"Les gens sont prêts à parler" : Défragmenté.e.s, l'association qui aide les victimes de violences à révéler ce qu'elles ont subi

Cet été, une nouvelle association a vu le jour dans le Nord. Parce qu'elles ne sont pas toujours prises aux sérieux par leurs proches, Défragmenté.e.s propose aux victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS) un accompagnement dans la révélation de ce qu'elles ont subi.

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"Le silence est une violence mais parler, une épreuve", sur le site de Défragmenté.e.s le ton est donné. Cette nouvelle association pour l'instant basée à Lille mais aux ambitions nationales propose une aide inédite pour les victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS).

L'association leur propose de les accompagner dans la révélation des violences subies à leur entourage. Ce moment que Défragmenté.e.s n'hésite pas à qualifier "d'épreuve", peut se transformer pour certaines victimes en véritable double peine lorsque leur famille ou leurs amis ne prennent pas cette révélation au sérieux. C'est pourquoi elle leur propose un accompagnement personnalisé qui se matérialise sous la forme d'un livret coécrit avec un thérapeute ou un praticien spécialiste des VSS qui sera ensuite distribué à leurs proches.

Si le projet mûrit depuis le mois de janvier, l'association a profité de l'été pour terminer ses derniers ajustements. En recherche de financements pour lancer ses premiers accompagnements, elle espère pouvoir lancer son activité dès le mois de novembre. Pour mieux comprendre les ambitions de Défragmenté.e.s, nous nous sommes entretenus avec Sarah Merlo, sophrologue à Roubaix et coordinatrice de l'association.

Comment est née l'initiative Défragmenté.e.s ?

Sarah Merlo (SM) : "Défragmenté.e.s c'est une idée qui est collective, née de la convergence de plusieurs choses. Je suis thérapeute et sociologue. Dans ma pratique, j'accompagne des personnes victimes de VSS. Avec plusieurs praticiens on a remarqué que ce qui faisait mal, c'étaient les réactions des familles suite à la révélation de la violence subie. On s'est dit qu'il y avait peut-être quelque chose à faire à ce sujet. 

Avec plusieurs praticiens on a remarqué que ce qui faisait mal, c'étaient les réactions des familles suite à la révélation de la violence subie.

Sarah Merlo

Sophrologue et membre de Défragmenté.e.s

Notre accompagnement, c'est d'aller rédiger un livret qui va intégrer le vécu de la victime. Il se compose de quatre grandes parties. Tout d'abord on va expliquer l'objet de la violence. Puis, on va s'attarder sur l'agresseur ou l'agresseuse, avant de s'attarder sur la victime. Enfin on va intégrer l'entourage. Dans cette dernière partie, on va par exemple décrire les possibilités de réaction, les rôles possibles qu'ils peuvent jouer.

Par exemple, on a dans l'asso une interne en médecine, qui a rencontré énormément de victimes de VSS. Dans le conseil d'administration, on a aussi une personne qui est militante féministe. Elle a un savoir assez grand sur les concepts féministes et sur les idées qui englobent les violences systémiques."

Comment se matérialise l'accompagnement des victimes ?

SM : "Pour ce faire, on se base sur la psychoéducation, on détaille des concepts comme la stratégie de l'agresseur ou la culture du viol, qui réunit tous les stéréotypes, les mythes et/ou idées reçues sur le viol. Par exemple, l'une des idées reçues sur les victimes, c'est qu'elles sont des menteuses. Alors que l'on sait que statistiquement, il y a environ 2% de fausses allégations.

Tous ces concepts, et bien d'autres, sont des choses à expliquer dans le livret pour anticiper les réactions de l'entourage du style « non, je ne te crois pas ». L'idée c'est aussi pour eux de prendre conscience de l'impact des VSS sur la victime. Par exemple, elle peut potentiellement développer un psycho trauma. Il s'agit de tous les troubles développés après avoir vécu des violences sexuelles, comme des troubles du comportement alimentaire (TCA).

On a beaucoup de ressources à notre disposition, mais lorsqu'une victime s'en saisit, souvent elle va prendre une distance. Nous, on veut créer un lien, leur dire qu'elles font partie de ce système. Que dans une équation de violence, il y a un agresseur, une victime et tout ce qui gravite autour (la famille, la société). L'écriture de ce livret sera le fruit d'un travail d'écoute et de retranscription avec la victime. C'est un service qui sera gratuit. C'est pour cela qu'on a lancé une campagne de crowdfunding."

La parole des victimes se délie depuis MeToo, mais la société est-elle prête à les écouter ?

SM : "Depuis MeToo, il y a eu cette envie de parler. Le problème, c'est qu'il n'y avait personne pour les écouter. La société est encore dans un déni des violences sexuelles. Le déni que l'agresseur peut être Monsieur « Tout le monde ».

Par exemple, avec le procès Pélicot il y a des choses super intéressantes qui se passent. Il y a une sorte d'électrochoc, que Monsieur « Tout le monde » soit capable de faire ça. Avec toutes les photos et vidéos qui accompagnent la médiatisation du procès, il n'y a pas la possibilité de dire qu'elle a menti. Il y a donc une confrontation qui est brutale, celle de se dire que potentiellement l'agresseur pourrait être mon voisin.

Les gens sont prêts à parler, mais il faut leur donner tous les outils. Avec Défragmenté.e.s on ne peut pas promettre que la révélation se passera bien, mais on va donner tous les outils aux victimes pour que leur entourage comprenne que c'est systémique et que ce n'est pas juste une histoire personnelle.

On va donner tous les éléments pour que leurs familles comprennent, mais on va les préparer à l'éventualité que ça se passe mal. Le moment de la révélation est quelque chose de compliqué pour la victime, un point de tension très fort, fruit d'un temps de maturation très important. On va essayer de l'accompagner pour l'aider à passer cette épreuve."

Si vous souhaitez vous rapprocher de l'association, vous pouvez vous rendre sur son site internet juste ici, ou la contacter par mail à l'adresse suivante : defragmentees@gmail.com.

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