L'un d'eux, compagnon de chambre pendant deux semaines d'un homme placé en isolement, s'étonne d'avoir dû désinfecter lui-même les lieux.
Y a-t-il un risque de propagation du Covid-19 au sein du Centre de rétention administrative de Lesquin ? Un test de dépistage du coronavirus a été réalisé sur plusieurs personnes, mardi 23 juin, selon des sources concordantes.
Au moins un "retenu" aurait été dépisté positif et placé en isolement selon son camarade de chambre, qui s'inquiète et s'estime livré à lui-même.
Un test après un cas positif
"Il y avait eu un cas positif, donc ils ont décidé de faire des tests", mardi, explique Jeovani. Le soir venu, "on mangeait tous ensemble dans la même salle, ceux qui ont fait le test et ceux qui n'ont pas fait le test".
Le lendemain matin, vers 8 heures, plusieurs policiers entrent dans la petite chambre que partagent les deux hommes. "Ils lui disent de ranger ses affaires et de venir avec eux". En insistant, il apprend que son compagnon de chambre a été testé positif et qu'il doit être placé à l'isolement pendant 14 jours, dans un autre centre de rétention.
On parle avec le même téléphone ! Où il touche, moi je touche aussi !
Le ressortissant angolais, qui a grandi au Portugal et dont les enfants sont nés et scolarisés en France, s'alarme. Ils vivaient côte à côte, "24 heures sur 24", "quasiment collés", depuis deux semaines. "On parle avec le même téléphone ! Où il touche, moi je touche aussi. On utilise les mêmes douches, les mêmes toilettes", où il n'y a "pas de portes, pas d'intimité."
Son compagnon de chambre n'avait aucun symptôme du Covid-19, et Jeovani craint également d'être porteur asymptomatique. Il n'a pas eu accès à ses résultats. "les policiers m'ont répondu : 'Si on t’a rien dit, ça veut dire que c’est négatif'. Il existe toutefois un risque – qui peut monter à 30% voire 40% selon certaines études – qu'une personne infectée soit testée négative, avec la méthode de dépistage la plus répandue.
Face à son insistance, les policiers lui ont suggéré d'en parler à son avocat, mais "le juge veut rien savoir", déplore Jeovani, qui se dit "inquiet" car il est déjà porteur depuis sa naissance de l'hépatite B.
Désinfection de la chambre au gel douche
Les associations de défense des sans-papier ont émis une demande de mise en liberté pour les personnes retenues dans le centre : à la mi-mars, le centre avait été presque entièrement vidé car avec la fermeture des frontières, il était devenu impossible d'expulser les sans-papiers.
Jeovani, arrivé le 21 avril au CRA de Lesquin, dit avoir été contraint de désinfecter lui-même la chambre après le départ des forces de l'ordre. "C'est moi qui ai été obligé de le faire avec le gel douche que ma femme m'avait ramené [avant l'interdiction d'introduire tout vêtement, nourriture ou produit d'hygiène, liée aux mesures sanitaires], c'est moi qui ai été retirer toutes ses affaires. Ça se peut qu'il ait touché un truc que j'ai pas pensé à désinfecter !"
Au-delà de sa seule chambre, il craint que le centre de rétention administrative ne soit un terrain propice pour que le virus se propage. Chez les policiers, "quelques-uns ont un masque, pas tous", assure-t-il. "Quand il y a des cas, ils te donnent des masques, puis après trois ou quatre jours, ils arrêtent".
Les gens qui viennent d'arriver, on les teste même pas. On prend juste leur température.
Ce sont surtout les nouvelles entrées qui l'inquiètent. "Les gens qui viennent d'arriver, on les teste même pas. On prend juste leur température. Ça se peut que ce soit eux qui viennent avec la maladie !"
Selon le Comité des Sans-papiers 59, le centre de rétention de Coquelles, près de Calais, serait également concerné par des cas de Covid-19.
Contactée, la direction de la Police aux Frontières (PAF) du Nord, en charge du CRA de Lesquin, n'a pas encore donné suite à nos sollicitations.