La rue Henri Puype, à Arques, n'a toujours pas retrouvé ses habitants. Et ce ne sera peut-être jamais le cas : 32 maisons devraient être rasées dans cette rue, l'une des plus touchées par les inondations. Mais certains propriétaires ne peuvent se résoudre à quitter les lieux, aussi douloureuses soient les plaies de novembre 2023 et janvier 2024.
Il y a six mois, l'eau recouvrait la commune d'Arques (Pas-de-Calais), laissant la rue Henri Puype sous plus d'un mètre d'eau. Aujourd'hui, les séquelles sont toujours visibles. Façades abîmées, portes et murs essorés... Mais la blessure la plus visible demeure l'absence des habitants, qui ne sont pas encore revenus sur les lieux du drame.
Face à ces maisons vides, le maire PS d'Arques, Benoît Roussel, laisse échapper un soupir. "Il est temps d'avancer, on n'en voit pas le bout, il est temps d'être résiliant. Cette rue est la plus impactée à chaque inondation, il a fallu prendre une décision."
Il est temps d'avancer, on n'en voit pas le bout, il est temps d'être résiliant. Cette rue est la plus impactée à chaque inondation, il a fallu prendre une décision.
Benoît Roussel, maire d'Arques
La décision en question consistera à raser l'école de musique et 32 maisons sinistrées, pour que leurs occupants "puissent passer à autre chose", espère le premier édile.
Récupérer la valeur de leur bien
Se débarrasser de leur maison certes, mais pas à n'importe quel prix. Avant de voir leur habitation disparaître pour de bon, les propriétaires pourront bénéficier du fonds Barnier et voir leur maison rachetée par l'État... Enfin, si et seulement si les dégâts liés aux inondations dépassent 50% de sa valeur d'avant novembre 2023. Six habitations sont pour l'instant éligibles à ce programme.
"L'agglomération du Pays de Saint-Omer va avancer l'argent du fonds Barnier et c'est l'État qui va rembourser l'agglo, pour gagner un peu de temps et que les habitants touchent plus vite l'argent sur leur compte", détaille le maire.
Le problème : certaines maisons n'atteignent pas les 50% requis. Mais Benoît Roussel précise immédiatement que l'État et l'agglomération pourront également intervenir auprès de ces habitants pour racheter leur bien.
Concernant le bâtiment de 1000 m2 qui accueillait l'école de musique et de danse d'Arques, l'édile souligne qu'un nouveau bâtiment sera reconstruit quelques mètres plus haut. Sa construction est estimée à 3 millions d'euros. "Sa réparation aurait été moins chère. 1,2 million. Mais sans garantie qu'aucune inondation ne revienne tout défaire." Le choix d'avenir est donc vite fait.
"Ça nous replonge dans l'incertitude"
Une fois les maisons rasées, la ville récupèrera les terrains pour rendre la rue inconstructible. "Si on enlève des habitations, ce ne sera pas pour en reconstruire", argue logiquement Benoît Roussel. De quoi créer une zone renaturée en centre-ville pour que l'eau circule davantage et "être protégés pour l'avenir", en créant des bassins de rétention par exemple.
Une solution qui n'est pas au goût de certains habitants de la rue, comme Quentin, revenu dans sa maison il y a à peine 24 heures. Après trois inondations, cinq mois de travaux et 50 000 euros d'investissement, il ne reste plus aucune trace de la montée des eaux.
Alors forcément, la menace de voir son logement détruit lui est insupportable : "On est revenus avec l'intention de rester. On a tellement enduré physiquement et mentalement que ce serait un coup de massue supplémentaire de repartir de zéro", quitte à croiser des doigts concernant les hivers à venir, en espérant que les curages empêchent l'Aa de sortir de son lit.
On a tellement enduré physiquement et mentalement que ce serait un coup de massue supplémentaire de repartir de zéro.
Quentin, habitant sinistré
Si Quentin reste serein, de l'autre côté de la rue, Patrick est plutôt remonté. "On ne s'y attendait pas du tout, nos édiles ont quelques problèmes de communication. Ça nous replonge dans l'incertitude."
Pour apaiser les esprits, la mairie organise une réunion publique à l'hôtel de Ville ce mardi 30 avril, afin d'exposer le fonctionnement du PAPI (programme d'actions de prévention des inondations ndlr.), du fonds Barnier et écouter les doléances de ses sinistrés.