l'avoue : "Même si je suis électrice au Wisconsin, je vote de manière assez superficielle, car je ne suis plus aux États-Unis."
"Je vote car c'est le devoir d'un citoyen"
"Je vote car c'est le devoir d'un citoyen. Il faut inciter les expatriés à voter par ce que ça risque d'être serré. Les États-Unis sont une puissance mondiale, ce n'est à prendre à légère que de s'exprimer par les urnes", s'explique Heather.
Pour ce faire, Heather et ses deux enfants en âge de voter, Alexander et Anna, ont procédé le 27 septembre au dernier à l'envoi de leurs votes par courriers postaux pour qu'ils arrivent d'ici au 5 novembre, jour des résultats des élections.
Quand il s'agit de confier pour qui elle vote, Heather glisse timidement "Kamala Harris", la candidate démocrate investie suite au retrait de la candidature de Joe Biden. "Ce n'est pas la candidate idéale, mais c'est la moins mauvaise. Je n'ai pas vraiment le choix.", lance-t-elle.
Je perçois le système américain comme très injuste socialement, notamment pour l'accès aux soins.
Heather Noreen, expatriée américaine à Lille
La politique américaine, un paradigme bien différent du système français. "Les démocrates, c'est la Droite en France. La Gauche n'est pas très influente aux États-Unis". Heather Nooren n'est pas partisane de "l'American Dream"."Je perçois le système américain comme très injuste socialement, notamment pour l'accès aux soins", se justifie-t-elle.
Des expatriées contentes d'être en France
L'expatriée n'est pas très à l'aise avec cette politique. À Lille, pour la quinquagénaire, exit la voiture, désormais, elle ne se déplace plus qu'à vélo. "La transition écologique d'une certaine partie des Lillois m'a inspiré. Après 30 ans, je suis bien contente d'être en France, je me sens bien plus heureuse."
S'il en est une qui voulait absolument voter dans son État d'origine, le Colorado, c'est bien Marianne Weidel, naturalisée française depuis quelques semaines. Arrivée, il y a 21 ans, la salariée d'une école d'ingénieure lilloise a décidé de demander la nationalité française. Elle peut dorénavant aussi bien voter en France qu'aux États-Unis.
Le 5 novembre, comment l'Américaine à l'accent chantant va suivre le résultat du scrutin depuis Lille ? "Je vais rester éveillée toute la nuit. Depuis la victoire de Donald Trump face à Hillary Clinton en 2016, j'ai tendance à fuir la politique de mon pays. L'atmosphère aux US depuis mon départ a bien changé. Les opinions des Américains sont bien plus polarisées qu’avant."
Depuis la victoire de Donald Trump face à Hillary Clinton en 2016, j'ai tendance à fuir la politique américaine.
Marianne Weidel, expatriée américaine à Lille
Parler politique américaine en France ne semble pas très bien vu : "Ma fille en cours d'anglais n’a pas voulu dire qu’elle était américaine. Avec Donald Trump qui n'est pas pris au sérieux en Europe, elle a honte de sa double nationalité. On lui accole souvent le cliché de la pollueuse et de la gaspilleuse."
"C'est tabou de parler politique pour un américain"
American Expat Community Lille, un groupe Facebook de près de 1000 abonnés, fédère la communauté américaine lilloise. Sur celui-ci, des électeurs républicains ont été sollicités. Aucun d'entre eux n'a donné suite. "C'est tabou de parler politique pour un américain", analyse Marianne Weidel.
"Un expatrié américain en France, la plupart du temps, est démocrate. Ces personnes sont souvent très ouvertes à d'autres cultures", précise Lucas Desoblin, professeur d'anglais lillois, spécialiste des États-Unis.
Si les expatriés américains du Nord-Pas-de-Calais paraissent être plutôt démocrates, qu'en pensent certains habitants de la région ? "Ici, ça vote plutôt Rassemblement national, cela se rapproche parfois du discours de Donald Trump. Un ami à moi pense qu'il ne dit pas que n'importe quoi", raconte le professeur d'anglais, spécialiste des États-Unis.
Les expatriées américaines de Lille seront fixées sur le nom de leur nouveau président mardi 5 novembre. De récentes enquêtes d'opinion donnent un léger avantage à Donald Trump, qui conduit à 78 ans sa troisième campagne présidentielle consécutive. Cependant, cette avance se situe systématiquement dans la marge d'erreur. Difficile d'en tirer des conclusions.