"Les subventions ne sont pas acquises" : voici pourquoi la Métropole Européenne de Lille suspend son aide de 38 000 euros à une association contre le mal-logement

L'Atelier Populaire d'Urbanisme (APU) du Vieux-Lille s'est vu retirer une subvention de 38 000 euros que lui accordait la Métropole Européenne de Lille (MEL). La MEL reproche à l'association d'avoir attisé la violence lors de l'expulsion d'un camp de gens du voyage à Wattignies. Nous nous sommes entretenus avec Anne Voituriez et Claire Bruhat, de la MEL, pour éclaircir la situation.

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Le 20 février dernier, des agents de la Métropole Européenne de Lille (MEL) se sont rendus sur l'aire des gens du voyage de Wattignies (Nord) pour procéder à son expulsion. L'Atelier Populaire d'Urbanisme (APU) du Vieux-Lille était sur place au moment des faits, en sa qualité d'association de défense des locataires et propriétaires occupants depuis 1979.

La MEL a décidé de mettre fin à la subvention de 38 000 euros qu'elle versait jusqu'alors à l'APU, invoquant un non-respect du contrat d'engagement républicain (CER), lors de l'expulsion. C'est-à-dire, de "ne pas provoquer à la haine ou à la violence envers quiconque" et d'interdire "d'entreprendre ou d'inciter à toute action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d'entraîner des troubles graves à l'ordre public." La MEL déplore notamment la violence verbale lors de l'expulsion.

La levée de cette subvention pourrait porter atteinte à la poursuite des missions de l'association, qui pointe une "injustice". Nous avons posé trois questions à Anne Voituriez, vice-présidente de la MEL en charge du logement et de l'habitat ainsi qu'à Claire Bruhat, directrice de l'habitat de la MEL, pour comprendre leur vision des faits.

Pourquoi avoir levé les subventions de l'APU Vieux-Lille ?

Anne Voituriez (AV) : "Les subventions, de manière générale, ne sont pas un droit acquis pour les associations. Chaque année, on examine la situation des associations qui sont en demande de subvention. Il n'y a pas d'automaticité en la matière, on examine toujours au cas par cas. Cette année, pour l'APU du Vieux-Lille il n'y a pas eu de vote de subvention. La décision a été prise le 19 avril en bureau de la MEL. Décision prise à l'unanimité avec une voix d'abstention.

Pourquoi ? Parce que le 20 février dernier, il y a eu, lors de l'expulsion de familles de gens du voyage qui occupaient sans droit ni titre l'aire d'accueil de Wattignies, un incident grave pendant quatre heures. Je ne souhaite pas dramatiser l'événement, mais l'expulsion s'est très mal passée.

Il y a un climat de mise en cause des agents de la MEL à titre personnel.

Claire Bruhat

Directrice de l'habitat de la MEL

Quatre familles sont concernées, et les décisions d'expulsion remontaient à juin 2023. Elles ont été prises par le tribunal administratif de Lille et ont été motivées par le fait que ces familles avaient procédé à des branchements illicites d'électricité étaient en retard sur leur redevance. Il y avait également eu un non-respect du règlement intérieur et des dégradations commises par les gens du voyage.

Le 20 février, les gens du voyage ont été appuyés par un collectif, lors de l'expulsion, constitué par l'APU Vieux-Lille, la Confédération Nationale du Travail (CNT) et un journaliste membre de la CNT. Ils ont été encouragés par le collectif à ne pas partir, à négocier, ils ont attisé une ambiance de violence avec mise en danger des agents de la MEL. Ils sont sortis traumatisés, et demeurent à ce jour traumatisés."

Claire Bruhat (CB) : "Les associations ont contesté la légalité de l'expulsion. Il y a un climat de mise en cause des agents de la MEL à titre personnel."

L'APU Vieux-Lille est une association historique. La MEL se tire-t-elle une balle dans le pied en matière de logement avec cette sanction ?

AN : "On comprend la mission de l'APU, c'est pour cela qu'on la subventionne. Cette ambiance n'était pas conforme au CER entre l'APU et la MEL. La décision qui a été prise n'a pas été prise que sur deux phrases [phrases prononcées par un membre de l'APU lors de l'expulsion : "vous n'avez pas honte ?", "comment on se regarde dans la glace après avoir réalisé cette expulsion", NDLR]. L'APU, avec le collectif, a attisé une situation de grande tension. Deux agents ont porté plainte contre les familles résidentes de l'aire d'accueil au titre de leur protection fonctionnelle, ils sont soutenus par la MEL dans leur démarche."

On sait très bien que lorsqu'on suspend un financement dont une association est coutumière, ce ne sera pas sans conséquence

Anne Voituriez

Vice-Présidente de la MEL en charge de l'habitat et du logement

CB : "La question des phrases est anecdotique, ce n'est pas le fond du problème. Ils demandaient qu'on stoppe l'expulsion de manière autoritaire, contestant la légalité des ordonnances de référé, définitives depuis longtemps."

AN : "On sait très bien que lorsqu'on suspend un financement dont une association est coutumière, ce ne sera pas sans conséquence. De mon point de vue, cette suspension a une portée symbolique. L'APU a contesté une décision de justice qui était exécutoire. L'APU est sortie du contrat de confiance avec la MEL. C'est pour montrer qu'il y a une ligne rouge à ne pas franchir. On sait que la suspension a aussi une portée économique, mais je ne pense pas qu'elle remette en cause l'existence de l'APU.

L'APU aide les personnes dans des logements indignes, mais l'APU ne mène pas la politique de la MEL en matière d'habitat. Elle ne construit pas, elle ne mène pas une politique de développement. C'est une association de médiation, de défense des droits des locataires."

► Lire aussi : Expulsion de gens du voyage : la Métropole de Lille retire 38 000 euros de subvention à une association de lutte contre le mal-logement

Qu'est-ce qu'il pourrait pousser la MEL à revenir sur sa décision ?

AV : "Je suis bien incapable de vous répondre, ce n'est pas à l'ordre du jour. Cette décision ne retire pas de droit à l'APU. Une rencontre de deux heures a eu lieu ce matin, qui a permis de se dire des choses, et d'éclaircir un petit peu la situation, de lever le voile sur ces événements du 20 février qui ont laissé des traces profondes à la MEL.

Le fil n'est pas rompu avec l'APU, mais il y a une crise, dans les relations, que nous traversons.

Anne Voituriez

Vice-Présidente de la MEL en charge de l'habitat et du logement

La décision a été prise le 19 avril, le fil n'est pas rompu avec l'APU, mais il y a une crise dans les relations que nous traversons. Pour sortir d'une crise il faut la traverser. Ce qu'il s'est passé doit servir de leçon et doit faire l'objet d'une réflexion".

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