Les salariés de l'usine Cargill à Haubourdin (Nord) sont inquiets, 129 emplois sur les 300 que compte l'entreprise sont menacés. Travailleurs "indispensables" durant la crise sanitaire, ils produisaient des poches de glucose pour les hôpitaux. Deux mois plus tard, colère et déception dominent.
À Haubourdin, dans la métropole lilloise, la colère monte dans l'usine du leader mondial de l'agroalimentaire Cargill. Depuis novembre 2019, l'entreprise est sous le coup d'un plan social qui supprimerait près de la moitié des 330 emplois actuels.
Une décison incompréhensible pour le syndicat majoritaire, car "l'activité y est rentable". "Notre cabinet de projection qui a été mandaté par le CSE a démontré, dans son expertise, que l'usine était plus que rentable", insiste Dorian Vallois, le secrétaire général CGT de l'usine auprès de France 2.
"Le site d'Haubourdin est structurellement déficitaire" selon la direction
En novembre dernier, le géant américain annonce sa volonté de fermer la moitié de l'usine, soit la suppression de 183 emplois. Selon la direction, "le site d'Haubourdin est structurellement déficitaire depuis des années", une position bien différente de celle des salariés.L'entreprise annonce un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), mais tout de même 129 suppressions de postes sont entérinées, soit près de la moitié de l'effectif. Les ouvriers se sont notamment mis en grève pour dénoncer ces décisions.
Des salariés mobilisés pendant la crise du coronavirus
Aujourd'hui encore, il est difficile pour les salariés d'entendre une telle décision, surtout après leur production durant la crise sanitaire. Actifs durant toute la période du confinement, certains employés sont même revenus sur leur temps de congés pour produire des poches de glucose à destination des hôpitaux."On nous a annoncé que nous étions une société indispensable dans le cadre de la crise sanitaire, puisque nous étions les seuls à fabriquer ce produit. On a travaillé à l'effort de guerre, et pourtant on va être licenciés", se désolé Jean-Luc Butez, du syndicat CGT.
Laurent Baudens, salarié depuis 17 ans dans l'usine Cargill, travaille dans l'unité menacée de fermeture. Pour lui et sa famille, c'est l'inquiétude qui domine : "On a un salaire pour cinq. Comment va-t-on faire ? Comment va-t-on payer notre maison, les factures ? On réfléchit à vendre la maison et à partir en location."
Une réunion de "concertation", mais pas d'avancée
Les salariés en appellent désormais au gouvernement pour sauvegarder l'emploi à Haubourdin. Le 16 juillet, une réunion s'est tenue à la préfecture du Nord avec les syndicats et des élus régionaux pour convaincre le géant américain de l'agroalimentaire. La contre-expertise apportée par les syndicats ne semble pas avoir convaincu, malgré le soutien des élus."Notre priorité a été de refuser ce PSE, maintenir l'emploi sur le site. Mais on a bien compris que nous ne faisions pas le poids face à une entreprise mondiale, même avec les élus locaux", admet Yannick Rabaey, de la CGT Cargill Haubourdin.
La direction dit avoir proposé des mesures pour accompagner les salariés visés par les suppressions de poste et prévu 140 000 euros d'indemnité en moyenne par personne.
Le député LFI du Nord, Adrien Quatennens, a dénoncé dans un communiqué la position de l'État et craint pour l'avenir du site : "Lors de la réunion de concertation, les élus et représentants de l’État ont pris acte des motivations économiques de la direction justifiant le PSE. Ce n’est pas mon cas. Tout me laisse penser que, contrairement aux intentions affichées par la direction, le but sera à terme de procéder à l’abandon total du site."
Le 10 juillet, il s'était rendu sur le site de l'usine Cargill pour soutenir les salariés.
? Avec les #Cargill à Haubourdin. «Réindustrialisation», «relocalisation», «souveraineté», «emploi»... #Macron fait du bruit avec sa bouche mais ici, un groupe américain s’apprête à licencier massivement avec la complicité de l’Etat.
— Adrien Quatennens (@AQuatennens) July 10, 2020
? Voir la vidéo : https://t.co/L0byhEScYJ pic.twitter.com/29RkL4xr6G