À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, la ville de Lille met à l’honneur les femmes afghanes ce mardi 8 mars. Au programme, concerts, prises de parole et vernissage d’une exposition réalisée par des artistes afghans accueillis à Lille.
Elles sont le symbole de la lutte pour les droits des femmes dans le monde. Certaines ont réussi à fuir leur pays avec l’arrivée au pouvoir des Talibans en août 2021, d’autres résistent.
À l’occasion du 8 mars, la ville de Lille a décidé de mettre à l’honneur les femmes afghanes, à travers plusieurs événements.
Une soirée-concert est organisée au Grand Sud dès 18 heures, mêlant prises de parole et témoignages pour "mettre en valeur des femmes qui méritent d’être connues et entendues", indique la mairie. Avocates, journalistes, activistes, écrivains et artistes vont se succéder sur scène.
Parallèlement, une exposition événement organisée à la Maison Folie Moulins va être inaugurée en cette journée internationale des droits des femmes. Intitulée FEMMES, regards d’artistes afghans, elle présente le travail d’artistes afghans accueillis dans la ville de Lille en août 2021 après le retour des Talibans au pouvoir. C’est la première fois qu’ils expriment leur art depuis leur départ forcé il y a maintenant sept mois.
Accueillis à Lille en août 2021
Souvenez-vous, en plein cœur de l’été 2021. La guerre éclate en Afghanistan, à plusieurs milliers de kilomètres de l’Europe. Les grandes villes du pays tombent les unes après les autres sous le joug des Talibans qui reprennent peu à peu le pouvoir et assiègent la capitale en un temps record le 15 août. Des milliers de civils tentent de fuir leur pays en guerre, via l’aéroport de Kaboul. En France, certaines municipalités s’organisent pour accueillir les réfugiés, dont Lille. Martine Aubry se mobilise dès le début du mois d’août en établissant notamment une liste d’Afghans en grand danger, en raison de leur engagement ou de leur métier.
Parmi les 85 réfugiés afghans accueillis par la ville de Lille, 17 sont des artistes. Sept mois après leur arrivée, neuf d’entre eux vont de nouveau exposer des œuvres au grand public, pour la première fois depuis leur départ forcé d’Afghanistan. "Ces neuf artistes sont des hommes et des femmes, réfugiés afghans arrivés à Lille en août dernier et qui habitent désormais dans la ville, raconte Stéphane Bruneau, producteur délégué de l’exposition. Tous vont présenter leurs travaux autour de l’image de la femme sous un spectre assez large : on retrouve de la peinture, de l’illustration, de la création textile, de la photographie mais aussi une installation".
Maintenir en vie l’art afghan en exil
Parmi les artistes participant à l’exposition, deux sœurs. Sakineh Gholam Ali a 36 ans. Costumière diplômée de l’université de Téhéran, elle est arrivée à Lille avec sa sœur Maryam, artiste peintre, à la fin du mois d’août 2021. Toutes deux exposent des œuvres dans la deuxième partie de l’exposition consacrée à la tradition. "Sakineh a réalisé un costume traditionnel afghan et Ali Momeni une série de 12 peintures qui représentent les 12 vénus, un travail miniaturiste magnifique fait à la peinture et l’aquarelle".
Parallèlement, ces œuvres vont dialoguer avec les créations de deux artistes afghanes de renommée internationale : Rada Akbar et Kubra Khademi. La première a fui son pays pour Paris dès l’arrivée des Talibans au pouvoir via un vol affrété par la France. Quelques semaines plus tard, cette photographe expliquait à nos confrères du journal Le Monde son exil forcé et l’essence de son travail autour des femmes afghanes importantes dans l’histoire de son pays, "si méconnues mais si grandioses".
L'exposition s'inscrit dans la continuité du travail de ces artistes pour maintenir en vie l'art afghan en exil. De plus, en organisant cette exposition, ils espèrent faire entendre la voix des femmes afghanes qui se battent sur place, et ce au risque de leur vie, pour leurs droits fondamentaux comme la liberté, le droit au travail et le droit à l'éducation.
Nasrullah AlamConseiller artistique de l’exposition
La seconde est une artiste féministe. Après un passage par les beaux-arts de Kaboul, elle a poursuivi ses études à Lahore, au Pakistan, où elle a commencé à créer des performances publiques. Un travail qu’elle a continué à son retour à Kaboul, en réponse à une société dominée par les hommes dont la politique patriarcale est extrême. Après une performance connue sous le nom de Armor en 2015, elle a été contrainte de fuir son pays et s’est réfugiée en France, où elle habite désormais. Elle est par ailleurs chevalière de l’Ordre des Arts et des Lettres. Par sa pratique, elle explore sa vie comme réfugiée et femme.
Des œuvres créées à Lille
Au fil de l’exposition, le visiteur découvre des œuvres qui témoignent de la place des femmes en Afghanistan et du combat pour leur liberté, sans toutefois y intégrer automatiquement la violence et les Talibans, comme l’explique le producteur délégué de l’exposition : "ce n’est pas vraiment représenté parce que les artistes n’ont pas voulu leur donner une place particulière".
Pour mettre sur pied cette exposition, les travaux ont été réalisés en quelques mois seulement grâce à l’aide de la municipalité qui a équipé les artistes. "Toutes les œuvres présentées sont des œuvres faites à Lille, détaille Stéphane Bruneau, excepté celles des photographes qui ont utilisé des fichiers qu’ils avaient sur leur téléphone, en basse définition. Pour vous imaginer, ils n’avaient qu’un bagage de 9 kg quand ils ont fui dans l’urgence. Dans leurs bagages, ils y ont mis toute une vie. Mais les photographes ont dû laisser leurs appareils photos trop lourd et leur matériel informatique".
Une exposition à ne pas manquer à la maison Folie Moulins à Lille, ouverte au public du 9 mars jusqu’au 10 avril 2022.