A Bruxelles, les autorités locales ont décidé de réduire à 30 km/h la vitesse autorisée à l'horizon 2021, une mesure visant à encourager les déplacements "propres", en deux roues ou à pied, sur fond d'inquiétudes sur le climat, mais dont l'efficacité fait débat.
L'idée n'est pas révolutionnaire. A Berlin ou Madrid, 80% du réseau est déjà en "zone 30". Et ce sera le cas à compter du 19 août à Lille, une grande ville se voulant elle aussi "plus respirable", avec moins de voitures.
A Bruxelles, le gouvernement régional constitué cette semaine (dominé par les socialistes et les écologistes) se donne 18 mois pour "généraliser" cette limitation à 30 km/h qui concerne déjà 55% du territoire, dans des zones résidentielles, commerçantes ou aux abords des écoles.
Le 1er janvier 2021, assure-t-il, les limitations à 50 km/h et 70 km/h seront devenues l'exception réservée aux "voiries structurantes", les grandes avenues ou "la petite ceinture" autour du centre-ville avec ses tunnels vieillots. Même avec ce délai, la mesure est jugée "ambitieuse" par les spécialistes, car il faut installer des ralentisseurs et prévoir les contrôles de vitesse sans lesquels "ça décrédibilise tout le système".
Aménagements nécessaires
"Sans aménagements, nos études montrent que 90% des conducteurs ne respecteront pas les 30 km/h", souligne Benoît Godart, porte-parole de Vias, l'agence belge de sécurité routière. "Si c'est pour mettre deux panneaux annonçant un début et une fin de zone 30, et basta, ça ne sert à rien", ajoute-t-il.
Reste donc à trouver les budgets pour ces équipements, à la fois à la région et dans les 19 communes de la capitale (la responsabilité de la voirie est partagée entre ces niveaux de pouvoir), ce qui a suscité des grincements de dents dans l'opposition de droite. Sans surprise, le 30 "généralisé" irrite aussi les chauffeurs de taxis, qui dénoncent une décision "inutile".
"La congestion du trafic empêche de dépasser 30 ou 40 km/h", dit Fethi Dhib, qui exerce ce métier depuis 1987 à Bruxelles.
"Usagers vulnérables"
Une situation observée également à Moscou ou à Londres, qui figurent très haut au palmarès des capitales embouteillées. A Londres, c'est perdre son temps d'envisager une nouvelle limitation à 15 miles par heure (environ 24 km/h), car "la vitesse moyenne est de 6 miles (10 km) par heure dans le centre", a protesté récemment sur la BBC Steve McNamara, de la Licensed Taxi Drivers Association.
Mais dans les capitales où pullulent désormais les trottinettes électriques en plus des bicyclettes, ces limitations synonymes d'"espace public apaisé" trouvent aussi leurs défenseurs. "Nous nous réjouissons de l'écoute que le nouveau gouvernement a porté aux attentes légitimes des cyclistes bruxellois", ont réagi les associations Gracq et Fietsersbond, des militants historiques de la pratique du vélo au quotidien. Celle-ci est en constante hausse à Bruxelles.
Benoît Godart (Vias) relève que la zone 30 offre "plus de sécurité aux usagers les plus vulnérables, piétons, cyclistes". "Un piéton heurté par un véhicule roulant à 30 km/h a grosso modo trois fois plus de chance de survie que si (...) le véhicule roule à 50", poursuit-il. D'où la nécessité de revendiquer, en complément des limitations de vitesse, "plus d'infrastructures cyclables séparées", estime Dudley Curtis, un cycliste rencontré dans le quartier européen de Bruxelles. "Se retrouver mêlé au trafic (...) c'est parfois terrible", affirme ce Britannique de 42 ans.
Un avis partagé par Parthena Papadopoulou, une fonctionnaire grecque de l'UE... mais pas pour les mêmes raisons. En tant que piétonne, c'est "plutôt des vélos" dont elle dit se méfier: "ils ont tous les droits et nous on a rien, ils foncent et voilà". Concernant la limitation à 30, Mme Papadopoulou pointe une certaine incohérence des pouvoirs publics. "Petit à petit ils veulent supprimer la voiture, mais viennent pleurer quand les usines ferment", lâche-t-elle.